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Pourquoi les prêtres ne peuvent-ils pas se marier ?

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aleteia - publié le 16/09/13

Le célibat est intimement lié à l’essence même du sacerdoce conçu comme participation à la vie du Christ, à son identité, à sa mission.

Déjà dans l’Eglise des premiers siècles,le célibat était accueilli, dans le sillage des apôtres, non seulement comme une discipline, mais comme un don charismatique.

Aujourd’hui, tous les ministres ordonnés de l’Eglise catholique latine, à l’exception des diacres permanents, sont tenus d’être célibataires. Cette règle disciplinaire – et, par conséquent, susceptible de modifications visant à permettre l’ordination presbytérale des hommes mariés – s’est imposée à partir du Concile de Trente (1545-1563), mais a suivi un parcours historique de discernement dont les racines remontent aux premiers temps de l’Eglise. Aux premiers siècles, les ministres sacrés étaient souvent des hommes mariés, mais ils étaient astreints en même temps à la continence, une pratique qui remonte à la tradition apostolique et que les Pères justifiaient en s’appuyant sur la recommandation de Paul, pour lequel la continence favorise le don à Dieu dans la prière (1Cor 7,5).

Les apôtres, pour mieux se conformer à l’exemple de Jésus, ont choisi en effet de quitter femmes et enfants pour vivre de manière fraternelle et en célibataires, ou du moins en étant continents s’ils étaient déjà mariés comme Pierre. Le Christ, qui apparaissait déjà comme un « signe de contradiction » (Lc 2,34) aux yeux des juifs de l’époque, pour lesquels le célibat était un état humiliant (Gdc 11,37), choisit « de se faire eunuque » « pour le royaume des cieux » (Mt 19,12) afin de consacrer toutes ses forces à l’annonce du royaume de Dieu, libéré de tout lien familial. Et c’est ainsi qu’il vécut dans le célibat et la continence perpétuelle, sans procréer des enfants mais, à la différence des rabbins de l’époque, permettant aux femmes de le suivre et d’écouter sa parole et partageant avec elles une amitié authentique et profonde.

Faisant suite à cette conception de l’Eglise catholique, la prescription d’être mariés « à une seule femme » pour les candidats à l’épiscopat, au diaconat (1 Tm3,2; 1Tm 3,12) et au presbytérat (Tt 1,6), ainsi que l’explique le pape saint Sirice (384-399) dans les décrétales Directa (385) et Cum in unum (386,) nous fait comprendre que, en réalité, depuis l’époque de la rédaction des lettres pastorales, les évêques et les diacres étaient tenus à la continence absolue. Ainsi donc, tous les diacres, presbytes et  évêques, indépendamment du fait qu’ils soient mariés, veufs ou célibataires, devaient à dater du jour de leur ordination s’abstenir de toute forme d’activité sexuelle et ne devaient pas engendrer d’enfants.

A partir du IIIe siècle, des sources en provenance d’Orient et d’Occident fournissent des indications de plus en plus fréquentes sur l’existence d’une pratique d’abstinence des membres du clergé. A partir de là, on observe une tendance incontestable et générale vers le célibat du clergé. En Occident, le premier document législatif en date qui prévoit l’abstinence pour les ministres sacrés, sous peine d’être déposés, est le 33ème canon  du Concile d’Elvire, dans l’Espagne du Sud (v.306). L’affirmation du monachisme au IVe siècle favorise ensuite probablement un approfondissement théologique de la continence des membres du clergé.

Le Xe siècle est marqué par un déclin culturel et religieux, qui conduisit à l’abandon quasi général de la pratique du célibat parmi les membres du clergé. Par la suite, au XIe siècle, la réforme grégorienne encouragea la reprise de la discipline, sanctionnée ensuite par le premier Concile œcuménique de Latran en 1123, tandis que le second Concile de Latran, en 1139, décréta la nullité du mariage contracté après l’ordination. Enfin, le Concile de Trente confirma la possibilité du vœu de chasteté et définit la dignité plus grande de l’état virginal.

