Un prochain rapport proposerait de banaliser la pratique des sédations « profondes et terminales jusqu’au décès ». Les malades ne pourraient plus s'exprimer lors de leurs derniers instants.
Claire Pellissier, psychologue clinicienne en soins palliatifs, est la porte-parole du mouvement « Soulager mais pas tuer » :
Tant de fois j’ai entendu cette phrase dans la bouche de patients « en fin de vie ». Tant de fois, ces mots venaient quelques jours après que le patient eut demandé « que tout s’arrête ». Et la parole qui semblait tarie, soudain se faisait entendre, partageant à la famille, aux proches, aux soignants les questions, les témoignages, ainsi que les désirs affectifs et spirituels les plus essentiels.
C’est si souvent dans les tous derniers instants que la parole peut jaillir. Encore faut-il donner une place à cette parole, donner du temps, permettre aux personnes de vivre leurs derniers instants. Et aujourd’hui, je m’inquiète quand j’entends que le rapport à venir sur la fin de vie pourrait proposer de banaliser la pratique des sédations « profondes et terminales jusqu’au décès ». Laissera-t-on nos mourants exprimer leurs derniers mots ?
J’ai parfois entendu dans les services : « Il est soulagé quand il dort ». Mais qu’en sait-on réellement ? En endormant un patient, on le fait taire, on ampute sa parole. Comment être sûr que la souffrance plus « existentielle », liée à la peur de l’abandon, à la culpabilité, au manque d’amour, à la mort et à « l’après », est réellement soulagée ? Si la fin de vie est souvent une période de souffrance physique réelle, elle est aussi le lieu de grandes souffrances psychiques, liées à de profondes angoisses qui viennent accentuer, de façon aigüe, la douleur du corps.
Soulager vraiment la douleur, ne passerait-il pas, outre la prise en charge médicamenteuse, par une présence et une écoute renforcée, tenant compte d’une vision globale de l’être ? Faire taire, est-ce la solution à l’angoisse ? En tant que psychologue, j’entends beaucoup d’angoisses d’abandon réveillées en fin de vie. Quelle serait alors une réponse médicale utilisant la sédation ? L’abandon. Le patient se trouverait seul face à ses angoisses, avec un risque réel de se laisser « glisser », mourir dans son sommeil, de manière prématurée, dans une grande souffrance restée ignorée. Lire la suite sur Atlantico