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Rencontre. L’homme qui vendait les églises

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Arthur Herlin - publié le 26/05/16
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Agent immobilier amoureux de notre patrimoine, Patrice Besse analyse un marché des bâtiments religieux en plein essor.

Basée à Paris, l’agence immobilière de Patrice Besse est spécialisée dans la vente de tout édifice de caractère. Fondée en 1924, elle s’appuie sur un réseau d’une soixantaine de collaborateurs aux parcours singulier : photographes, architectes, anciens élèves de l’école du Louvre, historiens de l’art, journalistes. Elle est la première agence à s’être vu décerner un prix international en 2013 à l’Unesco par l’IIPP, Institut international de promotion et de prestige, au titre de “la Reconnaissance internationale pour la sauvegarde du patrimoine culturel et architectural”.

Aleteia : Comment devient-on spécialiste de la vente d’églises en France ?
Patrice Besse : Par hasard – comme tout ce que je fais ! –, une occasion en amenant une autre. J’ai vendu un jour une première église dans l’évêché de Soissons (Aisne). L’économe du diocèse m’a contacté pour estimer un bien, sachant que je m’occupais d’édifices de caractère (châteaux, manoirs, corps de ferme, demeures anciennes, etc.). Comme tout s’est très bien passé, il m’a recommandé à l’un de ses confrères et, de fil en aiguille, de nouveaux bâtiments religieux m’ont été confiés. Nous sommes désormais très bien référencés sur Internet dans la mesure où cette spécialisation est peu commune.

De combien d’églises vous occupez-vous ?
Cela représente une part infime de nos ventes ; chaque année nous en estimons une dizaine et en vendons une demi-douzaine sur plus de 600 bâtiments présents dans notre catalogue. Nous ne les affichons pas tous, certains évêchés ne souhaitant pas que cela s’ébruite.

Où se situent principalement ces édifices ?
La majorité d’entre eux se trouve dans le Nord. Les économes de cette région m’ont appris que le denier du culte y est le plus modeste de France. Il y a une désaffection des églises dans ces régions plus que partout ailleurs.

Ces églises possèdent-elles des caractéristiques communes ?
Elles sont rarement en mauvais état car les diocèses les entretiennent du mieux qu’ils peuvent jusqu’au bout. Une église de campagne vaut entre 50 000 et 400 000 euros grand maximum. Des chiffres bien en-deçà de ceux pratiqués à Paris ou ailleurs dans les centres urbains. Mais c’est un tout autre marché qui me passionne moins.

Pour quelles raisons ?
Curieusement, je ne suis pas un homme d’argent. Intellectuellement parlant, cela m’amuse davantage de m’occuper d’un bien religieux au fin fond du Soissonnais que dans le 7e arrondissement de Paris. On m’a déjà contacté une vingtaine de fois pour des bâtiments religieux parisiens sans que cela aboutisse. J’ai réalisé par la suite que les propriétaires n’avaient pas sollicité de spécialiste pour conclure la vente, ce qui pour moi est une grave erreur.

Qu’entendez-vous par là ?
Ils ont perdu une somme d’argent considérable et ne seront pas assurés que les nouveaux propriétaires s’en occuperont correctement. Souvent les gens se disent : “Cela ne vaut rien parce que moi-même je ne sais pas quoi en faire”. C’est ainsi qu’une commune de la Manche a ni plus ni moins donné son église au châtelain local, pensant qu’il y organiserait des mariages. Eh bien j’estime que c’est une erreur : quand vous donnez quelque chose, les gens en prennent moins soin. C’est malheureusement le cas avec ce nouveau propriétaire. En ce qui me concerne, j’aurais pu vendre cet édifice entre 50 000 et 100 000 euros, ce qui représente une somme considérable pour un petit village. Rendez-vous compte : cela représente peut-être la moitié de leur budget annuel ! C’est dommage car il existe des acheteurs passionnés pour ces lieux.

Quel est le profil de ces potentiels acheteurs ?
Pour chaque bien, je fais mon possible pour que le propriétaire laisse l’église ouverte au public. J’essaie donc de vendre à des personnes qui ne veulent pas y vivre. Pour ne rien vous cacher, dans les rares cas où des personnes ont décidé du contraire, j’ai trouvé que cela avait un caractère assez malsain. Les églises ne sont pas faites pour cela. Souvent les habitants alentours y ont reçu le baptême ou s’y sont mariés. Si elles ne sont plus des “lieux de culte”, elles restent des “lieux de mémoire”. Mon idée est de favoriser des projets qui garantissent un accès relativement libre. Nous avons récemment vendu un édifice religieux à un professionnel qui fait de l’enregistrement de chants lyriques ; il propose régulièrement des concerts ouverts au public.

Il n’est donc pas nécessaire de détruire ces églises comme on peut l’observer trop souvent en France ?
C’est une erreur totale ! Ceux qui prennent ces décisions n’ont aucune conscience de leur véritable valeur, surtout que les coûts de démolition sont souvent très élevés. Ils n’imaginent pas qu’une église peut être réaffectée. Qu’ils viennent me voir, je les dissuaderai de démolir et m’occuperai de la vente ! La France ne vivra bientôt plus que du tourisme. Au-delà de son aspect religieux, les églises font partie de l’identité d’un village français, c’est pourquoi il est primordial de les préserver.

Avez-vous le droit de refuser la proposition d’un acheteur si son projet ne vous convient pas ?
Absolument pas. Même si quelqu’un voulait y faire un sex shop… On m’a un jour fait une proposition saugrenue pour obtenir la chapelle Notre-Dame de la Garde, nichée au-dessus de la falaise d’Étretat. Cette dernière appartenait à des particuliers qui l’utilisaient seulement l’été. Je l’ai mise en vente 200 000 euros. Le lendemain, des hommes sont venus me voir avec le projet d’y établir… une friterie ! L’idée n’est pas mauvaise en soi, mais je leur ai fait comprendre que le lieu n’était pas approprié. C’est finalement le Conservatoire du littoral qui l’a acquise avant de la remettre à disposition de l’évêché. L’histoire de cette chapelle a connu une fin heureuse mais qui reste malheureusement trop rare !

Propos recueillis par Arthur Herlin

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