Il était venu à Rome avec une petite valise, convaincu de retourner à Buenos Aires pour le dimanche des Rameaux. Il avait déjà préparé l’homélie. Il n'est jamais reparti.
Pour le deuxième anniversaire de son pontificat, le pape François a accordé une interview à la télévision mexicaine Televisa. Il s’est exprimé très librement sur les deux premières années de son pontificat, son lien avec l’Amérique latine, ses relations avec son prédécesseur Benoît XVI, mais aussi son état d’esprit le 13 mars 2013, jour de son élection au trône de Pierre. Morceaux choisis.
« Je n’étais pas dans la liste des papabili, ça ne me venait pas à l’esprit, d’ailleurs à Londres les bookmakers ne me situaient qu’à la 42e ou 46e place, rappelle-t-il avec humour. Les journalistes ne me considéraient que comme un potentiel grand électeur, qui, au plus, aurait pu indiquer un nom, et ils étaient tranquilles. » François a par ailleurs sèchement réfuté les propos de la journaliste sur le fait qu’il aurait obtenu 40 voix lors du conclave de 2005.
Il a rappelé les propos de son ami, le cardinal Claudio Hummes, actuellement délégué de la Conférence épiscopale brésilienne pour l’Amazonie. « Il m’a dit : "Ne t’inquiète pas, ainsi l’Esprit Saint fera son œuvre". Lorsque les deux tiers ont été atteints, le cardinal m’a embrassé et m’a dit de ne pas oublier les pauvres, cette phrase a commencé à tourner dans ma tête et c’est cela qui m’a porté au choix de ce nom. Durant le vote, je priais le Rosaire et je me sentais très en paix, presque jusqu’à l’inconscience. Cette paix, pour moi c’était un signe que ce vote était ce que Dieu voulait. Depuis ce jour je ne l’ai pas perdue, cette paix. C’est quelque chose comme un cadeau. »
Impossible de sortir manger une pizza !
Le Pape a précisé ses souvenirs des instants qui suivirent l’élection. « Ensuite qu’est-ce que j’ai fait, je ne le sais pas. Ils m’ont fait me mettre debout, ils m’ont demandé si j’acceptais, j’ai dit que oui. Je ne sais plus s’il m’ont fait jurer quelque chose ou pas, je ne me souviens pas. J’étais en paix. Je suis allé changer de soutane, je suis sorti pour saluer d’abord le cardinal Diaz, qui était en chaise roulante, puis j’ai salué les autres cardinaux. Ensuite, j’ai demandé au vicaire de Rome et au cardinal Hummes de m’accompagner, ce qui n’était pas prévu dans le protocole. Nous sommes allés prier dans la chapelle Pauline, pendant que le cardinal Tauran annonçait mon nom. Ensuite je suis sorti, et je ne savais pas quoi dire. Et le reste vous en avez été les témoins, c’est sorti spontanément, j’ai dit simplement : "Priez pour moi pour que Dieu, à travers vous, me bénisse". Tout est sorti spontanément, comme le fait de prier pour Benoît. »
Un pontificat bref
Dans cette interview, le pape François n’a pas nié que les contraintes pratiques liées à sa charge lui pèsent parfois… « Ça ne plaît pas d’être Pape. Ce qui me ferait plaisir, ce serait de pouvoir sortir un jour, sans être reconnu est d’aller dans une pizzeria manger une pizza ! À Buenos Aires, je sortais beaucoup, ici je trouve d’autres façons de sortir, au téléphone, ou d’une autre façon. »« Moi, j’ai la sensation que mon pontificat sera bref, quatre ou cinq ans, peut-être deux ou trois. Deux sont déjà passés. C’est comme une sensation un peu vague,. Peut-être que c’est comme la psychologie du joueur de hasard qui se convainc qu’il perdra, de façon à ne pas se faire d’illusions, et à être content s’il gagne. Je ne sais pas… Mais j’ai la sensation que le Seigneur m’a mis ici pour une chose brève, et rien de plus. Mais c’est une sensation. Je laisse toujours ouverte la possibilité. »
L’exemple de Benoît XVI
Dans cet entretien, François redit aussi que la renonciation de Benoît XVI a créé un précédent, et peut-être une nouvelle
tradition : « Il y a certains cardinaux au pré-conclave, aux congrégations générales, qui se sont interrogés sur ce problème théologique, très intéressant. Je crois que ce qu’a fait le pape Benoît ouvre une porte. Il y a 60 ans, il n’y avait pas d’évêques émérites, aujourd’hui il y en a 1 400. Est venue l’idée qu’un homme de plus de 75 ans ne pouvait plus porter le poids d’une Église particulière. De même, je crois que ce qu’a fait le pape Benoît, avec tant de courage, a ouvert une porte institutionnelle pour la notion de "Papes émérites" ».