« Jamais condamnés par les responsables religieux musulmans »
Au sein de l’Eglise catholique, Mgr Rufin Anthony, évêque d’Islamabad-Rawalpindi, a dénoncé ce nouvel acte de violence extrême comme le symptôme d’un système judiciaire inopérant. « Nous avons déjà vu par le passé des foules qui décident de faire justice par elles-mêmes. De tels incidents n’ont jamais été condamnés par les responsables religieux [musulmans], ce qui n’a fait qu’encourager ces foules à poursuivre leurs actes. Si des mesures concrètes avaient été prises hier, de tels actes barbares ne se produiraient plus aujourd’hui », a-t-il déclaré à l’agence AsiaNews.
Du côté musulman, le Conseil des oulémas du Pakistan a demandé « une enquête impartiale sur l’incident survenu à Kot Radha Kishan ». Exprimant sa « douleur profonde », son président, Muhammad Tahir Ashrafi, a mis en cause l’attitude de la police. La mort du couple de chrétiens n’aurait pas eu lieu « si la police locale n’avait pas fait preuve de négligence ». Si le couple était vraiment coupable de profanation du Coran, interroge Muhammad Tahir Ashrafi, « pourquoi la police n’a-t-elle pas arrêté les époux après la plainte des résidents locaux ? Et s’ils n’étaient pas coupables, pourquoi ne leur a-t-elle pas offert une protection immédiate étant donné la réaction excessive des gens ? »
« Un permis de tuer les chrétiens au Pakistan »
Enfin, pour le Pakistan Christian Congress (PCC), parti politique chrétien qui milite pour la création d’un Etat réservé aux chrétiens au sein de la province du Pendjab, la mort du jeune couple est une nouvelle illustration du fait que les lois anti-blasphème fonctionnent comme « un permis de tuer les chrétiens au Pakistan ». Son président, Nazir Bhatti, dénonce « le deux poids – deux mesures » à l’œuvre dans le pays : lorsque le leader de l’opposition, Syed Khurshid Shah, du PPP, est accusé de blasphème, nul ne l’inquiète et ses partisans dénonce une instrumentalisation de la religion, mais lorsque des chrétiens ou des ahmadis sont accusés de blasphème, aucun leader politique musulman ne prend leur défense.
La condamnation à mort d’Asia Bibi
La mort de Shahzad Masih et de Shama Masih intervient peu après la confirmation, le 16 octobre dernier, de la peine de mort prononcée à l’encontre d’Asia Bibi, jeune chrétienne et mère de famille accusée elle-aussi de blasphème. Quelques semaines plus tôt, le 25 septembre, une autre affaire avait mis en exergue les failles du système judiciaire pakistanais face aux lois anti-blasphème : condamné à mort pour blasphème, Muhammad Asghar, un Britannique âgé de 70 ans, a frôlé la mort lorsqu’un gardien de prison lui a tiré dessus ; l’enquête de police a montré que ce gardien avait été influencé par Mumtaz Qadri, celui qui, garde du corps du gouverneur de la province du Pendjab, avait assassiné son propre patron, Salman Taseer, pour les prises de position de ce dernier en faveur d’Asia Bibi et de la réforme des lois anti-blasphème.
(1) Masih n’est pas un nom de famille mais un terme générique désignant un chrétien.
(2) Chak signifie ‘village’ en ourdou. Au Pendjab, l’usage, qui remonte à la colonisation britannique, fait que, souvent, les villages ne sont pas désignés par un nom propre mais le mot ‘Chak’ suivi d’un nombre.
(3) Selon le Pakistan Christian Post, les papiers brûlés par Shama Masih étaient des amulettes que feu son beau-père avait coutume d’utiliser lorsqu’il se livrait à des séances de divination et de magie noire.
Source : Agence d’information des Missions Etrangères de Paris (MEP), Eglises d’Asie