Quand le christianisme fleurit sur les cendres de la Rome impériale…Pendant 1 200 ans, le forum romain s’est développé en tant que centre névralgique administratif, législatif, religieux de l’Europe. Place de marché, puis centre de la ville, il est devenu un centre d’attraction mondiale. Après l’implosion du gouvernement romain, le forum a continué à se développer et se transformer avec les nouveaux suzerains investissant les collines du Palatin. Les temples ont graduellement fait place aux églises chrétiennes.
Ces années souvent péjorativement appelées l’ “Âge des ténèbres”, car l’on n’a pas de données historiques, font l’objet d’une exposition organisée à l’intérieur du forum jusqu’au 30 octobre 2016 et l’église de Santa Maria Antiqua, datant du septième siècle et nichée dans les vestiges du palais impérial nous révèle 300 ans d’Histoire après la chute des empereurs romains. Recouverte par un glissement de terrain lors du tremblement de terre de 847, elle fut découverte en 1904 puis fermée pendant quarante ans pour restauration, rouvrant il y a quelques années.
Une plongée dans le temps
Avancer vers l’église est une plongée dans le temps. Passant sous les plates-formes massives des temples dédiés aux nombreux dieux de Rome, on entre dans l’atrium de l’église. Les murs colossaux sont des vestiges de l’ambitieux palais de l’empereur Domitien et le sol porte les traces de la fontaine de Caligula.
Quelques fragments de fresques encore accrochés au mur de la bibliothèque de Domitien laissent percevoir ce qui va suivre. Après l’architecture impériale, Santa Maria Antiqua semble intime. Chaque surface porte les traces de fresques qui racontent la vie spirituelle du forum.
L’exposition suit un itinéraire minutieusement pensé. À l’entrée, les visiteurs se tiennent dans une nef, entourés de statues des gouverneurs de Rome qui ont permis au christianisme de fleurir dans le forum. Une reine avec une couronne de perles pourrait bien être Amalasunta, fille de Théodoric.
D’étonnantes mosaïques
Comme par magie, une icône de la Vierge et de l’enfant descend du plafond de la nef. La star de l’exposition est le pape Jean VII dont le court pontificat de 705 à 707 a apporté beaucoup de changements dans l’église. Il a utilisé celle-ci comme chapelle de cour. Son oratoire à Marie dans la basilique Saint-Pierre était couvert d’étonnantes mosaïques dont plusieurs se retrouvent dans l’exposition malgré la destruction de la chapelle dans les années 1500, et portent la signature du pape “Jean, servant de Marie”.
On y trouve les premières chapelles latérales, comme celle de droite dédiée aux saints médecins, et celle de gauche dans l’abside aux murs autrefois recouverts de marbre puis dépouillés de leurs pierres pour laisser place à une représentation de la passion brutale des saints martyrs Julitte et Cyr.
Ces images très fragmentaires sont complétées par des graphiques informatiques sophistiqués, offrant une vision de la chapelle à son époque de gloire. Étonnante application de la technologie dans l’art.
Ode à la beauté, ancienne comme nouvelle
La zone de l’abside fait rêver les historiens, avec un patchwork de fresques dont certaines ont été grattées pour révéler les différentes étapes de la décoration de l’église. Un éclairage ingénieux guide les visiteurs vers le “mur de palimpsestes” avec la fresque la plus ancienne datant de 550, époque où l’église a découvert son identité chrétienne. Une petite aquarelle montre à quoi elle ressemblait : une explosion de couleurs.
L’église donne un aperçu des splendeurs plus modernes de l’art ecclésiastique, avec des murs décorés de fausses draperies peintes qui décrivent l’Ancien Testament à gauche et le Nouveau Testament à droite, et Jonah allongé dans un sarcophage de marbre sur le côté. Ce style de décoration a survécu à l’iconoclasme et aux modes artistiques.
Santa Maria Antiqua prouve bien que la beauté, ancienne ou nouvelle, a toujours intéressé l’église.