Malheureusement, ni les États-Unis ni l’Union européenne n’ont voulu entendre le discours de Ratisbonne, ni la proposition de l’Église, encore moins les excellentes raisons avancées par des universitaires et des diplomates de différentes latitudes. Politiques et diplomates du monde occidental semblent habiter une autre planète. Quand les religions sont sur leur chemin, ce qui arrive tout le temps, ils perdent tout sens de la réalité, aveuglés qu’ils sont par leur arrogance. Les tentatives pour leur faire entendre raison sont interprétées comme une violation de leur laïcisme radical. C’est une honte.
L’Occident laïciste – politique, intellectuel et médiatique – a repoussé la proposition et, sans le vouloir, s’est rendu complice par omission du fondamentalisme qui a manipulé l’islam, jusqu’à créer une idéologie d’extermination. Leur incompréhension est telle qu’ils ont essayé de garder le silence devant le sacrifice des chrétiens et autres minorités au Moyen-Orient. Mais la réalité est têtue et s’est imposée à eux. Il est temps de comprendre que seules des actions multilatérales basées sur une stratégie qui fasse de la liberté religieuse et du dialogue interreligieux la pierre angulaire, pourront obtenir paix, justice et stabilité au Moyen-Orient. Devant l’évidence accablante, seront-ils disposés à comprendre la leçon enseignée par le vieux professeur ? La réponse dépend de l’ampleur de leur orgueil.
Aujourd’hui, force est de constater que Benoît XVI avait raison bien au-delà du discours de Ratisbonne. Dans les premières lignes de son livre Introduction au christianisme, il nous rappelle la parabole de Kierkegaard sur le clown et le village en flammes : un cirque campe à la périphérie d’un village et voilà qu’il est soudainement la proie des flammes. Le propriétaire envoie alors un clown, déjà déguisé pour le spectacle, donner l’alerte. Les villageois loin de l’écouter, rient en le voyant faire de vains efforts. Quand enfin ils réagissent, il est trop tard. Le village devient à son tour la proie des flammes. Au Moyen-Orient, la parabole est devenue réalité.
Toutefois, Benoît XVI était très loin d’appeler au découragement. Sa théologie et son magistère pontifical ont été un chant d’espérance d’une vive intelligence. Son appel est au réalisme dans l’espérance. La situation actuelle de celui qui évangélise dans la culture de l’indifférence n’est, en fait, guère nouvelle. En tant qu’Église, notre sort, nous ne le partageons pas avec le clown, mais avec tous les saints et les prophètes qui ont foulé la terre. C’est ce que dit Jérémie (20, 8-9) : « La parole de Yahvé a été pour moi source d’opprobre et de moquerie tout le jour. Je me disais « Je ne penserai plus à lui, je ne parlerai plus en son Nom ; mais c’était en mon cœur un feu dévorant, enfermé dans mes os. Je m’épuisais à le contenir, mais je n’ai pas pu ». Je suis convaincu que c’est le feu que Jésus a apporté au monde et qu’il voulait tant voir brûler. Le discours de Ratisbonne est devenu une évocation. Le royaume de Dieu est semblable à un grain de moutarde qui, lorsqu’on le sème en terre, grandit de jour comme de nuit, même si le laboureur ne s’en rend pas compte, jusqu’à porter des fruits abondants. Ainsi l’a dit Jésus.
Traduit de l’espagnol par Elisabeth de Lavigne