Pour une nouvelle génération de catholiques français, "politique" n’est plus un gros mot. Leurs parents, leurs grands-parents avaient une fâcheuse tendance à se réfugier dans une spiritualité finalement assez confortable ou/et dans des œuvres de charité, certes louables et même indispensables, mais en faisant l’impasse sur cette forme supérieure de la charité qu’est l’engagement politique. On a vu le résultat : c’est tout un pays qui s’est effondré, paralysé moralement et spirituellement par son apostasie.
Pour que l'étincelle ne donne pas un feu de paille
Mais quand on touche le fond, un réflexe vital pousse à refaire surface. C’est à ce coup de pied salutaire qu’on doit la Manif pour tous ou l’action opiniâtre des Veilleurs qui a surpris et désarçonné la classe politique : "Les Veilleurs ont osé braver la pensée unique, rompre le silence, assumer leur statut de minorité et leur inexistence politique, mépriser mépris et vexations, y compris parfois (… ) l’incompréhension de certains de leurs pasteurs". Mais il y a loin de ce sursaut à la victoire.
Le père Thierry-Dominique Humbrecht, dominicain, n’est pas du genre à passer de la pommade à ses ouailles mais plutôt à les réveiller, fût-ce en les brusquant quelque peu. C’est donc un langage de vérité parfois provoquant qu’il leur adresse dans ce livre de réflexions sur l’action politique dans lequel il varie les genres, passant de l’analyse au dialogue et ne dédaignant pas le pamphlet, pour que l'étincelle ne donne pas un feu de paille : quelle fin poursuit-on à travers la politique ? A-t-on pesé le nécessaire et le possible ? S’est-on préparé suffisamment à l’action pour ne pas être disqualifié à la première escarmouche ? Faut-il argumenter en se plaçant sur le terrain de la loi naturelle ou de la loi divine, ou naviguer entre les deux ?
De la passion à l’amour
La politique "ne survit pas à l’amateurisme", étant entendu que "rien dans le monde ne se lance sans passion, mais rien non plus ne s’achève sans amour." Cela pourrait bien être l’essentiel du message de notre dominicain, bien convaincu que s'"il n’appartient pas à un clerc de descendre dans l’arène", il entre dans la mission d’un pasteur d’encourager à agir pour le bien commun et d’inviter "à la réflexion sur les fondements de l’action ; sur l’éthique d’une telle action ; sur la métaphysique et pour tout dire la théologie de cette éthique (…) ; sur l’homme et donc sur Dieu."
Une lecture dont on ne sort pas avec des recettes mais avec des idées clarifiées sur la fin et les moyens de l’engagement politique, non sans avoir reçu au passage quelques décharges électriques…
Éloge de l’action politique, Thierry-Dominique Humbrecht, Éditions Parole et Silence, 210 pages, 18 euros
La fête du jour