Il n'y a pas un Noël semblable, car nous changeons de saison en saison. Depuis Noël dernier, nous avons ri et pleuré, chanté et souffert, espéré et douté, nous ne sommes plus tout à fait les mêmes. Que sera Noël cette année ? Une chose est certaine, la liturgie ne change pas; on peut donc se rattraper d'une année à l'autre. Elle nous permet de rencontrer Dieu dans un "aujourd'hui" qui ne finit pas. Notre naissance se vit dans le présent de cet aujourd'hui de la liturgie.
C’est la foi qui donne tout son sens à Noël. L'histoire est pénétrée de la naissance de Dieu en notre chair. Il se passe toujours quelque chose à Noël qui découle de l’éternelle enfance de Dieu : le partage, l’affection, l’espérance, la joie, et la souffrance aussi. Que de Noëls pour apprendre à vivre et à aimer ! Que de passages pour assumer sa propre naissance et advenir à son humanité !
La foi est la porte d’entrée du mystère qui nous donne de reconnaître l’enfant de la crèche comme Fils de Dieu, proche de nous aujourd’hui. Pour les croyants, Noël, c’est la venue de l’Emmanuel, Dieu avec nous, présent au creux de notre humanité. C’est là, dans l’indigence de notre crèche intérieure, que le Dieu fait homme se révèle en Jésus. Il nous partage son désir d’aimer, sa soif de nous rencontrer, sa présence cachée dans nos sociétés laïques pour que nous naissions de nouveau en lui.
« La fête de Noël n’est-elle pas le plus beau symbole des glorieux recommencements des hommes? Et qui sait, nous sommes peut-être à l’aube d’un recommencement, avec ses douleurs de l’enfantement comme saint Paul le laissait entendre » (Jacques Grand’Maison, Société laïque et christianisme).
L’ultime enfantement
Chaque Noël, je nais un peu plus à cette naissance qui est en avant de moi. Il y a tellement de forces qui me dépassent, comme la maladie et la mort, et souvent il n’y a pas de place à l’hôtellerie de mon cœur pour accueillir l’Enfant qui veut naître en moi et m’apporter la paix intérieure. La prière silencieuse me donne cette espérance que Dieu me tient au creux de son amour comme il l’a fait pour Marie et Joseph. Je les contemple dans la crèche, et ils m’aident à accueillir le Fils dans le silence d’une présence. Un silence qui n’est pas consommation à outrance, mais communion au mystère. Un silence profond qui épouse la Parole de Dieu. Un silence natal qui me fait entrer dans la nudité de ma crèche intérieure. C’est là que Dieu naît. Je crois qu’à la minute où je lui rendrai le dernier souffle, je tomberai en lui comme on « tombe en amour », et mon dernier son sera son nom, fruit mûr de ma pauvre prière.
Nous vivons des petites morts tout au long de notre existence. Elles nous préparent à vivre le dernier moment comme s’il était l’accomplissement de notre vie. Nous n’avons jamais fini de naître. Notre naissance est en avant, jusqu’à notre ultime « enfantement », pour reprendre l’expression de saint Ignace d’Antioche, supplicié à Rome vers 117 : « Il est bon pour moi de mourir pour m’unir au Christ (...) Mon enfantement approche (...) Laissez-moi recevoir la pure
lumière » (Lettre aux Romains). Dix-huit siècles plus tard, la carmélite Élisabeth de la Trinité dira un peu la même chose la veille de sa mort : « Je vais à la Lumière, à l’Amour, à la Vie. Noël n’est jamais loin de Pâques, la naissance de la résurrection, l’incarnation de la rédemption ».
Dieu avec nous, tu bâtis la justice et la paix,
malgré la guerre, l’intolérance, la haine.
Apprends-nous à t’accueillir en ce Noël,
à construire avec toi un monde plus fraternel,
ainsi nos déserts se changeront en vergers.
Dieu avec nous, tu viens toujours nous sauver
par l’amour désarmé de l’enfant de Bethléem.
Sois l’étoile dans la nuit de nos doutes,
manifeste ta venue par des signes de pardon,
Toi qui viens naître dans la crèche de notre cœur.
(Jacques Gauthier, Prières de toutes les saisons, p. 33)