Rencontre avec Philippe Damier, professeur de neurologie au CHU de Nantes.Aleteia : Où en est la prise en charge pour les malades de Parkinson ?
Professeur Philippe Damier : Bien que ce soit encore balbutiant, depuis trois ans nous avons développé des “centres experts de la maladie de Parkinson” où sont présents des neurologues, des psychologues et des infirmières cliniciennes spécialistes de Parkinson. Nous avons une dizaine d’années de retard par rapport à ce qui peut se faire en cancérologie mais c’est très encourageant car le patient est davantage au cœur de la démarche de soin, même si nous manquons encore de moyens. Par exemple à Nantes, nous recevons 1 500 patients par an et nous n’avons qu’un mi-temps infirmier et un mi-temps psychologue. C’est vraiment encore bien trop peu pour toutes les missions que nous avons à mener. Chaque patient va poser son problème propre parce qu’ils n’expriment pas la même forme de maladie et parce qu’ils n’ont pas le même cerveau ! Nous essayons de plus en plus de nous diriger vers une médecine personnalisée, ce qui n’est pas toujours facile mais c’est une qualité de soins bien meilleure pour les patients.
Où en est la recherche sur Parkinson ?
Aujourd’hui les traitements ont une forte efficacité même s’ils peuvent être source d’effets indésirables et qu’ils ne résolvent pas tout. Avant 1967 nous n’avions aucun traitement. Ce sont des maladies neurologiques sur lesquelles la recherche a fait énormément de progrès. Nous avons désormais des formes génétiques qui sont bien identifiées, ce qui permet de mieux avancer. À la fin des années 1990, nous avons découvert les traitements neurochirurgicaux et la neurostimulation (utilise un système de petite taille, constitué d’une pile “neurostimulateur” et d’une électrode, que l’on place sous la peau pour envoyer au système nerveux des impulsions électriques douces et contrôlées). Chaque année il y a plus de 2 000 articles de chercheurs qui sont publiés dans des revues scientifiques, c’est un chiffre très important, une preuve que Parkinson est un modèle de recherche assez attractif. Ça s’explique par le fait que cette maladie a l’avantage d’être relativement simple dans ses bases cérébrales et dans son principe. Elle est par exemple plus facile à appréhender qu’Alzheimer mais quoi qu’il arrive, dès qu’on touche au cerveau cela reste très compliqué. La priorité dans la recherche aujourd’hui est de comprendre pourquoi la maladie apparaît, comment fonctionnent les mécanismes cérébraux et comment les freiner.
Les traitements soignent quoi ? Les symptômes ou le processus dégénératif ?
Le point positif est que nous disposons déjà de traitements efficaces sur les symptômes de la maladie qui permettent une rémission thérapeutique (phase d’équilibre), ce qu’on appelle une “lune de miel”. C’est même très spectaculaire d’observer de telles améliorations. Malheureusement ce traitement dure rarement plus de 10 ans. En réalité les complications sont en partie dues au vieillissement et non pas uniquement à la progression de la maladie, c’est une interaction des deux qui complique tout. Cela affecte en priorité les problèmes d’équilibre et l’atteinte des fonctions intellectuelles. Donc pour le moment, on ne sait pas traiter ce symptôme de manière efficace. Mais tant que la maladie est très “pure”, on la traite très bien et l’espérance de vie des patients atteints de Parkinson est la même que pour n’importe qui.
Quel conseil donneriez vous aux patients ?
Il ne faut pas oublier l’aspect non médicamenteux qui sera décisif dans l’évolution de la maladie. Il faut veiller à avoir une hygiène de vie la plus exemplaire possible pour que la partie du cerveau qui n’est pas atteinte soit préservée le plus longtemps possible. Dans la mesure du possible, il faudrait maintenir une activité physique régulière et ne pas délaisser sa vie sociale.
Avez vous un conseil pour les accompagnants ?
Il faut savoir que le patient aura souvent des hauts et des bas chaque jour en fonction des prises de médicaments, c’est également éprouvant pour l’accompagnant ou l’aidant. Cette maladie impacte toute la cellule familiale en étant très envahissante. Les accompagnants ont donc aussi besoin de soutien. Il faut qu’ils arrivent à se réserver des moments pour eux (sorties, activités physiques…), ce sont de petites bouffées d’oxygène qui les mettront dans de bonnes conditions pour accompagner au mieux le malade. C’est déterminant pour leur équilibre. Il ne faut pas hésiter à se faire aider pour ça.
Propos recueillis par Sabine de Rozières