Au top du classement des maisons vacantes, on retrouve l’Espagne, la France et l’Italie. Parmi ces logements, bon nombre se trouvent dans les zones touristiques.D'un côté, l'on a le nombre de logements vides et non utilisés en Europe, de l'autre celui des personnes sans-abri au sein du continent européen. Que se passe-t-il quand on les compare ? Force est de constater alors que le premier nombre est trois fois supérieur au second : 11 millions contre 4, pour être précis. Tel est le résultat d’une étude menée par le quotidien anglais The Guardian, qui dénonce une nouvelle fois le fossé creusé par l’injustice sociale et l’augmentation des disparités économiques provoquées par la crise actuelle.
Cette étude du Guardian met ainsi en évidence que la plupart des habitations vides se révèle être des résidences secondaires, utilisées comme maisons de vacances ou comme pied-à-terre dans les grandes capitales. Leurs propriétaires choisissent ainsi le classique « investissement dans la pierre » au lieu de conserver cet argent sur un compte en banque ou de l’exposer aux fluctuations des marchés financiers. Ce n’est donc pas un hasard si l’immobilier à Londres a vu son prix augmenter de 27% depuis 2007 et continue de monter de 10 à 12% par an en moyenne. "Le paradoxe est qu’en Europe, alors que l’on accuse le déficit des logements, il y a beaucoup de logements inutilisés qui pourraient accueillir le double – et même presque le triple – du nombre total des sans-abri", souligne cette enquête.
" Après avoir consumé sans retenue des hectares et des hectares de territoires pour faire de la place à une construction excessive, sans aucun respect pour la demande effective du marché, nous nous retrouvons aujourd’hui avec un patrimoine immobilier désuet, et, pire encore, abandonné et inutilisé ", dénonçait quant à lui le site Rinnovabili.it le 25 février dernier. Au top du classement du journal The Guardian, figure l’Espagne, où l’on dénombre plus de 3,4 millions de logements inutilisés, suivie de la France avec 2,4 millions, alors que l’Italie se place sur la troisième marche du podium, avec un patrimoine immobilier abandonné oscillant entre 2,7 et 2 millions. Suivent ensuite l’Allemagne, le Portugal et le Royaume-Uni, avec respectivement 1,8 million, 735 000 et 700 000 logements vides aujourd’hui. On compte également un nombre conséquent d’hébergements inutilisés en Grèce, en Irlande et au Portugal.
Ce n’est pas un hasard si bon nombre de ces logements vacants se trouvent dans des pays européens traditionnellement touristiques : l’Espagne, l’Italie, la France et la Grèce. La plupart de ces appartements, explique le quotidien londonien, sont situés dans d’importants complexes vacanciers, construits durant l’explosion immobilière, avant la crise financière de 2008. Ils ont été ensuite totalement abandonnés, comme « des villes fantômes d’où la population se serait enfuie, ou mieux encore dans ce cas, comme si les gens n’y étaient jamais entrés, parce que les constructeurs n’avaient pas réussi à les vendre ou parce que les acheteurs n’avaient pas pu les louer ou n’en avaient simplement pas voulu ».
Les activistes engagés dans les campagnes pour le logement considèrent ce phénomène comme « un gaspillage scandaleux », surtout lorsque l’on pense qu’il suffirait la moitié de ces logements pour résoudre le problème des sans-abri. Comme le révèle Redattore sociale.it (24 février), en s’appuyant sur l’étude du Guardian : « C’est un chiffre considérable. Les logements sont construits pour que les personnes puissent y vivre. Si l’on n’y vit pas, il y a alors une terrible erreur au sein du marché immobilier », commente ainsi David Ireland, administrateur délégué de l’association Empty Homes, qui promeut des campagnes pour rendre disponibles les habitations vacantes à ceux qui en ont besoin. Freek Spinnewijn, directeur de la Feantsa, une organisation qui rassemble plusieurs associations luttant pour les sans-abri à travers l’Europe, déclare également que « les gouvernements devraient faire tout leur possible pour remettre les logements vides sur le marché. Le problème des sans-abri empire dans toute l’Union européenne. Le meilleur moyen de le résoudre est de remettre les logements vacants sur le marché. »
Un progrès récent est tout de même à noter : le mois dernier, la Commission européenne, devant laquelle la question était abordée, a largement adopté une résolution afin de « développer sans attendre une stratégie européenne sur le problème des personnes sans domicile fixe ». Cependant, il apparaît difficile d’imaginer des lois qui obligeraient les propriétaires à mettre leurs logements à disposition des plus nécessiteux.
Au contraire, au Royaume-Uni et dans d’autres pays, les normes pour empêcher les « squatters » d’occuper les logements vides et trouver ainsi une certaine stabilité au moins temporairement, ont été récemment renforcées. Dernièrement, une étude du Guardian a révélé qu’à Londres, sur Bishop Avenue, une rue surnommée « la rue des milliardaires », la plupart des logements, tous très luxueux, s’avèrent être en fait inhabités depuis un quart de siècle. Certains sont même littéralement en train de tomber en ruine. Ils appartiennent généralement à des cheiks arabes et leur prix sur le marché, malgré leur vétusté, ne cesse d'augmenter (Repubblica.it, 24 février).
Traduit de l’édition italienne d'Aleteia par Mathilde Dehestru.