Comme le veut la tradition, le Pape a donné une conférence de presse dans l'avion du retour de son voyage apostolique. Morceaux choisis.
L’occasion pour le Souverain Pontife de revenir en détails sur les temps forts et les rencontres de son voyage apostolique de huit jours en Amérique latine, l’occasion aussi de parler de sujets brûlants d’actualité comme la crise grecque. L’actualité s’est en effet invitée lors de la conférence de presse.
Grèce : les gouvernements ont conduit le pays à cette situation
Que pense François du cas grec ? "Ce serait trop facile de dire que la faute est celle d’un seul camp", a t-il répondu. Le Pape se refuse de donner raison à qui que ce soit. "Les gouvernements grecs qui ont conduit le pays à cette situation de dette internationale ont une responsabilité. Avec le nouveau gouvernement, on a vu une révision assez juste." Le Pape espère qu’une voie sera trouvée pour résoudre le problème grec, mais aussi un outil de "surveillance" pour que d’autres pays "ne tombent pas" dans le même problème, car "cette voie des prêts et des dettes ne finit jamais". Le Pape argentin s’interroge : si une entreprise fait faillite, pourquoi un pays ne le pourrait-il pas, afin qu’on lui apporte de l’aide ?
Le Pape a également été interrogé à plusieurs reprise sur son discours devant les mouvements populaires. François avait alors, notamment, critiqué les politiques d’austérité, mais aussi le système économique actuel qui impose le profit à tout prix.
Le crucifix en forme de marteau et de faucille
Concernant le cadeaux d’Evo Morales, un crucifix en forme de faucille et de marteau, le Pape s’est dit tout d’abord "étonné". "Je ne savais pas que le père Luis Espinal était sculpteur et aussi poète, je l’ai su ces jours-ci et ce fut pour moi une surprise." Cette œuvre relève de "l’art de la contestation, qui peut, dans certains cas, être offensif". Dans ce cas concret : le père Espinal a été tué en 1980, au moment de la théologie de la libération, une théologie qui avait de nombreuses déclinaisons, et une de celles-là utilisait l’analyse marxiste de la réalité, et le père Espinal adhérait à ce courant. Le Pape rappelle qu’à l’époque le supérieur général des Jésuites, le père Arrupe, a écrit une lettre adressée à toute la Compagnie de Jésus sur l’analyse marxiste de la réalité pour tâcher de l’enrayer. "Non, cela ne va pas."
Quatre année plus tard, François souligne qu’en 1984, la Congrégation pour la doctrine de la foi a publié "un petit volume, le premier sur la théologie de la libération pour la critiquer". François invite à faire l’herméneutique de cette époque. "Espinal était enthousiasmé par cette analyse de la réalité marxiste, ainsi que de la théologie utilisant le marxisme. C’est de là que vient cette œuvre. Les poésies d’Espinal appartiennent également à ce genre de la contestation, mais c’était sa vie, sa pensée, c’était un homme spécial, avec tant de génialité humaine, et qui luttait de bonne foi. En faisant une herméneutique de genre, je comprends cette œuvre. Et pour moi, (ce cadeau) n’a pas été une offense. Mais j’ai dû faire cette herméneutique et je vous le dis pour qu’il n’y ait aucune opinion erronée." Le Pape a conservé le Christ offert par le président bolivien.
Tout au long de la conférence de presse, le pape François a insisté sur ce concept d’herméneutique. Il a même donné un conseil aux journalistes : "Un texte ne peut s’interpréter avec une seule phrase, l’herméneutique doit se faire selon le contexte. Si on parle du passé, il faut interpréter ce fait avec l’herméneutique de cette époque".
"L’économie d’aujourd’hui tue"
Expression revendiquée de François qu’on retrouve dans Laudato si’ et Evangeli Gaudium. Un propos qui est mal perçu aux États-Unis, terre capitaliste, souligne un journaliste. Le Pape dit avoir pris connaissance de critiques, mais n’a pas encore eu le temps de les étudier pour pouvoir dialoguer. Il le fera avant septembre, date de son prochain voyage à Cuba et aux États-Unis. Deux pays dont il se réjouit du rapprochement historique annoncé le 17 décembre dernier.