Intervenant auprès de l’ONU pour interdire l’usage des drones, Mgr Silvano Tomasi a fait part de la préoccupation du Vatican à l’égard de la prolifération des armes autonomes.
16/05/14
Selon Mgr Tomasi, représentant permanent du Saint-Siège auprès des Nations unies, à Genève, “on ne peut déléguer aux machines une décision concernant la vie et la mort d’êtres humains“. Cette déclarations’inscrit dans la tradition de l’Eglise catholique, dont les positions contre les armes qui aggravent les maux de la guerre sont connues de longue date.
Lors du Concile de Latran, en 1139, l’Eglise condamnait déjà l’usage des carreaux d’arbalètes et des rochers envoyés par balistes, parce qu’ils portaient si loin que les soldats ne pouvaient contrôler les conséquences de leurs actes. Malheureusement, à part en France et pendant un demi-siècle, les chrétiens ont peu respecté cette interdiction. La dérogation accordée pour les Croisades (on pouvait difficilement demander aux croisés de subir le tir des Sarazins sans répliquer), a achevé de la faire tomber en désuétude… On peut craindre qu’il en sera de même pour les drones, et pourtant l’espoir est permis ! L’exemple récent de l’interdiction des mines antipersonnelles dans la majorité des pays prouve bien qu’une action volontaire des institutions et des états peut finir par venir à bout des pires pratiques.
Dans le cas des drones, l’argument des croisés (on ne peut pas nous demander de subir sans répondre) ne tient pas. Les pays où les drones opèrent n’ont pas les moyens d’utiliser cette arme contre leurs agresseurs. On ne verra pas dans un avenir proche un drone afghan mitrailler un paysan de l’Arkansas ! Or ces drones posent des problèmes bien détaillés par le Conseil œcuménique des églises (lire ici).
D’abord, l’utilisation actuelle des drones par les Américains facilite les violations du droit international. Dans les Balkans, puis en Afghanistan, en Irak, au Yémen, en Somalie et plus récemment au Pakistan, ils violent les frontières des pays, créant de dangereux précédents dans les relations entre les états. Ensuite, l’utilisation de ces drones comme force de police pour contrer les menaces potentielles présente un risque accru de dommages collatéraux parmi les populations innocentes. Plus profondément, les drones posent problème pour la même raison que les arbalètes : ils sont en quelque sorte des armes de jets dont la longue portée sépare le soldat des conséquences de son acte.
À terme, ces drones font courir le risque de voir apparaître des « robots tueurs » ou « systèmes létaux autonomes ». L’apparition de telles machines achèverait d’éliminer le jugement humain dans la décision de tuer, d’où la grande vigilance de l’Eglise sur cette question.