En cette Journée de la femme, et si l’on parlait de la place des femmes dans l’Église ?Si les femmes ne sont pas perçues à la juste mesure de ce qu’elles apportent à l’Église, c’est parce que règne encore une vision trop hiérarchique de l’Église. Plus de 750 femmes travaillent aujourd’hui au Vatican. Gudrun Sailer, une journaliste autrichienne a fait justement de ce sujet sa préoccupation principale. Depuis 13 ans maintenant, elle est rédactrice à Radio Vatican et a récemment publié un livre intitulé Papst Franziskus, Keine Kirche ohne Frauen (“Le pape François, Pas d’Église sans femme”). Pour la Journée de la femme, elle s’est exprimée sur le rôle des femmes dans l’Église catholique, comme le rapporte le site de la conférence épiscopale allemande katholisch.de.
Katolisch.de : L’année dernière, lors de l’angélus, le pape François avait adressé des salutations destinées particulièrement aux femmes. Comment cette année la Journée de la femme est-elle abordée au Vatican ?
Gudrun Sailer : Pour la troisième année consécutive, un congrès va avoir lieu au Vatican avec des catholiques venues du monde entier. Plusieurs d’entre elles vont parler de leur action dans l’Église, au service de Dieu et du prochain. L’année dernière, des demandes claires avaient ainsi pu émerger et être présentées à la hiérarchie de l’Église. Tout ceci s’était passé dans l’ouverture et la clarté qui sont l’esprit du pontificat du pape François.
Quelles demandes avaient alors été formulées ?
Le problème fondamental dans l’Église d’aujourd’hui, c’est que les femmes ne sont pas perçues à la juste mesure de ce qu’elles apportent à l’Église, et ce simplement parce que règne encore une vision trop hiérarchique de l’Église. Par exemple à Radio Vatican, la moitié des journalistes sont des femmes. Récemment, lors d’une messe solennelle qui a eu lieu ici, toutes les prières, lectures, etc., ont été lues par des hommes. Avec une telle présence féminine, on pourrait très bien les impliquer dans de nombreux actes qui ne sont pas réservés aux prêtres. C’est une réalité que l’on retrouve dans de nombreux lieux et à de nombreux niveaux de l’Église.
La Journée de la femme n’est-elle pas l’occasion d’une célébration au Vatican ?
Dès lors qu’on ne se célèbre pas soi-même, mais qu’on s’ouvre – c’est une vérité générale – c’est une occasion de célébrer. Ce qui est aussi vrai : un peu plus d’attention aux femmes ne dérange pas. Et ce à tous les niveaux de l’Église. Ici dans notre Église, en Allemagne et en Autriche, il y a actuellement une véritable prise de conscience chez les évêques sur ce qui doit être fait, afin que les femmes participent aux processus de décision. Mais en Inde par exemple, où les fœtus filles sont tués intentionnellement, c’est un tout autre souci qu’affrontent les évêques. Il me semble donc primordial que toute la panoplie des problèmes à régler soit abordée au Vatican.
Dans votre livre Papst Franziskus, Keine Kirche ohne Frauen vous présentez les prises de paroles du Pape sur ce thème. Vous détaillez également la place des femmes au Vatican. Quelle est la situation actuellement ?
Le nombre de femmes au Vatican tourne autour de 20%. Les femmes sont surtout représentées dans les professions qui demandent un cursus académique spécifique : historienne d’art, restauratrice d’œuvres, archiviste, journaliste. En revanche, dans les postes à fortes responsabilités, il y a très peu de femmes. Mais le Pape François a très clairement dit que promouvoir la place des femmes ne peut se limiter à les placer à des postes de commandement ou de direction. La femme dans l’Église est bien plus que cela. Et sur le plan mystique aussi elle est bien plus. L’Église est femme. L’Église est mère. Et nous n’avons pas encore mesuré ce que cela signifie sur le plan théologique.
Le pape François évoque souvent ce thème. Pourquoi est-ce que cela ne change pas ?
Je pense que le pape François depuis trois ans a véritablement réussit à ouvrir ce thème à la discussion. Cela fonctionne : nous réfléchissons ensemble et nous verrons dans quelle direction l’Esprit va nous mener. C’est une œuvre de longue haleine. Mais on peut dire qu’une nouvelle ère est advenue sur ce plan : une ère de l’ouverture et de la réflexion conjointe à la place de la dénégation.
Le pape François a dit aussi très clairement que les femmes ne peuvent et ne pourront être prêtres ou diacres. Que peut-il donc advenir concrètement de ces réflexions ?
Le droit canonique dit bien qu’exclusivement un prêtre a le pouvoir de prendre une décision liant un prêtre. Mais il est tout à fait possible de trouver des espaces d’action pour les laïcs. Parmi tous les postes occupés aujourd’hui par des prêtres, il y en a de nombreux qui ne nécessitent pas le sacrement de l’ordre. On peut aussi imaginer inventer des postes spécifiques pour les femmes. La dignité de cardinal par exemple est apparue au XIe siècle, comme une fonction de l’Église non instituée directement par le Christ. On peut très bien imaginer une fonction de conseil toute particulière pour les femmes. Réserver des fonctions aux femmes permettrait aussi de mieux comprendre pourquoi des fonctions sont réservées aux hommes, au nom de la différence et de la complémentarité des sexes. Comme le pensent de nombreuses théologiennes ou simples croyantes, ce serait une très belle possibilité pour les femmes de promouvoir leur identité spécifique, et de mettre en lumière leur expérience et leur approche. La dignité de cardinal est une création de l’Église qui répondait à un besoin. Aujourd’hui, l’Église a besoin d’écouter les conseils des femmes. Il s’agit donc d’être créatif sans remettre en question ce que l’Église a toujours enseigné.