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Karol Wojtyla a écrit “Frère de notre Dieu” en 1949. Œuvre d’une grande profondeur, elle a réussi à “convertir les séminaristes”, acteurs pour l’occasion.
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Image tirée de l’affiche de la pièce “Frère de notre Dieu”, mise en scène par Stanislas Delcampe. La figure du Christ provient d’une oeuvre de George Desvallières.
09/04/2014
Adam est un artiste polonais, tourmenté et perdu entre son don pour la peinture et sa rencontre bouleversante avec les pauvres. Dans la pénombre, il est agenouillé sur un prie-Dieu et confesse à un prêtre ses doutes et ses colères. Ce dernier tente de trouver les mots justes. Les paroles du religieux retentissent alors à nos oreilles : « Fais confiance à l’amour. Il saura te former. (…) Laisse toi modeler par l’amour. »
Quel choix doit faire Adam ? Comment discerner sa vocation ? Peut-il abandonner le talent reçu de Dieu pour se consacrer entièrement à Lui et aux personnes dans le besoin ? Derrière les deux hommes, la toile de George Desvallières, Le Sacré-Cœur, trône sur un chevalet. Ce Christ écorché, au cœur débordant d’amour, prend part à l’intimité.
La salle de spectacle du séminaire français de Rome est comble. Des religieux bien sûr, mais de nombreux laïcs aussi. Étudiants, expatriés et même des Français de passage à Rome pour quelques jours sont venus ce dimanche soir assister à la dernière représentation de « Frère de notre Dieu », pièce écrite par Karol Wojtyla en 1949.
Une œuvre aux tonalités autobiographiques
À l’approche de la canonisation de Jean-Paul II, la pièce arrive à point nommé. « Frère de notre Dieu » est une œuvre peu connue mais qui marque par son niveau d’exigence et sa complexité. Écrite alors que son auteur n’avait que 30 ans, elle montre la finesse d’esprit et la maturité incroyable du jeune prêtre Karol Wojtyla. On y discerne aussi quelques éléments autobiographiques.
Adam, le personnage principal, renvoie ainsi à Adam Chmielowsky, devenu Saint Frère Albert, qui vécut en Pologne dans la seconde moitié du XIXème siècle et à qui Jean-Paul II vouait une grande admiration. Selon les mots du bienheureux Pape, Frère Albert a en effet été « un appui spirituel particulier et un exemple lorsque je me suis éloigné de la littérature et du théâtre, pour faire le choix radical de la vocation au sacerdoce. »
Hommage et communion
Si pour le Père Bataille, recteur du séminaire, cette représentation est un hommage au Pape polonais, c’est aussi un fort moment de communion. En écoutant l’équipe à l’initiative du projet, on comprend qu’il s’agissait là d’un des premiers objectifs. Au sein du séminaire français, une grande joie demeure. On observe que chacun a pu trouver sa place dans l’organisation de la pièce. L’abbé Alexandre, diacre pour le diocèse de Luçon, qui tient le rôle du révolutionnaire et de la tentation de la colère, raconte qu’« on a pu voir les dons et les charismes que le Seigneur fait à chacun (…) ça crée une osmose et un dynamisme extraordinaire. »
Une véritable réussite
Mais l’alchimie a dépassé les seuls séminaristes. La communion s’est étendue au public, où l’émotion était vive. Au-delà de toute espérance, le succès étonne les protagonistes. Certes, ces derniers mois ont été marqués par un long travail de préparation et de répétition mais, de l’avis de tous, il y a eu une grâce. Le Père Arnaud, récemment ordonné, en charge des costumes et des décors, souligne que « tout le monde a été surpris ». Assurément, Jean-Paul II les a portés.
Une telle réussite s’explique également par les thèmes abordés. « Frère de notre Dieu » est « un essai pour comprendre l’homme », à travers son intériorité. Le Père Yves, qui tient le rôle d’un Frère, remarque que « chacun est renvoyé à des choses très profondes en lui ». Pour les séminaristes-acteurs, certaines scènes ont été particulièrement marquantes. C’est le cas par exemple des moments de la pièce passés dans le foyer, avec les mendiants. Jouées avec justesse, ces scènes les renvoient à leurs questionnements ainsi qu’à leur mission sacerdotale.
À cet égard, Stanislas Delcampe, metteur en scène en même temps que séminariste, confie que « les séminaristes eux-mêmes se sont laissés convertir par la pièce ». Il poursuit en considérant que Karol Wojtyla n’a pas fait le choix de la facilité car l’œuvre ne cède pas « à la difficulté que représente le discernement. » On suit ainsi Adam dans son cheminement et ses doutes, jusqu’à ce qu’il fasse un acte de liberté totale, qu’il pose le « je » de son choix. Dès lors, tout le monde peut s’y retrouver.
La pastorale du théâtre
L’idée de jouer la pièce au séminaire français revient au recteur. Défi risqué qui s’est finalement révélé être une décision avisée. De nombreux spectateurs ont effectivement exprimé leur joie de venir voir jouer les séminaristes chez eux. Dans ce lieu dédié à Dieu, l’expérience se fait d’autant plus riche.
Aussi, si le théâtre peut être intéressant pour la formation des prêtres, grâce au travail fait sur la voix et à l’exercice de la prise de parole en public, il apparaît comme un « outil original » pour l’évangélisation. Pour le Père Yves, le théâtre propose des pistes possibles à mettre en place pour les futurs prêtres, lorsqu’ils seront dans leur paroisse.
Finalement, Stanislas, le metteur en scène, ajoute que le théâtre détient une grande force. « La mise en scène aide à faire passer des choses qui sont exprimées de manière assez compliquées et rend les choses simples. » Lui qui craignait que la difficulté du texte soit une barrière à la compréhension, il a gagné son pari. Ce soir-là dans la ville éternelle, le génie de Jean-Paul II a bien touché le cœur de tous.