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Alep : Journal d’un calvaire sans fin

Isabelle Cousturié ✝ - Choisir.ch - publié le 30/04/15

Dans un message poignant à ses confrères, le père jésuite Sami Halla témoigne de l’étau qui se resserre autour des quelques chrétiens restés à Alep, une des grandes lignes de front de la guerre en Syrie.

Il est urgent de sauver les chrétiens de Syrie avant que leur présence ne disparaisse complètement et que leur patrimoine culturel ne soit définitivement effacé par les organisations djihadistes qui multiplient leurs atrocités sur le territoire, employant contre eux de puissants moyens de destruction.
 
À Alep, pendant les célébrations de Pâques, on n’avait jamais vu pareille destruction (
Aleteia), et les chrétiens, ne voyant plus d’issue à ce qui prend de plus en plus l’allure d’un vrai génocide, tentent de partir ou, s’ils restent, de se donner mutuellement la force de vivre. « J’encourage les gens à rester calmes, à ne pas fuir tout de suite, car si nous, les chrétiens, sommes nombreux, nous pourrons revendiquer quelque chose auprès des nouveaux occupants », témoigne le père jésuite Sami Halla, engagé auprès du Service jésuite des réfugiés (JRS), dans un message à ses confrères.  
 
Tout comme d’autres volontaires du JRS, le père Halla a fait le choix de ne pas quitter le pays, et de rester auprès de la population bombardée. Tout comme le père Frans van der Lugt le fit lui aussi, avant d’être froidement assassiné, le 7 avril 2014 (
Aleteia). Ce
message est rédigé sous forme de « journal » dont voici quelques extraits pour rendre compte de la détresse quotidienne de tous ces chrétiens mais également leur courage, leur capacité et leur foi à voir des lueurs d’espoir même dans les pires situations.

7 avril 2015

Un an est passé depuis le décès du père Frans le 7 avril 2014. Les combats s’intensifient à Alep. Les chrétiens vivent un cauchemar. Heureusement, il n’y a pas Internet, et donc, pas de nouvelles qui manipulent et effraient. Mais la peur est là… J’ai commencé à sensibiliser les évêques pour accélérer la préparation des lieux d’hébergement au cas où les factions armées envahissent nos quartiers. Ce soir c’est terrible. Les bombes tombent tout près de chez nous et nous sentons l’odeur de la poudre. Les murs tremblent à chaque explosion. Les balles ou les éclats, je ne sais pas, touchent les façades des bâtiments et font un bruit de pluie.

11 avril 2015

Un véritable carnage dans le quartier chrétien de Suleymanieh. Les missiles qui tombent démolissent des immeubles entiers. Beaucoup de morts et beaucoup d’immeubles en ruine. Un cauchemar. Je suis allé voir : les gens plient bagages et partent. 
Les gens éprouvent un arrachement douloureux : soudain disparaissent toute l’histoire personnelle et tous les souvenirs. Il ne reste que des débris et des personnes tremblantes, effrayées, dénudées psychologiquement de tous les objets d’affection, sans parler de ceux qui ont perdu des personnes chères…
 Que dire aux gens ? N’ayez pas peur ! J’ai prononcé cette phrase avec force, et les gens l’ont écoutée avec foi, car celui qui parle est aussi touché comme eux. Gardez votre calme pour pouvoir prendre une décision sage. Voulez-vous partir ? Partez, moi je reste. Priez de tout votre cœur : « Dieu viens à notre aide ! Seigneur à notre secours ! » Ce n’est plus la consolation que j’annonce mais la consolidation. Je sens que le courage que je montre renforce les gens. Que l’Esprit Saint continue à me soutenir par ce courage, car je sens une grande faiblesse au fond de moi-même.

12 avril 2015

C’est la fête de Pâques (orthodoxe). Mais les chrétiens de la ville vivent un Vendredi Saint. Tout le monde crie : « On va partir ! »
. Une fois de plus, la communauté chrétienne montre un esprit de solidarité. Tout le monde commence à héberger les déplacés. L’Église latine est la première à ouvrir ses salles pour accueillir ceux qui n’ont plus de domicile. Les Grecs-catholiques suivent les pas des Latins. Le moral est très bas. Personne ne comprend le sens de ce qui se passe. Mais les chrétiens sont convaincus que le plan de les chasser de la ville commence…


 

13 avril 2015

Journée de course : je dois organiser des abris de nuit dans les sous-sols des églises, car les combats s’intensifient…

14 avril 2015

(…) Le plus douloureux est la rencontre des gens. À chaque rencontre, c’est la mélancolie qui sort…
 Ces deux jours, les enterrements se font en groupe : trois cercueils, quatre à la fois. Et la télévision d’État court pour filmer et exploiter ce drame à son profit. Plus de 160 familles chrétiennes ont quitté la ville. Au niveau des combats, les factions armées donnent l’impression qu’elles avanceront bientôt sur la ville. On ne sait pas ce que le destin nous réserve…

16 avril 2015

Peur, panique et inquiétudes pour demain, fête de l’Indépendance. Les rumeurs disent qu’il y aura des combats féroces. J’ai l’impression que je suis devenu une référence… J’oriente les gens discrètement, pour ne pas attiser la panique, vers les abris pour passer la nuit.

26 avril 2015

Un dimanche terrible. J’écris ce journal avec l’odeur de la poudre. Deux explosions ont secoué la ville… Ensuite, des combats et des obus. J’ai célébré la messe dominicale en la cathédrale latine à 5 h. Normalement 400 à 500 personnes assistent à cette messe, il n’y en avait que 80 ce matin. Les gens ont peur. Durant la messe, les murs de la cathédrale vibrent, les gens tremblent, et l’Évangile est sur le Bon Pasteur qui ne laisse pas ses brebis. Quoi dire ? Restons en lien avec le Seigneur pour qu’Il nous soutienne dans nos peurs… 
Lire la suite du message en cliquant ici

 

C’est dans ce contexte que, le 13 avril dernier,
les évêques d’Alep ont exprimé leur désespoir, demandant à la communauté internationale qu’ils «  verrouillent » les portes des armements et des munitions et arrêtent « la fourniture des instruments de mort ». Selon
le Secours catholique, depuis 15 jours les tirs de roquettes des rebelles se sont intensifiés et visent de plus en plus spécifiquement les quartiers chrétiens. Un collaborateur de Caritas Syrie et deux animateurs salésiens ont été tués.
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