Pour Yves Coppens, le fameux scientifique qui a découvert le fossile Lucy, la science et l'enseignement ne s'opposent pas du tout.
L’Assemblée Plénière de l’Académie pontificale des sciences s'est tenue du 24 au 28 octobre sur le thème de " l’évolution des concepts de nature ". Au terme d’un discours très attendu sur la théorie de l’évolution, le pape François a remis une médaille aux nouveaux membres de l’Académie pontificale des sciences, nommés le 18 octobre dernier. Parmi eux, le Français Yves Coppens, paléoanthropologue, professeur émérite au Collège de France. C’est lui qui, en 1974, avait co-découvert le fossile Lucy, l’un des plus vieux ancêtres de l’espèce humaine, en Ethiopie.
Dans une interview accordée à Radio Vatican depuis le siège de l’Académie pontificale, le scientifique revient sur sa rencontre chaleureuse avec le pape François, un homme qu’il dit beaucoup estimer et admirer : « Il nous a parlé de la responsabilité, ce qui me convient tout à fait parce que la transformation de la matière est passée d’un aspect inerte à un aspect vivant puis à un aspect pensant. Et l’aspect pensant, c’est nous. C’est-à-dire que nous sommes à la fois libres mais en même temps responsables. C’est ce qu’il nous a fait comprendre. Désormais, notre destin est entre nos mains ».
Cet homme de science est également un homme de spiritualité, ce qui lui a valu sa nomination à l’Académie pontificale des sciences. C’est plus précisément sa faculté, en tant que paléontologue, à aborder froidement les questions de l’origine et de l’évolution de l’homme sans pour autant rejeter leur dimension spirituelle qui a séduit ses confrères.
Questionné sur la compatibilité de ses découvertes scientifiques avec l’enseignement de l’Eglise, Coppens assure qu’elles ne s’opposent « pas du tout » : « Je suis convaincu que l’homme, dès qu’il est homme, est religieux. C’est amusant de voir combien la nature se fiche de l’individu et veut absolument préserver l’espèce et combien, quand on arrive à l’homme, peut apparaître la noblesse de l’individu et tout le respect de la personne. Je crois que la force des sciences naturelles, c’est de voir à la fois cette discontinuité dans la continuité. »
L’académicien, lorsqu’il se tourne vers l’avenir, se veut relativement confiant. Mais s’il estime qu’il ne faut pas redouter la science, il n’en va pas toujours de même pour l’homme, en cela qu’il est par nature un « prédateur ». Une occasion pour lui de reproposer, à l'instar du pape François, le binôme indissociable de la liberté et de la responsabilité : « la science a toujours un aspect extravagant et un peu inquiétant. Il ne faut pas lui laisser libre cours, il ne faut surtout pas faire des commissions de sages avec seulement des scientifiques. Les scientifiques ont envie de réussir, donc ils sont capables de faire beaucoup de choses et beaucoup de bêtises », avertit-il. Et de conclure néanmoins que l’humanité n’a « rien fait contre la vie » et qu’il ne fallait pas dès lors « lui jeter la pierre, mais l’avoir à l’œil». « Je ne peux pas mieux dire ! »