La proclamation de la sainteté de Karol Wojtyla est plébiscitée par l’immense majorité des catholiques dans le monde entier. Mais elle soulève des objections chez certains, des critiques acerbes chez d’autres, et un refus net des lefebvristes.
24/04/2014
(légende photo : Jean Paul II salué par des élèves des Légionnaires du Christ sous les yeux du Père Marcial Maciel Degollado (1920-2008), fondateur de la Légion du Christ et supérieur général de la congrégation des Légionnaires du Christ.).
La principale objection à la canonisation de Jean Paul II vient de son soutien au fondateur des Légionnaires du Christ, le P. Marcial Maciel (mort en 2008). Celui-ci menait une double vie dont la face occulte mêlait frasques sexuelles (il eut trois enfants avec deux femmes et entretint des rapports homosexuels avec des séminaristes), abus de pouvoir et malversations financières (notamment des captations d’héritages), comme l’a démontré l’enquête ordonnée par le successeur du pape polonais, Benoît XVI. C’est ce dernier qui, presque aussitôt élu, mit Marcial Maciel « sur la touche », en pénitence jusqu’à sa mort. Tandis que le pape Jean Paul II avait reçu en audience et béni Marcial Maciel le 30 novembre 2004, à une époque où les accusations contre le fondateur des Légionnaires du Christ avaient franchi le mur du silence au sein même du Vatican.
Même si le pape était alors en phase finale de la maladie qui devait l’emporter quelques mois plus tard, il est certain que Jean Paul II était favorablement impressionné par la congrégation des Légionnaires du Christ, en apparence si dynamique et florissante. Il admirait la fondation de Maciel, lequel n’avait pas son pareil pour faire sa publicité tout en feignant la piété la plus accomplie et la plus haute spiritualité (allant jusqu’à plagier des livres écrits par d’authentiques spirituels, tel le fondateur de l’Opus Dei, saint Josémaria Escriva de Balaguer). Prévenu contre les manipulations et les intoxications qui étaient monnaie courante dans son pays sous le régime communiste, le pape polonais se défiait des accusations portées contre un prélat dont « les œuvres » semblaient répondre en tous points aux critères de la nouvelle évangélisation : priorité au sacerdoce, piété, formation en profondeur des séminaristes, attachement à la beauté de la liturgie, sûreté doctrinale, investissement dans l’instruction des élites, surtout en Amérique Latine, sans oublier toutefois les pauvres auxquels étaient ouvertes certaines écoles de la Légion du Christ.
Ayant eu personnellement l’occasion de visiter certains de ces pensionnats au Mexique dans les années 90, je puis témoigner que les apparences étaient vraiment « bluffantes », les pensionnaires et les jeunes prêtres qui les encadraient dans un temps strictement partagé entre travail, prière et détente, montrant un enthousiasme et une joie de vivre plutôt rares de ce côté-ci de l’Atlantique, même dans les établissements catholiques.
Répondant à cette objection du soutien de Jean Paul II au Père Maciel, au cours d’une conférence de presse le 22 avril au Vatican, Mgr Slawomir Oder, postulateur de la cause en canonisation de Karol Wojtyla, a certifié que l’enquête approfondie qui avait été menée sur sa vie et son action n’avait montré « aucune implication personnelle de Jean-Paul II » (cf La Croix) dans les affaires de la Légion du Christ. Autrement dit, s’il y a eu faute par omission, le pape n’a pas été complice du fondateur de la L.C. ni « acheté » par lui (comme l’ont été des prélats du Vatican) ; et il aurait totalement partagé l’indignation de son ami et successeur Benoît XVI si on lui avait démontré la véracité des accusations portées contre Martial Maciel, sur lesquelles enquêtait déjà le préfet de la Congrégation de la foi, le cardinal Ratzinger. Mais l’enquête n’aboutira qu’en 2010, date à laquelle le pape Benoît XVI a pris les rênes de la Légion du Christ en ordonnant une vaste réforme de la congrégation et en nommant un délégué papal pour la superviser.