Les Eglises orientales en communion avec Rome continuent d’ordonner prêtres des hommes mariés, mais exigent le célibat pour l’épiscopat et pas seulement pour les moines, comme signe de sa plus grande valeur.

Aux premiers siècles, les Eglises d’Orient ont connu, exactement comme celles d’Occident, l’abstinence des membres du clergé, comme en témoignent dans certains écrits saint Epiphane, évêque de Salamine, saint Jérôme, un des plus grands Pères de l’Eglise d’Occident, et l’empereur Justinien lui-même.

Ce n’est qu’au Vème siècle que la ligne commune se brisera. Ce processus a débuté en Orient avec la séparation d’une grande partie des Eglises non grecques de l’Eglise de l’Empire romain et se prolongera  dans l’Eglise byzantine. Aujourd’hui, pratiquement toutes les Eglises orientales récusent tant la discipline d’abstinence que la discipline du célibat suivie en Occident. Il existe donc aujourd’hui dans les Eglises orientales des diacres et prêtres mariés qui mettent au monde des enfants également après l’ordination, même si subsistent des éléments liés au célibat : par exemple l’interdiction de se remarier, l’interdiction de se marier après l’ordination et surtout le choix des candidats à l’épiscopat parmi ceux qui vivent le célibat.

La ligne de séparation a été le Synode byzantin de Trulle, dit in-Trullo (691). En effet, à dater de ce jour a été autorisé en Orient le mariage des clercs mariés quand ils ne sont pas affectés au service de l’autel, mettant ainsi moins en évidence le caractère de la dimension sponsale du sacerdoce. En conséquence, on observe en Orient une baisse de la célébration quotidienne de l’eucharistie par des prêtres mariés, sinon ils auraient eu l’obligation de toujours s’abstenir de leurs devoirs conjugaux. Quasiment toutes les recherches  historiques qui ont été entreprises ont montré que le synode de Trulle a utilisé des textes manipulés ou mal traduits des synodes nord-africains de 390 et 401,  qui comportaient des déclarations en faveur de l’abstinence absolue des clercs, modifiant ainsi le sens du message en lui faisant dire le contraire.

En outre, il y a de bonnes raisons de penser que la pratique commune à l’Orient et à l’Occident, antérieure au synode de Trulle, admettait que  les clercs proviennent en grande partie de candidats mariés et d’âge avancé (presbytes = anciens) mais à condition que ceux-ci, d’accord avec leurs épouses, s’engagent à vivre dans une continence totale et perpétuelle. Déjà à cette époque, où il n’y avait pas encore de théorisation théologique du célibat sacerdotal, on était bien conscient que le prêtre devait être libre de tout autre lien totalisant pour pouvoir se donner tout entier à l’Eglise. C’est pourquoi comme première mesure, on demandait aux candidats mariés la continence parfaite et même la cohabitation des époux était interdite. Compte tenu de l’incongruité d’interdire les rapports conjugaux à des personnes légitimement mariées, l’évolution logique  sera que dans l’Eglise latine la tendance à rechercher des candidats célibataires va se développer de plus en plus.

La discipline introduite par le synode de  Trulle sera quand même acceptée par l’Eglise de Rome, même si le Siège apostolique a établi certaines restrictions pour les prêtres orientaux qui exercent leur ministère en Occident. En revanche, récemment, l’Eglise syro-malankare et l’Eglise syro-malabare ont librement réaffirmé l’exigence du célibat pour leurs prêtres.

Le célibat est un libre choix d’amour en réponse à une invitation de Dieu à suivre le Christ qui s’est donné, également dans la chair, comme « époux de l’Eglise ». 

Pour bien comprendre le célibat comme fondement de la vie des ministres de l’Eglise et non pas comme simple loi ecclésiastique, il faut aller à sa racine théologique que l’on peut retrouver dans la nouvelle identité conférée à celui qui est marqué de l’ordre sacré.

