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L’interview du pape François : dynamite ou dynamique?

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Philippe Oswald - publié le 24/09/13
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Le Pape donne une longue interview que des commentateurs avertis considèrent comme « de la dynamite » (1). Mais l’intention est bien sûr de créer une dynamique.
Le passage sans doute le plus marquant de la longue et retentissante interview que le pape François a accordée au père jésuite Antonio Spadaro, concerne la situation actuelle de l’Eglise face à sa mission, l’évangélisation. C’est la désormais fameuse image de « l’hôpital de campagne » :

« Je vois avec clarté que la chose dont a le plus besoin l’Eglise aujourd’hui, c’est la capacité de soigner les blessures et de réchauffer le cœur des fidèles, la proximité, la convivialité. Je vois l’Eglise comme un hôpital de campagne après une bataille. Il est inutile de demander à un blessé grave s’il a du cholestérol ou si son taux de sucre est trop haut ! Nous devons soigner les blessures. Ensuite nous pourrons aborder le reste. Soigner les blessures, soigner les blessures… Il faut commencer par le bas
 (Cela me rappelle une des phrases favorites du père Finet : « L’amour est en descente »).

Ce passage me semble en effet donner la clé d’interprétation de cette interview exceptionnelle et de beaucoup d’autres interventions et « petites phrases » du Pape sur des sujets brûlants : avortement, homosexualité, divorcés-remariées, liturgie…et d’ailleurs aussi d’autres sujets d’allure plus anodine, tel que l’emploi du temps des évêques (« Ne soyez pas des évêques d’aéroport »).

On ne voit pas le médecin d’un tel hôpital fonctionnant dans l'urgence et le danger allumer des bâtons de dynamite mais plutôt se concentrer sur les blessés graves en invitant tout le personnel soignant à faire de même -sans se croire invulnérable pour autant. Certes, le pape François incite les chrétiens à être des « révolutionnaires » mais la révolution en question, loin d’une quelconque complaisance envers la violence ordinaire -physique ou/et psychologique-, est celle de l’Evangile, autrement dit de l’amour. Si un chrétien doit en effet se faire violence, c’est pour sortir de l’égoïsme qui l’entrave et se tourner vers Dieu et vers son prochain.

Comment agir chrétiennement, sinon avec un vrai sens du service et donc dans l’humilité ? Il est une façon péremptoire d’annoncer la foi qui est une recette infaillible pour faire fuir et détester le prédicateur. Le passage suivant de cette même interview mérite d’être longuement médité, tant il nous fouaille jusqu'aux entrailles, nous les chrétiens convaincus, qui pensons de bonne foi, si j’ose dire, « avoir la foi » (comme si c’était une chose sur laquelle on pouvait mettre la main) :

 « Bien sûr, dans ce chercher et trouver Dieu en toutes choses, il reste toujours une zone d’incertitude. Elle doit exister. Si quelqu’un dit qu’il a rencontré Dieu avec une totale certitude et qu’il n’y a aucune marge d’incertitude, c’est que quelque chose ne va pas. C’est pour moi une clé importante. Si quelqu’un a la réponse à toutes les questions, c’est la preuve que Dieu n’est pas avec lui, que c’est un faux prophète qui utilise la religion à son profit. Les grands guides du peuple de Dieu, comme Moïse, ont toujours laissé un espace au doute. Si l’on doit laisser de l’espace au Seigneur, et non à nos certitudes, c’est qu’il faut être humble. L’incertitude se rencontre dans tout vrai discernement qui est ouvert à la confirmation de la consolation spirituelle. (…) Le risque de chercher et trouver Dieu en toutes choses est donc la volonté de trop expliciter, de dire avec certitude humaine et arrogance : « Dieu est ici ». Nous trouverons seulement un dieu à notre mesure. L’attitude correcte est celle de Saint Augustin : chercher Dieu pour le trouver et le trouver pour le chercher toujours. » (2)
Chez un croyant, la conscience du manque d'intelligence et d'amour est dynamisme de la foi, comme la conscience de son ignorance aiguillonne la recherche du savant.

Il y aussi la tentation permanente d’ « idéologiser » l’Evangile et l’enseignement de l’Eglise pour les réduire à la morale du permis et du défendu ou pour faire de sujets en effet cruciaux, tels que l’avortement, l’euthanasie ou le mariage gay, des thèmes obsessionnels qui deviennent pour ainsi dire des goulots d’étranglement de l’évangélisation. Comme dit le Pape, « il n’est pas nécessaire d’en parler tout le temps » car « de cette manière, la foi devient une idéologie parmi d’autres ».

Ce n’est certainement pas une condamnation de ceux qui s’engagent en payant de leur personne pour que ces fléaux reculent et perdent leur soutien législatif (cf : « Un bon catholique doit se mêler de politique »), mais un sérieux avertissement pour que nous nous souvenions de quel esprit nous sommes, et que nous sachions reconnaître ce qui nous anime au cœur même de nos combats. Le Christ n’a-t-il pas vigoureusement « recadré » ses apôtres quand leur zèle se faisait belliqueux ? ( « Mais lui s'étant retourné, les réprimanda » Luc 9,55). Ne nous étonnons pas aujourd’hui d’être nous aussi recadrés par le pape François.

Il ne s’agit évidemment pas de demander aux uns et aux autres de refroidir leur zèle, ni d’ailleurs d’abandonner la nécessaire spécialisation qu’implique le créneau qu’ils occupent (comment, par exemple, prétendre agir sur le front de la bioéthique ou de l’écologie si l’on n’a pas travaillé le sujet ?) mais bien de se recentrer sur le Christ pour être vraiment ses disciples, ses serviteurs (« serviteurs inutiles »), bref de bons, humbles et dociles, donc efficaces, instruments.

1)  Jean-Pierre Denis sur Radio Notre-Dame ou encore Patrice de Plunkett sur son blog. En fait nous sommes d’accord : il s’agit de provoquer en chaque conscience une explosion intérieure…et de capter l’énergie.

2) Ce passage est notamment souligné par Koz dans son commentaire de l’interview du pape.

 
 

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