Pour Rémi Brague, ce qui se passe actuellement avec la disparition annoncée de l'enseignement du Moyen Âge chrétien au collège est un parfait exemple de cette "mentalité magique" qu'il dénonce.
Entretien avec Rémi Brague, membre de l’Institut, professeur de philosophie à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne et à la Ludwig-Maximilians-Universitat de Munich.
Dans la réforme des programmes qui se profile, l’étude du Moyen Âge chrétien deviendra un enseignement facultatif au collège. Quelle est votre réaction face à la disparition programmée de cette période de notre histoire ?
Rémi Brague : Pour commencer, il ne faudrait pas se représenter la période médiévale avec des couleurs trop roses. Le contraire d’un mensonge, en l’occurrence celui des ténèbres qui auraient précédé les "Lumières", n’est pas un mensonge contraire, mais la vérité. Une vérité sobre, acquise peu à peu, toujours à corriger, bref, le travail des historiens de première main. La période médiévale n’était pas chrétienne de part en part. N’oublions pas qu’un chrétien est toujours un converti, dans l’immense majorité des cas du paganisme. Et les survivances païennes ne manquaient pas au Moyen Âge. Le résultat pourrait être une ignorance voulue qui s’ajouterait à l’ignorance subie, laquelle est déjà considérable. Aujourd’hui, pour les gens qui font semblant de nous gouverner comme pour ceux qui font semblant de nous informer, l’histoire commence en 1968, pour les érudits les plus calés en 1929, et en tout cas il n’y avait rien avant 1789…
Comment l’expliquez-vous ?
R.B. : Par le même raisonnement idiot que celui qui a fait que le gouvernement français a naguère refusé, dans le projet de Constitution européenne, que mention fût faite de l’héritage judéo-chrétien de notre civilisation. Ce dont on ne veut pas dans le présent, on fait mine de l’effacer du passé d’un coup de gomme. C’est un exemple parfait de mentalité magique. Lire la suite sur Atlantico