Lors du meeting de Rimini, le père Pierbattista Pizzaballa, Custode de Terre Sainte, a témoigné du conflit au Moyen-Orient.
Le père Pierbattista Pizzaballa est l’actuel Custode de Terre Sainte. Dimanche 24 août, lors de son intervention au Meeting de Rimini, ce témoin direct des évènements qui secouent le Moyen-Orient a proposé une vision éclairante sur le « pouvoir du cœur » dans ces pays en guerre, et la nécessité d’un projet qui évite le cycle sans fin du recours à la force.
« Nous avons besoin d’experts qui nous aident à comprendre les changements radicaux auxquels on assiste du point de vue politique, économique et social. Mais nous avons aussi besoin d’un regard haut, ample, libéré de toute crainte et de tout complexe ». C’est avec ce regard éclairé et éclairant que le père Pizzaballa a livré son analyse des conflits qui ravagent le Moyen-Orient et de la difficile quête d’une solution pour rétablir la paix.
Des changements radicaux dans la région du vivre-ensemble
Le Custode de Terre Sainte rappelle d’abord le contexte historique et social. Les dernières années ont été marquées par le « Printemps Arabe », un processus qui « a été d’une certaine façon « fait prisonnier » par des mouvements et partis religieux qui en ont déformé la nature, en la transformant en une véritable lutte de pouvoir entre les différentes composantes religieuses et sociales du Moyen-Orient, en particulier à travers la lutte entre chiites et sunnites ». Par ailleurs, « le rapport avec les minorités a été fortement perturbé par des formes de persécution et d’instrumentalisation de natures diverses ». Et finalement, souligne le père Pizzaballa, « On n’a jamais assisté à un « nettoyage religieux » tel que celui qui arrive aujourd’hui ».
Cette attitude haineuse et violente, qui peut, malheureusement, nous sembler habituelle dans cette région du monde, n’est pourtant pas inscrite dans la mentalité collective. Le custode explique que le Moyen-Orient est un lieu de vivre-ensemble, « plus que dans toute autre partie du monde ». Au Moyen-Orient, chacun, quelle que soit sa religion, « reste lui-même ». « Les appartenances religieuses sont aussi des appartenances sociales et culturelles. La foi n’est pas seulement une expérience personnelle, mais elle définit aussi une identité personnelle et sociale », poursuit-il. Cela signifie que « la religion entre dans tous les aspects de la vie quotidienne, publique et privée, et la pénètre en profondeur». Mais cette prévalence de l’appartenance religieuse n’établit pas de barrières, elle « définit une relation à l’autre ». Pour le père Pizzaballa, « cette forme de vivre-ensemble interreligieux forme donc le caractère constitutif du Moyen-Orient ».
L’usage de la force empêchera-t-il l’accès au pouvoir de mouvements islamistes intégristes ?
Il est donc clair que « le nettoyage religieux va à l’encontre de l’histoire et du caractère du Moyen-Orient. » Mais le père franciscain s’étonne de la réaction des responsables musulmans : « Le monde islamique a commencé à réagir, enfin, mais honnêtement, on doit dire que sa dénonciation nous a semblée assez timide».
Concernant le recours à la force, le père Pizzaballa demeure prudent. Il affirme que « Ce type de fanatisme doit être arrêté, si nécessaire, aussi avec la force, avec toutes les garanties nécessaires. L’usage de la force, cependant, sans une perspective de reconstruction sur tous les plans, ne résoudra rien ». En effet, « le vide crée par l’usage de la force engendrera un plus grand extrémisme » . En d’autres termes, « la force, sans une perspective de (re)construction sociale, économique, politique, ne mènera pas à une solution autre qu’un retour à l’usage de la force, comme une sorte de cercle vicieux ». Une analyse qui «vaut aussi pour le désormais vieux conflit israélo-palestinien ».