Ce film dénonce l’état de pollution de l’Empire du Milieu, ravagé par une croissance industrielle incontrôlée.
Le film de Chai Jing, journaliste vedette et maman, est d’abord promu par les médias officiels chinois. Le ministre de l’Environnement Chen Jining en personne l’a salué, et Le quotidien du peuple l’a même mis en ligne officiellement. Mais devant le succès extraordinaire que cette vidéo a rencontré, les autorités se sont crispées. Visionnée plus de 150 millions de fois en l’espace d’un week-end, elle a déclenché 370 millions de commentaires sur Weibo, le Twitter chinois. Aussi, lundi 2 mars, le Bureau de propagande tentait de freiner le phénomène : « Toutes les agences de tous les niveaux doivent se centrer sur l’Assemblée de cette semaine et promouvoir une atmosphère positive et ne doivent pas mettre en avant les sujets sensibles ».
« As-tu déjà vu les étoiles ? »
Dans son film, Chai Jing demande à une petite fille d’une ville minière du Shanxi : « As-tu déjà vu les étoiles ? ». « Non », répond l’enfant. À Pékin, les voitures doivent allumer leurs phares en plein jour pour percer le brouillard de pollution. Le documentaire n’attaque pas frontalement l’autorité centrale, mais dénonce le manque d’application des mesures écologiques sur le terrain, la corruption et la prégnance des intérêts économiques. La journaliste, bien connectée au pouvoir, a bénéficié d’appuis auprès de son ancien employeur, le principal réseau de télévision publique chinois. Il ne s’agit donc pas d’une « opposante » et sa dénonciation de la pollution en est d’autant plus corrosive. Le film s’achève sur un appel à « se lever » pour changer la situation, une injonction inhabituelle pour un pays aussi contrôlé !
Le combat d’une maman
Chai Jing a décidé de donner à sa carrière ce tour décisif et périlleux à la naissance à sa fille, en 2013. Celle-ci a été atteinte d’une tumeur bénigne, provoquée par la pollution. La maman décrit l’anxiété qu’elle vit au jour le jour. « Chaque matin au réveil, mon premier geste est de vérifier l’index de qualité de l’air sur mon téléphone. J’organise ma vie autour de ce chiffre, explique-t-elle. Je vois ce brouillard de pollution au travers des yeux de ma fille. »