Wolfgang Thierse, ex vice-président du Bundestag, est venu parler de laïcité sous les chapiteaux de Hautecombe.
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Wolfgang Thierse a été vice-président du Bundestag, le Parlement allemand. C’est donc une véritable figure politique qui a choisi de vivre quelques jours dans l’absence de superflu du festival « Welcome To Paradise ». Et surtout de venir y témoigner de sa vision de la société pluraliste et laïque, en sept remarques.
Un état Neutre
Une laïcité bien comprise, telle qu’elle se vit en Allemagne, consiste d’abord en la neutralité de l’état par rapport aux religions et idéologies. En particulier, il ne chasse pas la religion de la sphère publique, sans quoi il prend parti. L’athéisme n’est pas une option préférentielle des autorités. L’état laïc doit rendre possible la coexistence de la pluralité, et inviter notamment les religions à travailler au bien commun, de pair avec la société.
De nécessaires valeurs communes
Une société pluraliste présente une contradiction essentielle et constitue par-là un défi : comment faire l’unité malgré les différences ? La société tient par la langue commune, par la reconnaissance des lois, par les relations sociales. Mais cela est insuffisant, notamment lorsque les difficultés arrivent. Au-delà, des valeurs communes sont nécessaires : il faut un accord sur ce qu’est la liberté, et pourquoi elle est précieuse ; une vision partagée de la justice et de ce qu’elle implique ; des définitions proches de la solidarité ; une conception acceptée de la dignité humaine ; une compréhension active de la tolérance. Ces valeurs sont les fondements éthiques de la réussite d’une démocratie, mais elles ne peuvent pas être générées par un état libre et sécularisé. Elles doivent être vécues, transmises, renouvelées, ce dont les religions portent la responsabilité, sans imposer, mais dans le dialogue.
L’apport des religions
Le message de charité des religions ne peut être pleinement vécu qu’en lien avec le politique. La solidarité qui est une dimension essentielle de l’Église passe aussi par le service public. Les religions ont une parole à apporter au débat national, à argumenter, à confronter aux autres paroles, en particulier celle de l’économie qui ne doit pas être le seul prisme de compréhension du monde. Si l’état est neutre, il repose sur des personnes qui ne le sont pas, des personnes engagées.
Pas d’indifférence
La pluralité est exigeante car elle doit assurer des rapports paisibles malgré la diversité des modes de vie. Il ne s’agit pas d’être indifférent, de se détourner de la confrontation par manque de conviction ou par lâcheté, mais de vivre une tolérance qui n’est pas voie de facilité. Il s’agit de trouver le rapport juste entre sa propre conviction et la reconnaissance des droits de l’autre, le respect de sa conviction ; et dans ce respect de construire et partager. L’Histoire témoigne que cela passe par un apprentissage long, toujours en cours pour beaucoup. Il est vital pour la société que ses membres puissent être différents sans avoir peur.
En tant que chrétiens, nous faisons partie intégrante du pluralisme, nous ne sommes pas à part même si nous sommes sûrs de notre foi. Nous devons trouver une manière juste d’intervenir et de participer au débat public, sans garder notre foi entre nous. L’Église a le droit de parler : les autorités ne sont refusées que lorsqu’elles sont autoritaires.
L’Église a besoin de liberté pour vivre
L’Europe, terre d’immigration, se doit par ailleurs d’éduquer au pluralisme les populations qu’elle intègre. Face à la violence d’un certain Islam, en particulier, il existe de véritables tentatives d’exclure toutes les religions, dans une volonté de cacher le problème. Une voie plus droite serait de rechercher le dialogue avec les musulmans pour leur faire adopter une démarche de questionnement, et poser des conditions. Oui, l’Islam fait partie de notre pays, mais quel Islam ? Les religions aussi peuvent être enrichies par la logique démocratique. Comme pour de nombreux autres domaines, de l’art aux sciences, les structures n’ont pas à être démocratiques : telles ne sont pas les voies de la recherche du beau et du vrai. Mais il est riche d’avoir des lieux de démocratie, dans les paroisses, ou au sein des synodes.
En guise de conclusion, Wolfgang Thierse a invités les festivaliers de Welcome to Paradise à s’engager pour la liberté religieuse, non pour notre confort personnel, mais comme une exigence que nous voulons pour tous ceux avec qui nous vivons.