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Le Ku Klux Klan et les catholiques

Ku Klux Klan

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Philip Jenkins - publié le 14/11/15
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L’histoire du KKK met en évidence la capacité des immigrés à s’intégrer dans la société américaine. Sous les capuches blanches, l’heure est à l’inquiétude. Le groupe Anonymous a déclaré son intention de dévoiler les identités de près d’un millier de membres du Ku Klux Klan (KKK) aux États-Unis. Qui sait si cette annonce ne va-t-elle pas mettre un terme à l’existence de ce “Géant Blanc” autrefois si influent ?

Se centrer sur la composante raciste nous fait toutefois oublier un autre aspect essentiel de l’histoire du Klan. Oui, le KKK a toujours été essentiellement préoccupé par l’élimination des Afro-Américains. Mais à l’apogée de sa popularité dans les années 1920, la plupart de ses membres étaient aussi très impliqués dans la lutte contre les catholiques. Lors de ses années fastes, le mouvement a connu son heure de gloire dans les états industriels du Nord comme la Pennsylvanie et l’Indiana plutôt que dans le Grand Sud, et les raisons de ce succès tenaient surtout à sa dimension anti-catholique.

Pendant les années 1920, plus de cinq millions de personnes ont rejoint les rangs du KKK aux États-Unis, et dans le seul État de Pennsylvanie, l’organisation comptait au moins un quart de million de membres. La Pennsylvanie est petit à petit devenu le Royaume du KKK. Au milieu des années 1920, le groupe faisait des apparitions fréquentes dans les journaux de Pennsylvanie pour des cas de violence anti-catholiques ; en 1923 et 1924, des émeutes finirent en bain de sang dans les villes industrielles de Carnegie, Scottdale et Lilly.

Mais pourquoi s’en prendre aux catholiques ?

Le KKK a en partie hérité d’une tradition anti-catholique très influente au 19ème siècle, laquelle présentait l’Église comme un vecteur de tyrannie, de paganisme, d’immoralité et de persécution. De plus, à partir des années 1890, les États-Unis ont connu une immigration de masse largement issue d’Europe de l’Est et d’Europe Centrale, majoritairement catholique et juive.

Pour le KKK, la puissance catholique émergente menaçait de renverser la société et les valeurs Américaines. La force catholique s’appuyait sur “les hordes non intégrées d’Europe” et le pire scénario était qu’un catholique atteigne un jour la présidence des États-Unis.

En 1928, un dirigeant du KKK en Pennsylvanie, Paul Winter, signalait qu’une lutte apocalyptique allait bientôt commencer entre “l’Américanisme traditionnel et l’invasion religieuse et politique des États-Unis par les représentants des institutions et des idéologies européennes”. Face au danger menaçant la République, Winter appelait les forces patriotiques à se rassembler, parmi celles-ci les membres de ce fidèle clergé Protestant, et le réseau des ordres fraternels et patriotiques, essentiellement la franc-maçonnerie.

En Pennsylvanie, le KKK s’est rapidement éteint de lui même, sous les accusations de criminalité et de corruption. L’organisation survécut jusque dans les années 1940, mais uniquement en tant que secte minoritaire. Ce n’est que dans les années 1950 que les groupes du Sud se formèrent à nouveau.

Si on s’intéresse aujourd’hui à ce mouvement, deux points sont à soulever. L’un est l’oubli quasi-total dans lequel est tombé la composante religieuse, au point qu’aujourd’hui les dirigeants du KKK recrutent parmi les catholiques. Comment une chose aussi fondamentale a-t-elle pu être oubliée ?

La réponse se trouve peut-être dans le second point, à savoir la vitesse et la facilité avec lesquelles les immigrés s’intègrent à la vie Américaine. Aujourd’hui, on a du mal à croire les déclarations que le KKK faisait au sujet des nouveaux arrivants juifs et catholiques, selon lesquelles ces populations ne pourraient jamais devenir de vrais Américains. Une génération ou deux plus tard, ces familles d’immigrés sont devenus elles-mêmes si profondément Américaines que même le KKK ne peut nier leur dévoué patriotisme.

Est-il souhaitable que nos débats actuels sur l’immigration connaissent le même sort et que dans quelques décennies on se demande pourquoi donc on s’en inquiétait tant en 2015 ?

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