En 1562, Thérèse fonde à Avila, non sans obstacles, le petit couvent de Saint-Joseph. Elle y restera jusqu’à l’été 1567. Cette première fondation jette les bases d’un retour à la règle primitive du carmel, à l’exemple du prophète Élie, où tout doit favoriser le recueillement. C’est le début des Carmélites déchaussées, comme le symbolise l’absence de chaussures.
Sur les routes d’Espagne
Thérèse écrira, sur l’ordre de ses conseillers spirituels, l’histoire de sa vie qui sera plus qu’une autobiographie. Le Livre de la vie sera achevé en 1564. La réformatrice témoigne des miséricordes du Seigneur dans sa vie. Comme ses filles n’ont pas accès à ce grand livre, elle en écrit un petit à leur intention, Le Chemin de la perfection, où elle définit la manière de prier et de vivre des carmélites. Le Christ est au centre de ce livre, c’est lui le maître de la prière qui prie avec nous le Notre Père.
La recluse sera tirée de sa retraite d’Avila pour s’engager dans l’action. Elle parcourra les mauvaises routes de Castille et d’Andalousie pendant vingt ans pour fonder dix-sept monastères. Un fort élan spirituel traverse l’Espagne de Charles Quint. Elle bénéficie de l’aide de plusieurs personnes qui cherchent Dieu dans l’oraison. La quête mystique de la Madre répond à l’aventure intérieure que plusieurs veulent vivre, dont un jeune carme, qu’elle rencontre à Salamanque en 1567 : Juan de Yepes y Alvarez, qui prendra le nom de Jean de la Croix. Thérèse lui confie la réforme de son ordre. Ces deux écrivains mystiques, nourris d’oraison et d’amour du Christ, s’uniront pour enflammer l’Espagne et le monde. Leurs écrits comptent parmi les chefs-d’œuvre de la spiritualité.
En prenant exemple sur ces réformateurs, et sur bien d’autres comme saint Benoît et Ignace de Loyola, le cardinal Ratzinger avait dit au journaliste Peter Seewald dans Le sel de la terre : « Ce dont nous avons réellement besoin, ce sont des gens qui sont intérieurement habités par le christianisme, le vivent comme un bonheur et un espoir et sont ainsi devenus des âmes aimantes. C’est cela que nous appelons des saints. Les vrais réformateurs de l’Église, grâce auxquels elle est redevenue plus simple et a ouvert ainsi de nouveaux accès à la foi, ont toujours été les saints. »
Le château intérieur
En 1571, Thérèse revient à son ancien carmel de l’Incarnation d’Avila, où elle est imposée comme prieure. Jean de la Croix la rejoint un an après pour y être le chapelain. Il enseigne aux religieuses les exigences de la vie mystique. Pendant six ans, Thérèse d’Avila et Jean de la Croix échangent leurs découvertes spirituelles. Elle écrit Les Fondations.
L’hostilité des carmes de l’Ancienne Observance grandit. En 1577, Jean de la Croix est enlevé et transféré dans un cachot à Tolède. Durant ce temps, Thérèse rédige son grand livre sur l’oraison, Le Château intérieur. C’est son joyau, écrit d’un jet, où Dieu a la première place au centre de l’âme aux sept demeures. Thérèse y parle de mariage spirituel.
Les persécutions cessent en 1579. La « pauvre petite vieille », comme elle le dit, repart édifier d’autres couvents. Elle écrit plusieurs lettres et des avis. Épuisée et malade, elle meurt le 4 octobre 1582 à Alba de Tormes. Elle peut enfin voir Dieu. Elle était passée du « je veux » à ce que « Dieu veut ». On a retrouvé ce billet dans son bréviaire :
Que rien ne te trouble,
Que rien ne t’effraie;
Tout passe.
Dieu ne change pas,
La patience obtient tout;
Celui qui a Dieu ne manque de rien.
Dieu seul suffit (Poésie 9).
Thérèse d’Avila est canonisée en 1622 par le pape Grégoire XV et déclarée première femme docteur de l’Église en 1970 par Paul VI. L’Église célèbre sa mémoire le 15 octobre.
Article publié sur lebloguede Jacques Gauthier.