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Réforme de l’orthographe : le tour de magie truqué

Dictionnaire

© Pixabay / sauvageauch0

Azur Guirec - publié le 07/02/16

Regardez attentivement cet oignon... Abracadabri, abracadabra, j'ôte le "i" et le voilà... ognon !

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Où est la magie là dedans ? Mais vous le voyez bien, avec ou sans « i », l’oignon vous tirera toujours les larmes !

Dans quelques mois s’appliquera cette nouvelle réforme qui prenait pourtant la poussière dans les greniers de l’Académie française depuis 26 ans ! Une immortelle réforme qui simplifiera près de 2 400 mots du dictionnaire français, comme « ognon » ou « nénufar ». Oublions le désagrément causé sur nos rétines trop bien habituées, et cherchons en toute bonne foi l’esprit et l’intérêt de cette réforme.

1. « Simplifier la vie des élèves : la difficulté des règles orthographiques et grammaticales ne sont finalement pas si essentielles, et ne méritent pas tant d’importance. »

Argument recevable. Mais quitte à parler de simplification… Savoir qu’il existe désormais deux écritures pour un mot (oignon/ognon) implique de savoir quelles sont ces deux orthographes permises, donc de connaître les mots qui seront modifiés et les autres qui vous condamneront à la faute à la première dictée. Que voilà donc une quête de simplification bien compliquée.

2. « Rendre la langue française plus accessible à tous les Français : Français d’origine française, et Français d’origine étrangère. »

Argument recevable. Mais que signifie la langue française ? Résulte-t-elle d’une praxis démocratique, d’une volonté générale fluctuante au gré des modes et des fénomènes* migratoires ? Ou résulte-t-elle d’un ancrage dans le temps, dans l’Histoire, en un lieu et une culture particuliers ? Est-ce un héritage ou un témoin du présent, éfémère* et fugace ? Est-ce simplement un outil de communication ou un art en soi ? Doit-on la cultiver ou la rendre strictement rudimentaire ? Peut-on au nom de la facilité, adopter un langage efficace que tous partageraient, un langage qui ne soient plus une langue spécifique ? Serait-il inconvenant de respecter le plus âgé que soi : si la langue précède le peuple, pourquoi la langue française ne précèderait-elle pas le citoyen français ?

3. « Pour revaloriser le français dans un monde où règne l’anglais. »

Argument recevable. Certes le français a perdu de sa valeur internationale, et sans doute cela s’explique-t-il par la difficulté de sa charpente (ou par ses représentants sans charpente du tout, mais ceci est une autre histoire). Toutefois, soyons parfaitement honnètes* : est-ce vraiment le but d’une telle réforme ? Est-ce vraiment à des fins internationales qu’on abolit crument* l’accent circonflexe ? Et finalement, à simplifier le français pour le mettre sur un pied d’égalité avec l’anglais, qui nous garantit que le français ne finira pas avec le temps par se fondre dans l’anglais, qu’à force de simplification et de rapprochement avec cette langue, nous n’en viendrons pas à en faire qu’une seule ?

Alors, si nous cherchions à comprendre autrement

4. Pour affaiblir

La facilité est un prétexte dont se gave l’époque contemporaine jusqu’à la nausée. Cela se comprend : pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple. C’est le slogan de la société de consommation qui choisit l’efficacité. Mais l’efficacité et la facilité sont-elles convenables à l’homme ?

La littérature française se repait* de ces nuances que lui offre son lexique inépuisable. La littérature tient la clé du secret pour s’éloigner d’une logique manichéenne, du tout blanc ou tout noir : elle invite à la nuance, à la justesse, à la précision. Par elle, par les multiples choix que propose la langue française, l’esprit peut s’affiner, pour cibler plus précisément ce dont il veut parler. De l’adjectif anglais « nice » aux traductions françaises « joli », « beau », « mignon, « gentil », que de nuances et de sens différents s’ouvrent à vous !

Sans nuance, l’esprit humain en vient à s’abètir*. Lorsque l’homme ne trouve pas le moyen d’exprimer ses idées par des mots, son besoin de les exprimer ne disparait* pas pour autant : ce que le langage verbal ne lui permet pas d’exprimer, c’est par le langage physique qu’il l’extériorise. Une personne en colère et bonne oratrice saura employer les mots adéquats pour justifier son courroux. Un ignorant habité d’une ire semblable en restera-t-il aux mots ou en viendra-t-il aux mains ? À en juger par le climat d’agressivité dans lequel nous baignons, il apparait* urgent d’offrir un dictionnaire au plus grand nombre ! Un langage complexe est une armure vitale à l’homme qui veut dominer sa nature.

Il convient de réaliser que la simplification du langage rend les esprits plus simples, au sens péjoratif du terme : la simplification abêtit, rend plus vulnérable. Cette réforme qui s’appliquera à la rentrée prochaine n’est pas si surprenante, car elle n’est que la suite logique d’une idéologie largement déconstructiviste. Mais après s’être attaqué à l’Histoire, s’attaquer au langage est bien plus grave, car c’est s’attaquer à ce qui constitue l’être dans sa personnalité la plus intime, et s’attaquer à la profondeur des liens qui unissent les hommes entre eux. Ainsi, en plus d’un processus d’abêtissement, il s’agit d’un processus d’isolement.

* On conserve l’accent circonflexe sur a, e, et o, mais sur i et sur u il n’est plus obligatoire, excepté dans les cas suivants : dans la conjugaison où il marque une terminaison et dans les mots où il apporte une distinction de sens utile (jeûne/jeune).
Ainsi il ne sera plus obligatoire d’écrire plus crûment, repaît ni apparaît mais crument, repait et apparait. A contrario, on n’écrira pas honnète mais honnête ni s’abètir mais s’abêtir.
Des rectifications proposées par l’Académie dès 1975 sont reprises et complétées. Ainsi, nénuphar devient nénufar, mot d’origine arabo-persane, phénomène ou éphémère n’ont donc pas de raison de changer !
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