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Jean Paul II : qui conteste sa canonisation et pourquoi ?

Blessed John Paul II with Fr Marcial Maciel – fr

CPP/Giancarlo Guliani

Jean Paul II salué par des élèves des Légionnaires du Christ sous les yeux du Père Marcial Maciel Degollado (1920-2008), fondateur de la Légion du Christ et supérieur général de la congrégation des Légionnaires du Christ.

Philippe Oswald - publié le 24/04/14 - mis à jour le 02/11/21

La proclamation de la sainteté de Karol Wojtyla est plébiscitée par l’immense majorité des catholiques dans le monde entier. Mais elle soulève des objections chez certains, des critiques acerbes chez d’autres, et un refus net des lefebvristes.

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La principale objection à la canonisation de Jean Paul II vient de son soutien au fondateur des Légionnaires du Christ, le P. Marcial Maciel (mort en 2008). Celui-ci menait une double vie dont la face occulte mêlait frasques sexuelles (il eut trois enfants avec deux femmes et entretint des rapports homosexuels avec des séminaristes), abus de pouvoir et malversations financières (notamment des captations d’héritages), comme l’a démontré l’enquête ordonnée par le successeur du pape polonais, Benoît XVI. C’est ce dernier qui, presque aussitôt élu, mit Marcial Maciel « sur la touche », en pénitence jusqu’à sa mort. Tandis que le pape Jean Paul II avait reçu en audience et béni Marcial Maciel le 30 novembre 2004, à une époque où les accusations contre le fondateur des Légionnaires du Christ avaient franchi le mur du silence au sein même du Vatican.

Même si le pape était alors en phase finale de la maladie qui devait l’emporter quelques mois plus tard, il est certain que Jean Paul II était favorablement impressionné par la congrégation des Légionnaires du Christ, en apparence si dynamique et florissante. Il admirait la fondation de Maciel, lequel n’avait pas son pareil pour faire sa publicité tout en feignant la piété la plus accomplie et la plus haute spiritualité (allant jusqu’à plagier des livres écrits par d’authentiques spirituels, tel le fondateur de l’Opus Dei, saint Josémaria Escriva de Balaguer). Prévenu contre les manipulations et les intoxications qui étaient monnaie courante dans son pays sous le régime communiste, le pape polonais se défiait des accusations portées contre un prélat dont « les œuvres » semblaient répondre en tous points aux critères de la nouvelle évangélisation : priorité au sacerdoce, piété, formation en profondeur des séminaristes, attachement à la beauté de la liturgie, sûreté doctrinale, investissement dans l’instruction des élites, surtout en Amérique Latine, sans oublier toutefois les pauvres auxquels étaient ouvertes certaines écoles de la Légion du Christ.
Ayant eu personnellement l’occasion de visiter certains de ces pensionnats au Mexique dans les années 90, je puis témoigner que les apparences étaient vraiment « bluffantes », les pensionnaires et les jeunes prêtres qui les encadraient dans un temps strictement partagé entre travail, prière et détente, montrant un enthousiasme et une joie de vivre plutôt rares de ce côté-ci de l’Atlantique, même dans les établissements catholiques.

Répondant à cette objection du soutien de Jean Paul II au Père Maciel, au cours d’une conférence de presse le 22 avril au Vatican, Mgr Slawomir Oder, postulateur de la cause en canonisation de Karol Wojtyla, a certifié que l’enquête approfondie qui avait été menée sur sa vie et son action n’avait montré « aucune implication personnelle de Jean-Paul II » (cf La Croix) dans les affaires de la Légion du Christ. Autrement dit, s’il y a eu faute par omission, le pape n’a pas été complice du fondateur de la L.C. ni « acheté » par lui (comme l’ont été des prélats du Vatican) ; et il aurait totalement partagé l’indignation de son ami et successeur Benoît XVI si on lui avait démontré la véracité des accusations portées contre Martial Maciel, sur lesquelles enquêtait déjà le préfet de la Congrégation de la foi, le cardinal Ratzinger. Mais l’enquête n’aboutira qu’en 2010, date à laquelle le pape Benoît XVI a pris les rênes de la Légion du Christ en ordonnant une vaste réforme de la congrégation et en nommant un délégué papal pour la superviser.

Cela n’a pas empêché Benoît XVI de lancer le processus de canonisation de son prédécesseur, sans attendre le délai normal de cinq ans après sa mort, tant la « vox populi » rejoignait sa propre conviction de la sainteté de Jean Paul II dont il avait été pendant près de vingt-cinq ans le principal collaborateur.

 Il existe d’autres exemples dans l’histoire de l’Eglise de saints et de papes qui ont été trompés par des personnes de leur entourage ou mystifiés par des affabulateurs, sans qu’ils aient été le moins du monde complices, mais au contraire victimes, de ces tromperies ou mystifications. Un des exemples les plus connus en France est celui de sainte Thérèse de Lisieux « menée en bateau », ainsi que le pape Léon XIII lui-même, par le libre-penseur anticlérical  Leo Taxil comme le rapporte Mgr Guy Gaucher : « Léo Taxil inventa l’histoire de Diana Vaughan. Cette jeune fille américaine se serait convertie après avoir appartenu à la franc-maçonnerie, où elle était l’enfant bien-aimée de Lucifer et la fiancée d’un démon. Thérèse y a cru de tout son cœur, elle a prié pour Diana ; elle lui a même écrit en lui envoyant sa propre photographie dans le rôle de Jeanne d’Arc. Tout cela jusqu’au jour où Taxil a révélé publiquement l’inexistence de Diana, au cours d’une conférence de presse donnée à Paris, où il a projeté la photo de Thérèse. Et Thérèse a su tout cela. Elle a été trompée, bafouée, et surtout blessée dans les dimensions les plus intérieures de sa foi et de son amour. Sainte Thérèse évoque cette épreuve dans le manuscrit C. » (Guy GAUCHER, Histoire d’une vie, Cerf, Paris 1982, p. 176-179 et 193-194, cité par Marie de Nazareth)

