Selon l’archevêque de Rangoun, les projets de loi examinés en ce moment par le parlement sont la porte ouverte à une immixtion de l’Etat dans les affaires religieuses.
Tandis que se précise l’étude au Parlement de plusieurs projets de loi visant à « protéger la religion et la race » birmane, Mgr Charles Maung Bo, archevêque catholique de Rangoun, sort de sa réserve et met en garde contre toute velléité de l’Etat de s’ingérer dans le droit des personnes à choisir librement et individuellement leur appartenance religieuse.
Selon Mgr Maung Bo, la menace que font peser ces projets de loi sur la liberté religieuse est suffisamment grave pour justifier une intervention de sa part aujourd’hui. S’exprimant devant différentes agences catholiques d’information, telles Ucanews et Fides, il est revenu sur le contexte qui accompagne la présentation de ces projets de loi au Parlement.
Emmenés par la faction des moines bouddhistes extrémistes connue sous le nom de Mouvement 969, des nationalistes birmans ont chargé des juristes de rédiger quatre projets de loi concernant les mariages interreligieux, la conversion religieuse ou bien encore le contrôle de la croissance démographique.
Un des projets de loi les plus médiatisés est relatif aux dispositions civiles du mariage. S’il était adopté en l’état, une bouddhiste désireuse de contracter mariage avec un non-bouddhiste devrait au préalable obtenir l’accord tant de ses parents que des autorités de l’état-civil de son lieu de résidence. De plus, son futur mari se verrait dans l’obligation de se convertir au bouddhisme pour convoler en justes noces.
Pour Mgr Charles Bo, il y a là une immixtion de l’Etat dans le domaine religieux qui n’est pas souhaitable. « Le droit musulman pose qu’une personne désireuse de se marier avec un musulman devienne musulmane. Dans le cas d’un mariage avec une catholique, le droit de l’Eglise dit que cette personne doit s’engager à ce que les éventuels enfants du couple soient élevés dans la foi catholique. Il s’agit là de prescriptions religieuses. [Ce que porte le projet de loi à l’étude] est très différent dans la mesure où il s’agit d’une loi de l’Etat qui s’impose à un domaine qui appartient au religieux », a expliqué l’archevêque le 10 avril dernier dans son bureau situé derrière la cathédrale Sainte-Marie, à Rangoun.
Quant aux mesures visant à réglementer les conversions au bouddhisme, l’archevêque oppose là aussi un refus. « La conversion est un acte qui ressort de la liberté individuelle. Personne ne peut contraindre quelqu’un à embrasser une religion. Et d’ajouter à ce propos: “Le pape lui-même fait part d’un grand respect envers les athées. Je pense que nous devons respecter la conscience de chacun. Nous ne pouvons forcer quiconque à adhérer à une religion ou à quitter une religion – pas même les parents, l’Etat ou les moines »,.
Quant au projet de loi visant à limiter la croissance démographique de certaines catégories de population, les Rohingyas en réalité, qui sont déjà soumis à des règlements visant à limiter la taille de leurs foyers à deux enfants par famille, l’archevêque voit là des mesures qui mettront en danger les nouvelles libertés dont jouit depuis peu l’ensemble de la population du pays. « Si les restrictions se multiplient, ce n’est pas la démocratie », a-t-il mis en garde.
Au-delà des propositions de loi en cause, l’archevêque de Rangoun s’alarme du climat qui s’est instauré ces derniers temps dans le pays à la faveur des campagnes d’opinion des moines extrémistes du Mouvement 969. Il raconte ainsi avoir été frappé, lors d’une récente tournée effectuée par lui dans les environs de Rangoun, d’avoir entendu des sermons antimusulmans diffusés à longueur de journée par les haut-parleurs de pagodes bouddhiques.
« Ce discours de la haine s’est diffusé à tout le pays,