Une petite révolution cette année pour la messe de minuit de la basilique Saint-Pierre : on y entendra le « Et incarnatus est » de Mozart en sus du Credo en grégorien.« Et le Verbe s’est fait chair, et Il a habité parmi nous », proclame Jean dans le magnifique prologue de son Évangile. À Noël, toute l’attention se porte sur ce mystère central de la foi chrétienne : le Verbe de Dieu s’est fait homme. Le mystère est si profond que le croyant ne peut guère faire plus que garder le silence en le contemplant.
En effet, pendant des siècles, durant la messe, les fidèles devaient s’agenouiller (aujourd’hui ils sont invités à s’incliner) pendant ces paroles du Credo : « Pour nous, les hommes et pour notre salut, Il descendit du ciel. Par l’Esprit Saint, Il a pris chair de la Vierge Marie, et s’est fait homme ». En latin, la phrase clé est : « Et incarnatus est » (« Et Il s’est incarné »). Le pape François a justement évoqué ces paroles, en particulier la merveilleuse interprétation qu’en a faite Wolfgang Amadeus Mozart, dans une de ses grandes œuvres chorales : « En musique, j’aime évidemment Mozart. L’"Et incarnatus est" de sa Messe en Do est indépassable, a-t-il confié l’année dernière dans une interview réalisée par le père Spadaro. Il te conduit à Dieu ! ». La tendre et apaisante façon dont Mozart présente cette partie du Credo est idéale pour Noël, lorsque les pensées se tournent vers l’Enfant sans défense et sa Mère aimante.
Cette partie de la Messe du compositeur dure huit minutes. Une éternité pour beaucoup de gens, particulièrement dans notre monde où tout va trop vite. Mais le Pape la veut expressément pour la nuit de Noël dans la basilique Saint-Pierre. Et il a demandé à un autre Autrichien, Manfred Honeck, de la diriger. « Normalement, c’est le chœur de la chapelle Sixtine qui chante la liturgie et le Credo en latin, en grégorien, s’est étonné Manfred Honeck. En fait, j’ai été surpris que le Pape en personne souhaite insérer du Mozart dans le Credo chanté par le Chœur de la Chapelle Sixtine. » Manfred Honeck, 56 ans, dirige l’Orchestre symphonique de Pittsburgh. Il s’est entretenu avec Aleteia après une répétition avec l’Orchestre symphonique de Chicago. À l’occasion de la messe de la Nativité, il dirigera un orchestre formé de plusieurs orchestres de Rome. C’est la soprano israélienne Chen Reiss qui interprètera le « Et incarnatus est ».
Le chef d’orchestre avoue avoir été intrigué par le choix de ce morceau musical par le pape François. « On dirait que c’est un Pape qui voit les choses différemment, a-t-il déclaré. Vous imaginez ? Au Vatican, le chant grégorien n’est pas en usage depuis 50 ou 100 ans, mais depuis des centaines d’années, toujours de la même manière. C’est la première fois, m’a-t-on dit, que l’on utilise Mozart au milieu du chant grégorien, et cela à la demande expresse du Pape. »
Manfred Honeck a également été surpris de recevoir un appel du Vatican pour lui proposer de conduire l’orchestre. « Mon manager m’a demandé : "Que fais-tu la nuit de Noël ?" Une demande stupide, ai-je pensé, car il savait parfaitement que je la passerais avec ma famille. Je n’aurais jamais imaginé ne pas être chez moi une nuit de Noël. » Et avant de quitter son paisible village autrichien, il a consulté sa femme et ses six enfants.
Mais, pour le catholique qu’il est, diriger un orchestre au Vatican constituera un événement marquant dans une carrière déjà prometteuse. « Être là, au cœur du catholicisme, et célébrer Noël avec le Pape, c’est une chose absolument inouïe pour moi et pour ma famille. Une grande aventure, un moment inoubliable. Je suppose que ce sera un peu plus mouvementé qu’à la maison. Ce sera une expérience mémorable pour moi de pouvoir voir le Pape et participer à la Messe dans les lieux où ont été Pierre et Paul. »
Adaptation : Élisabeth de Lavigne