Face aux fruits amers de la déconstruction libertaire et au fantasme prométhéen du “transhumanisme”, Tugdual Derville propose un retour au réel avec l’écologie humaine. Mieux qu’un programme : une œuvre.
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Tugdual Derville, délégué général de l’association Alliance Vita et initiateur du courant Écologie humaine, se fait l’écho de la grande alarme sur l’avenir de l’homme. Un avenir menacé par la guerre et le terrorisme, certes, mais plus quotidiennement et sournoisement par une révolution biotechnologique qui “place l’humanité au pied du mur”.
Non au “transhumanisme” qui prétend forger l’homme nouveau
Pour sortir de l’impasse, d’abord dresser un diagnostic. Sans tourner le dos aux découvertes de la science et aux prouesses de la technologie, il faut récuser le “transhumanisme”, ce néo-scientisme qui entend forger un homme nouveau, prétendument “libéré” de ses repères culturels et naturels, mais en réalité voué à devenir un objet de manipulation et de consommation – les “avancées” qu’on fait miroiter étant monnayées à prix d’or. Ensuite, il faut proposer autre chose. La réponse salutaire, c’est de revenir au réel, à l’homme tel qu’il est, un “roseau pensant” disait Pascal, un être “fragile, sexué, corps et âme” écrit ici Tugdual Derville. Il s’agit de prendre en compte “tout l’homme et tous les hommes”. Cela s’appelle “l’écologie humaine”.
Les politiques aux abonnés absents
Sur ce front anthropologique, la plupart des politiques sont aux abonnés absents parce qu’ils ont renoncé depuis longtemps à s’interroger sur l’homme et à définir le bien commun, des sujets bien encombrants à l’horizon de l’élection – primaire, législative, présidentielle – qui réclame des slogans et des promesses inspirés par l’air du temps. Cet électoralisme à courte vue ouvre un boulevard à tous les extrémistes parmi lesquels on oublie souvent de citer les plus dangereux aujourd’hui, les sectateurs de la “déconstruction libertaire”, ce nouveau totalitarisme adossé à l’absolutisme technologique qui prétend faire fi de la nature humaine pour “produire” un homme “augmenté”, sans limite, unisexe, invulnérable (donc impitoyable !). Cela n’a rien d’une fiction comme le montrent la promotion de la “gestation pour autrui” (GPA), la production “in vitro” d’embryons, ou la légalisation du mariage “unisexe” sur fond de dénigrement de la famille “traditionnelle” (sur ces sujets, on trouvera dans la seconde partie du livre un florilège de citations attestant l’active complicité gouvernementale).
Heureusement, la société française, à force d’être attaquée par l’État qui devrait être à son service, a développé des anticorps… Alors que de nombreux pays gagnés à un néo-libéralisme débridé laissent le champ libre à des sociétés multinationales avides de s’enrichir au détriment ce qu’il y a de plus fragile – et de plus précieux – dans l’humanité, c’est l’honneur de la France d’être un pays de résistance “en première ligne pour protéger le sanctuaire de l’identité de l’homme” et pour accomplir “cette révolution silencieuse…encouragée par le pape François”.
Droit à la gestation naturelle, à la famille, à l’identité sexuelle
L’écologie humaine vise principalement la défense et la promotion des “trois piliers fondateurs” de chaque être humain : sa gestation dans le ventre maternel (pas dans celui d’une “porteuse” ni dans un utérus artificiel !), sa famille, un papa, une maman, “écosystème de son développement”, son identité sexuelle que conteste la théorie du genre. Face à “la révolution libertaire qui continue son œuvre” en glissant notamment vers l’eugénisme, il s’agit pour le courant écologie humaine de transformer le mouvement social de 2013, auquel les “Manifs pour tous” et la mobilisation des Veilleurs ont donné un “retentissement planétaire”, en “mouvement de fond au service de l’homme, inspiré par une vision humaniste cohérente”, qui laisse sa place à la transcendance “où réside le mystère de l’homme”.
Serait-ce une douce utopie ? Un combat perdu d’avance ? Y a-t-il une place dans notre société déboussolée et en pleine crise de nerfs pour un “programme métapolitique ouvert à tous”, supposé “offrir une alternative paisible” en cultivant la bienveillance ? On entend les sceptiques et les cyniques brocarder ce supposé angélisme ! Mais où seront les rieurs dans quelques mois, en 2017, quand on assistera une fois de plus à “l’affrontement de deux vides sidéraux” comme le pronostiquait, le 30 mai dernier, le philosophe Marcel Gauchet sur France Culture ? “Quand le centre, où réside le pouvoir apparent, s’est sclérosé, c’est à partir des marges libres et créatives que jaillit la vie”, répond ici Tugdual Derville.
“L’écologie humaine n’est pas un cri protestataire : C’est un travail”
Ce jaillissement n’est ni un vœu pieux, ni un mirage, ni “un cri protestataire”. Il est déjà à l’œuvre, sur le terrain. Tous ceux – dont l’auteur de ces lignes – qui ont eu le privilège de participer aux “Universités de la vie” d’Alliance Vita ou/et aux réunions de concertation et de travail du courant Écologie humaine, peuvent témoigner des énergies et des talents qu’elles mobilisent, et de la soif qu’elles rencontrent dans toute la France. Seul un travail de longue haleine, une œuvre de refondation pluridisciplinaire arrimée à une anthropologie à l’endroit, permettra de bâtir le socle culturel d’une reconstruction morale, sociale et politique à la hauteur des défis contemporains. Prétendre s’en dispenser sous prétexte de répondre à l’urgence en se fiant à un parti politique ou à un homme providentiel serait un leurre et une lâche abdication de notre responsabilité personnelle. Comment déplorer le grand dérèglement des esprits et des cœurs, si l’on ménage sa peine pour se former, agir, intervenir, secourir ? Et que bâtir sur une “société liquide” sans poser des pilotis ? Mais n’ayons pas peur de nous laisser embaucher par la “révolution de l’écologie humaine” : la joie accompagne ce labeur de patience et de longanimité (être longanime, c’est avoir “l’âme longue”) qui déjà fait émerger “le temps de l’homme”.
Le temps de l’Homme : Pour une révolution de l’écologie humaine de Tugdual Derville. Éditions Plon, 320 pages, 17,90 euros.