D’autres critiques soulevées par la prochaine canonisation de Jean Paul II concernent de façon générale sa gouvernance de l’Eglise, sa sévérité à l’égard de la théologie dite « de la libération » en Amérique Latine, et son peu d’attrait pour le suivi de l’administration vaticane : il était un pape « orbi » plutôt que « urbi » – tourné vers le monde qu’il visita inlassablement, plutôt que vers Rome.  L’entière confiance qu’il faisait à ses collaborateurs serait à l’origine des scandales qui commencèrent à éclater sous son pontificat, telles les affaires de mœurs touchant des prélats d’un rang aussi élevé que le cardinal autrichien Hans-Hermann Gröer, archevêque de Vienne, et des « Vatileaks »  dont hérita Benoît XVI, qu’il s’agisse de la gestion financière du Vatican, ou du « lobby homosexuel » évoqué par le pape François peu après son élection.

La longue maladie du pape polonais a certainement favorisé la désinformation dont il a été victime, et l’Eglise avec lui. Notons toutefois qu’il avait vigoureusement condamné la pédophilie dans le clergé dès 2002  lors de sa visite aux Etats-Unis qui fut le point de départ d’une sérieuse reprise en main des séminaires d’Outre-Atlantique.

On cite aussi les objections du cardinal Carlo Maria Martini (1927-2012), ancien archevêque de Milan. Le P. Federico Lombardi, directeur du Bureau de presse du Saint-Siège, a précisé lors de la conférence de presse du 22 avril que « ces réserves étaient liées au « débat » qui existe quant à « l’opportunité » de canoniser des papes. « Ce n’est pas juste et ce n’est pas vrai » de dire que le cardinal italien était opposé à sa canonisation, et il avait qualifié Jean-Paul II de « père spirituel de l’humanité », a souligné de son côté Mgr Oder. » (La Croix).

Mais les réprobations les plus déterminées viennent, sans surprise, des deux extrêmes, progressistes et intégristes : les premiers (par exemple le mouvement contestataire européen « Nous sommes l’Eglise » cf La Libre Belgique ) reprochant au pape Jean Paul II son « autoritarisme », c’est-à-dire en réalité son attachement à la primauté de Pierre, et sa fermeté doctrinale concernant la famille et la morale sexuelle, avec en leitmotiv le refus du préservatif ; les seconds ne lui pardonnant pas d’être un pape « conciliaire » comme tous ses prédécesseurs et successeurs. Avec en prime, s’agissant des lefebvristes, une « pilule » qui ne passe pas : le rendez-vous interreligieux d’Assise, sacrifiant selon eux au syncrétisme, bien que le Vatican ait expliqué avant et après l’événement qu’il ne s’agissait pas de prier ensemble comme si l’on avait la même religion, mais côte à côte, en hommes religieux et de bonne volonté.

Mais le supérieur de la Fraternité Saint-Pie X, Mgr Bernard Fellay, ne veut rien entendre :  «… comment serait-il possible de donner à toute l’Eglise en exemple de sainteté, d’une part, l’initiateur du concile Vatican II et, d’autre part, le pape d’Assise et des droits de l’homme ? (…) comment serait-il possible de garantir du sceau de la sainteté les enseignements d’un tel Concile, qui ont inspiré toute la démarche de Karol Wojtyla et dont les fruits néfastes sont l’indice non équivoque de l’autodestruction de l’Eglise ?», s’insurge-t-il dans une lettre, publiée en plusieurs langues sur le site de la Fraternité, quelques jours avant la  canonisation des papes Jean XXIII et Jean Paul II.

C’est faire un pas de plus dans le schisme puisqu’une canonisation engage l’infaillibilité pontificale (cf. Aleteia) : Mgr Fellay ne tourne pas « seulement » le dos au Concile Vatican II, à Jean XXIII, à Paul VI, à Jean Paul Ier et à Jean Paul II, mais à Benoît XVI (qui a lancé les canonisations des deux papes) et au pape François qui les célèbrera dimanche prochain. 

Ajoutons qu’en donnant l’un des siens, homme ou femme, prêtre, religieux ou laïc, en modèle de sainteté à toute l’Eglise, celle-ci n’a jamais considéré qu’il s’agissait d’êtres parfaits. « Le saint pèche sept fois par jour », dit un dicton bien catholique. Le seul parfait, le seul être véritablement saint, c’est Dieu. Tous les saints et les saintes sont donc dits tels par participation à la sainteté divine, en raison de leur accueil de la grâce, de leur écoute et de leur obéissance docile et même « héroïque » à l’Esprit Saint. Et ceci s’applique tout autant à une simple paysanne sans instruction, telle Bernadette Soubirous, qu’à la soixantaine de papes (sur 265) canonisés depuis saint Pierre (qui avait tout de même renié le Christ trois fois !).  

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Pape Jean Paul II
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