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Mgr Laffitte : « Il y a une contradiction à demander le sacrement du mariage sans avoir la foi »

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Bénédicte Lutaud - publié le 12/02/15
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I.Media a rencontré le secrétaire du Conseil pontifical pour la famille et fait le point avec l’évêque français sur les travaux du dernier synode sur la famille.
Alors que l’institution familiale reste au cœur des préoccupations du pape François et de l’Église, à mi-chemin entre les deux synodes consacrés à la famille, I.Media a rencontré le secrétaire du Conseil pontifical pour la famille, Mgr Jean Laffitte. L’évêque français fait le point sur les travaux du dernier synode, mais aussi sur les suggestions du pape François visant à simplifier les procédures de nullité de mariage. En outre, le secrétaire du dicastère en charge de la famille encourage une « véritable préparation au mariage », voire un « accompagnement des mariages célébrés », dans un « contexte d’inculture religieuse et de relativisme éthique ».

Avec les synodes d’octobre 2014 puis d’octobre 2015, le pape François a fait de la famille l’une des priorités de son pontificat. Comment expliquer ce choix ?
Monseigneur Jean Laffitte :
À la fin du pontificat de Benoît XVI, il y a eu un synode sur la nouvelle évangélisation. Plus de 100 pères synodaux ont alors cité la famille comme moyen et lieu nécessaires d’une nouvelle évangélisation. La famille n’est pas simplement objet d’évangélisation, elle est d’abord sujet d’évangélisation, essentiellement par son témoignage. Pour cela, il convient qu’elle soit imprégnée de l’Évangile. Le pape François, en outre, a perçu que la famille avait besoin d’être encouragée, réanimée. Il s’agit d’aller à la rencontre des familles, pour mesurer, dans une démarche pastorale, les souffrances et les blessures qui sont les siennes. Comme on se trouve dans un contexte général de relativisation de l’institution familiale, il est plus que jamais nécessaire d’approfondir le dessein de Dieu sur l’amour humain, le mariage et la famille.

Quels sont selon vous les points cruciaux qui ont émergé du précédent synode et devraient faire l’objet de nouvelles réflexions en octobre prochain ?
Mgr J.L. : Il y a deux actions qui ont été soulignées. La première est de réaffirmer la valeur fondamentale de l’institution familiale. Cela explique qu’aient pu être abordées diverses questions comme la dénatalité, ou les dangers d’étendre le terme de « famille » à des unions qui n’ont rien de familial, à des unions d’une autre nature. Il s’agit de montrer que la famille, cellule fondamentale de la société, contribue à son bien commun. La deuxième action s’adresse aux chrétiens. Le mariage est un sacrement. Le Concile Vatican II dit qu’au moment de ce sacrement, le Christ vient à la rencontre des époux pour demeurer avec eux. Peu de personnes ont conscience de la sainteté du mariage chrétien, car beaucoup, désormais, ont grandi dans un monde privé de toute culture chrétienne. Certains demandent le sacrement du mariage alors qu’ils n’ont jamais mis les pieds de leur vie à l’église et n’ont pas la moindre idée de ce qu’est un sacrement. L’Église a le désir d’accueillir, et dans le même temps, elle ne peut donner un sacrement dans n’importe quelles conditions. D’où la préoccupation d’un grand nombre de pères synodaux de renforcer et approfondir une véritable préparation au mariage, voire pour certains un réel catéchuménat. D’autres pères synodaux ont aussi évoqué la nécessité d’un accompagnement des mariages récemment célébrés. Tout cela est l’essentiel de ce que les pères ont exprimé, même si certains, en particulier les médias, ont accentué certaines questions pastorales.

À propos de meilleure préparation au mariage, le Pape a récemment suggéré aux membres du Tribunal de la Rote romaine de mieux tenir compte du critère de foi des époux au moment de leur « intention matrimoniale ». Un sujet déjà évoqué par Benoît XVI. Qu’en pensez-vous ?
 

