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Réforme du collège : le passage en force ne passe pas

FRANCE, Paris : Protestors hold a placard reading For a quality high school during a protest against school reforms in Paris on May 19, 2015. - CITIZENSIDE/SAMUEL BOIVIN

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Philippe Oswald - publié le 21/05/15
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La publication précipitée du décret officialisant la réforme des enseignements au collège est perçue comme une provocation par les opposants de tous bords.
Des poids lourds du gouvernement (Najat Vallaud-Belkacem, Christiane Taubira, Fleur Pellerin, Stéphane Le Foll) sont allés au feu dès l’aube de ce mercredi 20 mai, alors que les Français apprenaient la publication dans la nuit, quelques heures après une journée de grève et de manifestations, du décret et de l’arrêté relatifs "à l’organisation des enseignements au collège" au Journal officiel (Le Figaro).

Précipitation ou provocation ?

Manuel Valls a donc tenu sa promesse de faire passer "le plus rapidement possible" ce texte de l’état de projet à celui de texte officiel. Les opposants à la réforme n’ont pas manqué d’y voir "une provocation" et une "faute", à l’instar du SNES-FSU, premier syndicat du secondaire (classé à gauche). Un "scandaleux passage en force" pour le SNALC (sans couleur politique et donc souvent… classé à droite) qui avait confirmé à L’Express sa volonté de bloquer les épreuves écrites du brevet, fin juin.

François Bayrou, président du Modem et ancien ministre de l’Éducation nationale, a lui aussi dénoncé un "passage en force" et appelé à une "manifestation nationale" pour que "l’indignation se fasse entendre" (Le Monde). "C’est de fait un passage en force contre les Français, les profs, tous ceux qui sont mobilisés et, au-delà de la mobilisation de la rue, de ceux qui nourrissaient une inquiétude", a déclaré Nathalie Kosciusko-Morizet, numéro 2 de l’UMP. À l’Assemblée nationale, le chef de file des députés UMP, Christian Jacob, a réclamé l’abrogation du décret : "Publier ce décret cette nuit est un acte politique brutal, vous le paierez cher M. le Premier ministre", a-t-il lancé, en demandant "la tenue dans les plus brefs délais d’un véritable débat démocratique, projet contre projet" (BFMTV). "Entre la précipitation et la provocation, la frontière est parfois poreuse", commente Le Monde.

"Depuis deux mois qu’a été présentée la réforme, le débat public a surtout été porté par les politiques ou des personnalités qualifiées de "pseudo intellectuels" par Najat Vallaud-Belkacem. De jeunes blancs-becs aussi notoirement incultes que Régis Debray, Michel Onfray, Alain Finkielkraut, Jacques Julliard ou Pascal Bruckner…", rappelle ironiquement Causeur. "L’interdisciplinarité que la rue de Grenelle entend imposer aux enseignants en grignotant 20% de leurs heures de cours (…) nuira mécaniquement à la transmission des savoirs fondamentaux. Ajoutée à l’"autonomie" des chefs d’établissement, l’application de cette mesure autorisera les proviseurs à infléchir les enseignements à leur guise, aggravant les inégalités entre les collèges huppés et défavorisés. Quelle que soit leur étiquette (et leurs divergences réelles sur le projet éducatif), tous les syndicats s’accordent sur ce constat."

Égalitariste à l’école, social-libéral en économie

Dans La Vie, l’écrivain et journaliste Jean-Claude Guillebaud pointe pour sa part l’argument "égalitaire" mis en avant par Najat Vallaud-Belkacem et Manuel Valls pour supprimer les classes européennes. Il souligne la "contradiction politique" de ceux qui d’un côté prétendent combattre "l’élitisme" scolaire, et de l’autre exaltent "les patrons "gagneurs", les virtuoses surpayés du Cac 40, la logique boursière et les lois du marché" : "Peut-on être égalitariste quand il s’agit de l’école et "social-libéral" sur le terrain de l’économie ? Comment réagiront, demain, les générations de collégiens ? Elles auront été sensibilisées à l’exigence d’égalité mais devront s’intégrer à une société de plus en plus inégalitaire. La contradiction est sidérante, car les deux évolutions auront été encouragées, en profondeur, par les socialistes inconséquents".

"Refuser la réforme, c’est vouloir un vrai changement"

"La comédie a assez duré", s’indigne sur son blog François-Xavier Bellamy, normalien, agrégé de philosophie, professeur de khâgne à Paris et maire-adjoint de Versailles. Loin d’être un changement, cette réforme imposée est "la continuité des politiques absurdes mises en œuvre (…) par la superstructure de l’Éducation nationale". Il faut donc la refuser : "Refuser cette réforme, c’est vouloir un vrai changement : il est temps de rompre enfin avec les choix absurdes qui nous ont fait déconstruire maille par maille la transmission du savoir à l’école. Refuser cette réforme, c’est exiger la démocratie, et se réapproprier le débat éducatif, confisqué depuis si longtemps par des soi-disant experts qui ont fait durablement la preuve de leur incompétence. Refuser cette réforme, c’est choisir la lucidité : car les vrais professionnels de terrain, que personne n’a consultés pour préparer ces textes, savent que leurs élèves attendent simplement des connaissances claires et structurées, qui leur permettent de progresser (…). Refuser cette réforme, enfin, c’est défendre l’égalité, avant qu’elle ne disparaisse sous les coups de boutoir d’une idéologie qui dénonce depuis longtemps l’équité de l’école comme un mythe. Les méthodes qu’on voudrait nous imposer seraient les plus inégalitaires qui soient : elles achèveront de perdre tous les élèves en difficulté, ceux qui n’ont pas la chance de trouver dans leur milieu social l’héritage culturel que l’école refuse déjà de t
ransmettre. (…) Au nom de tous les déshérités de la République que ce texte condamnerait définitivement, cette réforme ne doit pas passer".

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