À l'occasion du 70e anniversaire de l'utilisation meurtrière des deux bombes atomiques sur le Japon, les évêques du pays rappellent l'urgence de prier pour la paix dans une société de moins en moins pacifiste.
Il y a tout juste 70 ans, le 6 août 1945, la grande ville japonaise d’Hiroshima disparaissait dans le feu de la première attaque nucléaire de l’Histoire. On estime à 140 000 le nombre de morts, au moment de l’impact puis sous les effets de l’irradiation dans les semaines qui suivirent. Trois jours plus tard, l’armée américaine larguait sur l’île une seconde bombe au plutonium, cette fois sur la ville portuaire de Nagasaki, tuant quelque 74 000 personnes.
"Ces événements demeurent encore extrêmement présents dans la mémoire des Japonais, au moins pour ceux qui ont connu la guerre ou l’après guerre", confie au micro de Radio Vatican le père Olivier Shegaray, responsable des Missions étrangères de Paris (MEP) au Japon et qui vit dans le pays depuis 46 ans. Il regrette cependant que "les jeunes générations" se sentent "moins concernées", tout en reconnaissant que "dans les écoles, un grand effort est fait pour parler d’Hiroshima, de Nagasaki et de ce qui s’est passé pendant la guerre" et "pour perpétuer le souvenir des atrocités qui ont été commises à cette époque".
10 jours de prière ininterrompue
À l’initiative de leurs évêques, les catholiques japonais vont prier pour la paix pendant dix jours, du 6 au 15 août. "Ce n’est pas une première cette année, rappelle le religieux. Tous les ans, du 6 au 15 août, les 16 diocèses du Japon proposent un programme pour se souvenir de la paix et réfléchir à l’avenir de celle-ci. Pendant 10 jours, une prière ininterrompue est organisée par les chrétiens japonais pour la paix." Les fidèles s’inscrivent par créneaux de 30 minutes auprès de l’évêché "pour être sûrs que la prière ne s’interrompra pas".
Forte mobilisation face au changement de Constitution
Dans un message, le président de Caritas Asie souligne que le Japon peut contribuer à la paix non avec des armes nouvelles mais avec son Histoire. Il exprime par ailleurs son opposition à la modification de l’article 9 de la Constitution japonaise. Jusqu’à présent, le Japon renonçait constitutionnellement à la guerre, mais le gouvernement de Shinzo Abe souhaite renforcer le rôle de l’armée face aux velléités d’expansion de la Chine en particulier. "Beaucoup des étudiants que j’accompagne se sont rendus (…) à la Chambre des députés pour protester contre ce désir de vouloir changer l’interprétation de l’article numéro 9, confie le missionnaire. Il y a une forte mobilisation ! Malheureusement, la loi a été promulguée il y a quelques semaines, (…) mais la mobilisation reste très forte."
La vocation particulière de l’Église japonaise
Hostile à ce renforcement sécuritaire, l’Église japonaise a fait entendre sa voix à plusieurs reprises ces derniers mois. Les évêques catholiques ont rappelé leur attachement à la Constitution du pays et l’inscription de la décision de renoncer à la guerre : "Cela n’a pas beaucoup de répercussion, regrette le père Olivier Shegaray : c’est la troisième fois que les évêques japonais publient un message pour la paix, après celui des 50 ans puis des 60 ans de la fin de la guerre (…). L’Église japonaise rappelle une fois encore sa vocation spéciale pour la paix".
Un discours radical et désespéré de la jeunesse
"Nous ne sommes pas du tout, hélas !, à l’approche d’une ère pacifique, déplore le missionnaire français. Beaucoup de jeunes, semble-t-il, surtout au Japon, donnent fortement l’impression de se désintéresser de toute action en faveur de la paix. Et beaucoup de jeunes, même au Japon, disent qu’il vaut mieux la guerre plutôt que l’injustice et avancent qu’une bonne guerre remettrait les choses à leur place. Bien entendu, c’est un discours extrêmement radical et un peu désespéré de préférer la guerre à la paix pour que les choses changent."