Une contribution déterminante pour la définition de la validité perpétuelle du célibat sacerdotal est offerte par le magistère des papes, condensée dans le Catéchisme de l’Eglise catholique  (n. 1579). Il saute aux yeux comment le magistère papal sur le célibat, antérieur au Concile Vatican II, insiste sur l’aspect sacré du célibat et sur le lien existant entre exercice du culte et virginité pour le Royaume des cieux ; tandis que le magistère suivant s’ouvre à des arguments plus christologiques et pastoraux. En particulier dans l’encyclique Sacra Virginitas, Pie XII (1954) affirme que « si les prêtres […] observent la chasteté parfaite, c’est en définitive parce que leur Maître Divin fut vierge jusqu’à la fin de sa vie ».

Jean XXIII dans l’encyclique Sacerdotii nostri primordia (1959) met l’accent sur le lien entre offrande eucharistique et le don quotidien de soi qui inclut également la chair et qui se vit dans le célibat. Il reconnaît ainsi que les hésitations par rapport à la fidélité et à la nécessité du célibat ecclésiastique proviennent d’une compréhension incorrecte de son rapport avec la célébration eucharistique.

Le Concile Vatican II, ne pouvant tenir compte des contributions des recherches historiques des dernières décennies, affirme dans le n.16 dudécret Presbyterorum Ordinis (1965) qu’entre le sacerdoce ministériel et le célibat n’existe pas un lien de stricte nécessité mais de « multiples convenances », fondant ce jugement sur la recommandation de Jésus-Christ de suivre son exemple dans  Mt 19,12 ainsi que sur les prérogatives de la virginité chrétienne indiquées par saint Paul (1Cor 7,25-40), qui favorise l’adhésion totale au Christ et témoigne de la foi en la vie future. La Lettre aux Ephésiens (5,21-33), pour décrire l’alliance entre le Christ et l’Eglise, utilise l’image du mariage, dans lequel l’« époux » Christ s’est donné à son « épouse » pour la rendre toute belle.

Le principal texte du magistère sur le célibat sacerdotal est toutefois l’encyclique de Paul VI, Sacerdotalis caelibatus (1967), dans laquelle le pape souligne la signification eschatologique du célibat et  reconnaît que « le don précieux et divin de la chasteté parfaite en vue du royaume des cieux constitue […] un signe particulier des biens célestes » et est présenté comme un signe particulier des biens célestes, « un témoignage de l’aspiration du Peuple de Dieu vers le but dernier de son pèlerinage terrestre, et une invitation pour tous à lever les yeux vers le ciel » (n. 34).

Jean-Paul II, dans l’Exortation apostolique Pastores dabo vobis (1992), saisit le don du célibat dans le lien qui unit Jésus et le prêtre. Pour la première fois il fait aussi mention de l’importance psychologique de ce lien, mais surtout indique  la vie « vie dans  l’esprit », et le « radicalisme évangélique » comme les deux axes incontournables du célibat.

En 2005, dans le premier message de son pontificat, à l’issue de la concélébration avec les cardinaux électeurs dans la Chapelle Sixtine, Benoît XVI a  confirmé quant à lui que « le sacerdoce ministériel est né dans le Cénacle avec l’Eucharistie ». Le même pape, dans son discours à l’occasion de l’audience à la Curie romaine pour la présentation des vœux de Noël en 2006,  affirme que le véritable fondement du célibat « ne peut être que théocentrique. Il ne peut signifier être privés d’amour, mais il doit signifier se laisser gagner par la passion pour Dieu, et apprendre ensuite, grâce à une présence plus intime à ses côtés, à servir également les hommes. Le célibat doit être un témoignage de Foi : la Foi en Dieu devient concrète dans cette forme de vie qui a un sens uniquement à partir de Dieu. Placer sa vie en Lui, en renonçant au mariage et à la famille signifie que j’accueille et que je fais l’expérience de Dieu comme réalité et que je peux donc l’apporter aux hommes ».