 

 

 

 

Mgr J.L. : Benoît XVI a longtemps réfléchi à cette question, dès le début des années 2000 comme préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Le droit de l’Église a toujours établi qu’il n’y a pas de mariage possible entre deux baptisés qui ne soit sacramentel. Cela veut dire que les baptisés peuvent légitimement demander à l’Église ce sacrement. Mais il y a une contradiction à demander un sacrement et à être indifférent à ce qu’est le sacrement, ou encore simplement au fait d’être un baptisé. Il y a là un appel pour les pasteurs à considérer la façon dont ils vont donner le sacrement et y préparer les fiancés. Le fait de ne pas avoir de foi invalide-t-il pour autant le sacrement ? La réponse est non : en elle même, l’absence de foi n’ôte pas le fait qu’entre deux baptisés le seul mariage possible soit un sacrement. En revanche, parmi les motifs de nullité qui existent pour un mariage sacramentel, il y a le fait de ne pas adhérer à ce qu’on appelle les propriétés essentielles du mariage (unité, indissolubilité). Dans le contexte d’inculture religieuse et de relativisme éthique qui prévaut en de nombreuses régions du monde, le doute existe sur la véritable compréhension – et acceptation – de la nature du mariage et de ses propriétés essentielles. En termes simples, quelle compréhension de l’unité et de l’indissolubilité du mariage, ainsi que de son ouverture à la vie, la personne qui se présente pour se marier « sacramentellement » possède-t-elle ? Lorsque deux jeunes gens envisagent de se marier mais ne croient pas à l’indissolubilité, au caractère définitif de leur union, leur mariage ne peut être que nul. Mais leur mariage, dans ce cas-là, sera nul non pas parce qu’ils n’ont pas la foi, mais parce que leur « non foi » entraîne une « non adhésion » à ce qui fait qu’un mariage est valide. Il y a à peine deux ou trois décennies, quand tout le monde – croyants et incroyants – adhérait à ces propriétés du mariage, la question de la « non foi » ne se posait pas en ces termes. Aujourd’hui, il n’y a plus guère que l’Église qui enseigne et transmette les propriétés du mariage.

Le pape François a créé une commission spéciale chargée de simplifier les procédures des causes en nullité de mariage et de les rendre plus rapides. Est-ce une bonne solution ?
Mgr J.L. : Il y a bien sûr des améliorations à obtenir. Les pères du synode l’ont souligné. Toutefois, le fait qu’existent des procédures très longues est aussi le résultat d’une histoire législative du droit et de ses finalités, en clair, de précautions que l’Église a prises pour préserver le lien conjugal. Quand il y a plusieurs médiations, plusieurs échelons, la procédure peut paraître lourde. Mais il faut étudier cette difficulté avec une extrême précaution, une grande prudence pour ne pas laisser penser que s’est amoindrie l’estime de l’Église pour le lien conjugal qu’elle a toujours défendu.

Au cours du synode d’octobre 2014, certains médias se sont fait l’écho d’un Pape « progressiste », prêt à plus d’ouverture en faveur des divorcés remariés, du concubinage ou encore des couples homosexuels. Est-ce une version proche de la réalité ?
Mgr J.L. :
On prête au Pape des intentions et convictions qui ne sont pas nécessairement les siennes. Il faut vraiment considérer l’ensemble de ses déclarations. Aux Philippines, il a de nouveau exalté l’importance d’Humanæ Vitæ, le texte le plus controversé depuis 50 ans ! Cette interprétation partielle et faussée dont vous parlez vient du fait qu’on ne mesure pas à quel point le pape est soucieux de rejoindre les personnes, en tenant compte de leurs épreuves et de leurs blessures. Les vérités de l’enseignement de l’Église, il y adhère pleinement ; mais il attire l’attention de l’Église tout entière sur la nécessité de prendre la mesure des défis nouveaux qui se posent, ce qu’il fait avec des paroles fortes ou imagées.

Propos recueillis au Vatican par Bénédicte Lutaud, I.Media

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