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Le pétrole bon marché, fossoyeur ou levier du sursaut russe ?

Thomas Flichy de la Neuville - publié le 17/02/16
L’effondrement du prix du pétrole – matière dont la Russie tire des revenus substantiels – devrait mécaniquement se traduire par son affaiblissement géopolitique. Ou pas.

Le rapport Global Trends 2030 du National Intelligence Council, semblait noter prophétiquement : "L’économie russe est le talon d’Achille de ce pays. Celle-ci est trop dépendante de la production de pétrole". En cas de baisse des cours, la Russie serait donc mise en danger. Il n’est pas niable que l’effondrement des cours du pétrole ait un effet immédiat sur le taux de croissance russe. Toutefois la puissance réelle d’un pays ne se mesure pas aux oscillations de ses indicateurs économiques et il y a fort à parier pour que la baisse des cours ait un effet inverse à celui escompté.

En premier lieu, l’exportation d’un pétrole cher a longtemps retardé les réformes de l’économie russe. Ceci se traduit aujourd’hui par une certaine rigidité, une économie peu diversifiée et des difficultés à créer de nouvelles entreprises. L’assèchement des revenus pétroliers faciles – qui ne créent ni emploi, ni innovation – pourrait donc se présenter comme une opportunité inespérée. N’oublions pas en effet que la simple exploitation de revenus miniers n’a jamais conduit une nation à la puissance. Il suffit de penser à l’Espagne de la Renaissance, qui ne profita que très peu des gigantesques prélèvements d’or et d’argent effectué au détriment de ses colonies américaines. Les métaux précieux des Indes enrichirent ses concurrents et il fallut attendre les réformes de Charles III de Bourbon pour que l’Espagne se relève.

S’agissant des conséquences géopolitiques immédiates, celles-ci doivent être relativisées : sur le théâtre militaire du Moyen-Orient, l’effondrement des revenus pétroliers handicape autant la Russie que sa rivale saoudienne. En Europe, les vagues de migrations déclenchées par la Turquie ont suscité une réaction favorable à la Russie en Autriche, Hongrie et Pologne. Cette réaction s’oppose clairement à la politique d’ouverture des frontières, préconisée par les puissances libérales. Elle recouvre curieusement le territoire occupé par le royaume de Prusse, l’Empire de Russie et celui d’Autriche au début du XIXsiècle, États qui formèrent la Sainte-Alliance le 26 septembre 1815. Avec un pétrole bon marché, la Russie est entrée en Carême, il n’est pas sûr qu’elle n’en sorte pas plus forte.

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