Malgré les débats nés au sein et hors de l’Eglise, le célibat sacerdotal a toujours été réaffirmé comme un trésor inestimable 

Au cours des siècles, les attaques contre le célibat ecclésiastique n’ont pas manqué, provenant surtout de milieux et mentalités totalement étrangers à la foi. Des tentatives venant d’une mentalité sécularisée, fille de l’Illuminisme et du modernisme, visant à cataloguer l’Eglise dans des catégories sociales, à faire du prêtre un simple assistant social, le privant de son investiture surnaturelle.

Mais au cours des dernières décennies, le débat sur la possibilité d’abolir la discipline du célibat pour les prêtres a été ravivé également au sein de l’Eglise. Sur la question se sont exprimées aussi deux assemblées générales du Synode des évêques, en 1971 et en 1990, confirmant le célibat comme étant un choix libre et responsable du prêtre au service du Christ et de son Eglise.

Le célibat est revenu avec force au cœur des discussions à la suite également des scandales sexuels touchant les mineurs qui ont concerné plusieurs Eglises nationales. Un vrai fléau, comme on peut le lire dans une Lettre circulaire rédigée par le Saint-Siège en 2011, adressée à toutes les Conférences épiscopales, qui pointe davantage une perte de la foi et une compréhension incorrecte du célibat. C’est pourquoi le document invite « à faire apprécier aux candidats la valeur de la chasteté et du célibat. De même, on leur fera prendre conscience des responsabilités liées à la paternité spirituelle du clerc, tout en les aidant à approfondir leur connaissance de la discipline de l’Église en ce domaine ».

Dans une contribution que l’on peut lire dans le volume « Les mouvements dans l’Eglise » (1999), le cardinal Joseph Ratzinger affirme que « l’Église ne peut simplement instituer elle-même des fonctionnaires », mais doit attendre l’appel de Dieu. On comprend mieux alors l’exhortation de Jésus à prier « le Maître de la moisson d’envoyer des ouvriers à sa moisson »  (Mt 9,38) et comment lui-même avait prié avant d’appeler les douze apôtres (Lc 6,12-16).

Voici donc, comme l’a souligné le cardinal Mauro Piacenza, préfet de la Congrégation pour le clergé, intervenant dans un colloque à Ars en 2011, que « nous devons envisager la Sequela Christi de façon radicale ! Et nous ne craignons pas la baisse du nombre des clercs. Le nombre diminue quand on fait baisser la température de la foi ; parce que les vocations sont une « affaire » divine et non humaine, elles suivent la logique divine qui est folie humaine ! Cela demande la foi ! ».

Dans le dialogue avec les prêtres, durant la grande Veillée de clôture de l’Année sacerdotale, le 10 juin 2010, Benoît XVI a souligné que « pour le monde agnostique, le monde où Dieu n’a rien à voir, le célibat est un grand scandale, parce qu’il montre précisément que Dieu est considéré et vécu comme une réalité ». « Un scandale qui a également un côté positif » –  a souligné le pape allemand dans le libre-entretien avec  Peter Seewald, intitulé « Lumière du monde » – et qui représente « une forme d’agression contre les idées naturelles de l’homme ; quelque chose qui n’est réalisable et crédible que s’il est don de Dieu et si je m’engage ainsi en faveur du Royaume de Dieu ».

Défendre la valeur du célibat sacerdotal signifie donc redécouvrir ce don, qui comporte en soi un devoir et un appel à aimer en surpassant la mesure humaine. Il signifie encore faire du célibat non pas une pratique d’ermite, non pas un renoncement négatif mais une affirmation joyeuse et confiante de l’homme qui se confie à Dieu.

Marc Vaillot "Le prêtre homme de feu home d’amour – 77 questions sur le prêtre"

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