Une communauté protestante a été contrainte par des musulmans d’enlever la croix qui ornait la façade de l’église où elle se réunit. Vives réactions des défenseurs de la tolérance.
Dimanche 19 avril, à Petaling Jaya, une foule d’une cinquantaine de manifestants musulmans a contraint un temple protestant à enlever la croix qui ornait sa façade. L’affaire provoque de nombreuses réactions dans le pays et de vigoureuses protestations de la part de ceux qui y voient le signe d’une « montée de l’extrémisme et de l’intolérance ».
La communauté musulmane y voit un « affront »
L’incident s’est produit à Taman Medan, quartier populaire de Petaling Jaya, la capitale politique du pays située non loin de Kuala Lumpur. Dimanche, à l’heure du service religieux du matin, sur les coups de 10 h, une foule d’une cinquantaine de musulmans a bruyamment mais pacifiquement manifesté devant l’église de la Community of Praise Emmanuel, une dénomination protestante locale. Selon le portail d’informations en ligne The Star Online, les manifestants dénonçaient la présence d’une croix sur la façade du lieu de culte, y voyant un « affront » fait à la communauté musulmane locale et un « défi » lancé à la religion musulmane, visant notamment à « influencer » la foi de la jeunesse musulmane. Par crainte de débordements violents, le pasteur de la communauté protestante a choisi, quelques heures plus tard, de retirer la croix ornant son église.
Des heurts entre Malais et Indiens
Peuplé à 80% de Malais, considérés donc comme musulmans, et à 20% de populations d’origine indienne, Taman Medan est un quartier populaire, loin des façades rutilantes de Petaling Jaya. Le lieu de culte visé par les manifestants ce dimanche est situé à un modeste carrefour et n’a rien d’ostentatoire : ouvert depuis le mois d’août dernier, il est situé au premier étage de boutiques commerçantes et est constitué de quelques pièces d’habitation réunies en une salle vouée au culte que rien ne distingue de la rue, sinon cette croix, de couleur rouge, devenue litigieuse (et installée le 17 avril). Le lieu de culte se trouve toutefois dans un quartier qui conserve la mémoire de graves émeutes « raciales », selon la formulation utilisée en Malaisie, qui avaient fait six morts en mars 2001. Les heurts avaient opposé Indiens et Malais et ils constituaient le plus violent incident intercommunautaire depuis les dramatiques émeutes du 13 mai 1969.
« Un acte insensé de haine et d’intolérance »
C’est peut-être cet héritage historique qui explique l’ampleur des réactions soulevées par cet incident. Le 21 avril, un groupe de hauts responsables malaisiens a publié un communiqué où l’action des musulmans de Taman Medan est qualifiée d’« acte insensé de haine et d’intolérance ». Les signataires du communiqué appellent les autorités à sévir contre les manifestants, toute faiblesse à leur endroit ne pouvant que « renforcer la détermination des extrémistes ». Formé à la fin de l’année dernière, ce groupe, connu sous le nom de « G25 » car initialement formé de 25 anciens hauts fonctionnaires – musulmans dans leur majorité –, s’était déjà fait connaître pour avoir signé une lettre ouverte dénonçant « le lent glissement [du pays] vers l’extrémisme religieux et la violence ».
Le Conseil des Églises (protestantes) de Malaisie (CCM, Council of Churches of Malaysia) a, lui aussi, vivement condamné l’incident, y voyant une manœuvre politicienne. (…)
« La liberté de culte est un droit fondamental »
Jahir Singh, président du MCCBCHST (Malaysian Consultative Council of Buddhism, Christianity, Hinduism, Sikhism and Taoism), l’instance représentative des religions non musulmanes auprès des pouvoirs publics, a dénoncé le caractère illégal de la demande des manifestants musulmans. Il a rappelé que le Code pénal sanctionnait l’offense aux « sentiments religieux » des croyants, quelle que soit la religion en question. Il a souligné que rien, dans le droit malaisien, n’exigeait d’enregistrer auprès des autorités les lieux de culte. (…) Lire la version intégrale de cet article sur le site de l’agence d’information des Missions étrangères de Paris (MEP), Églises d’Asie (eda/ra)
Légende photo : Manifestation de musulmans devant l’église protestante de Taman Medan, le 20 avril (on aperçoit à l’étage le bas de la croix – très sobre – qui a été enlevée).