Jusqu’à fin août, la nouvelle exposition du MuCEM, « Lieux saints partagés », s’intéresse à la fréquentation des mêmes sanctuaires par les fidèles des trois religions monothéistes en Méditerranée.
À un moment où l’actualité pourrait donner l’impression du contraire, une exposition aux apparences un peu décalées propose un pèlerinage au cœur des lieux saints du pourtour méditerranéen que chrétiens, musulmans et juifs réussissent pour la plupart à « partager » sans heurts ni tensions. L’exposition, ouverte le 29 avril, se tient à Marseille jusqu’au 31 août prochain, dans les locaux du Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MuCEM).
Bousculer les certitudes
Le parcours de l’exposition est conçu de manière à « bousculer les certitudes, déconstruire les préjugés », précisent les organisateurs, comme celle de penser que « les religions forment des blocs homogènes, étanches, sans interactions… ». Pour cela, le MuCEM confronte le public à un monde de croisements et d’influences, du Maroc aux Balkans et d’Israël à la Tunisie, en le faisant passer, d’un lieu saint à l’autre – une trentaine environ –, devant des centaines d’objets, manuscrits, œuvres d’art classiques et modernes, photos ou vidéos, fruits de plusieurs années de recherches scientifiques conduites au sein du CNRS et de l’université d’Aix-Marseille.
Prendre du recul sans nier les conflits
Parmi « les lieux de partage apaisés », l’exposition propose aux visiteurs la synagogue de la Ghriba à Djerba (Tunisie), le monastère de Saint-Georges au large d’Istanbul (Turquie), l’église Notre-Dame-de-Zeitun au Caire (Égypte) et la basilique Notre-Dame d’Afrique à Alger (Algérie).
Prendre du recul, sans nier les conflits, juste pour se poser un instant et s’interroger sur ce qui unit ces trois religions monothéistes aux identités pourtant si sensibles. L’exposition s’ouvre sur des représentations très emblématiques d’Abraham, leur ancêtre commun et premier pèlerin. On visite Hébron et l’arbre d’Abraham, le caveau des Patriarches, autrefois lieu de paix et aujourd’hui (depuis 1994) symbole de division, avec une partie musulmane, une autre juive. Le tombeau de Rachel à Bethléem, autrefois fréquenté par les trois religions, devenu lui aussi un lieu de partition, tandis qu’à Haïfa sur le mont Carmel, la grotte dédiée à Élie est aménagée en synagogue dont le gardien est musulman. Celle-ci, assure-t-on, reste fréquentée par chrétiens, juifs et musulmans, en bonne entente.
Une place particulière accordée à la Vierge Marie
Tout un espace est consacré à la Vierge Marie, autre grande figure interreligieuse car vierge mère du Fils de Dieu pour les chrétiens, du prophète Jésus engendré par Dieu pour les musulmans. D’importantes marques de dévotion mariale se sont installées dans les pratiques des musulmans – Marie est citée dans le Coran plus que dans le Nouveau Testament (34 fois contre 19) – qui font souvent appel à la Vierge en se rendant dans des sanctuaires chrétiens.
Près d’Assiout, en Haute-Égypte, par exemple, des musulmanes participent chaque année au pèlerinage jusqu’à une grotte consacrée à Marie. Namir Abdel Messeeh, réalisateur français d’origine égyptienne, a filmé ce pèlerinage, et a enquêté sur les apparitions de la Vierge en Égypte. À Zeitoun, au Caire, en 1968, comme à Assiout en 2001, des musulmans auraient été témoins de ces apparitions. Le cinéaste conduira une visite guidée de l’exposition le 27 mai (France24). Une série télévisée iranienne sur la vie de la Vierge permet de rappeler certains éléments fondateurs de sa vie et de proposer une vision contemporaine de Marie dans le monde musulman chiite (YouTube).
Pour en savoir plus sur l’exposition : www.mucem.org