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Guerre contre la Syrie ? « Abus de pouvoir » et « barbarie » pour le supérieur des jésuites

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Le père Adolfo Nicolas, supérieur général de la Compagnie de Jésus, sort de sa réserve habituelle pour critiquer haut et fort les États-Unis et la France.
« Je n’ai pas l’habitude de commenter les situations internationales ou les affaires politiques. Mais, dans le cas présent, nous sommes devant une situation humanitaire qui va au-delà des limites normales pouvant justifier le silence », déclare le supérieur général de la Compagnie de Jésus, particulièrement inquiet face aux nouveaux scénarios de guerre qui se profilent à l’horizon …
 
Dans un entretien paru sur le site de la Curie jésuite à Rome, le père Adolfo Nicolas, qui dirige la Compagnie depuis 2008, sort de sa discrétion habituelle, pour taper du poing sur la table et mettre en garde contre cet « éventuel recours à la force en Syrie » qu’il juge « inacceptable », expression d’un « abus de pouvoir » de la part des Etats-Unis, et « d’une marche arrière vers la barbarie » s’agissant de la France.
 
Il avoue d’emblée «  ne pas comprendre qui a donné l’autorisation aux Etats-Unis ou à la France d’agir contre un pays d’une manière qui, sans nul doute, ajoutera aux souffrances d’une population qui a déjà souffert plus que l’on ne peut l’imaginer », et appuie « à 100% » l’action du pape François pour que cette « action punitive annoncée n’ait pas lieu. »
 
Qu’elle n’ait pas lieu pour trois raisons essentielles et distinctes :
 

  1. Parce que tout abus de pouvoir doit être condamné et rejeté, et il ajoute à ce propos : « Les Etats-Unis d'Amérique doivent cesser d'agir et de réagir comme s'ils étaient le « grand frère » d'un quartier qui s'appellerait le monde. Une telle attitude conduit inévitablement à des abus, à des chocs violents et à des démonstrations de force devant les membres les plus faibles de la communauté. »
  2. Parce que si des armes chimiques ont été utilisées, il faut encore satisfaire à l'obligation de montrer au monde, de manière claire, que cet usage est le fait d'un côté du conflit, et non pas de l'autre. Et il commente à ce propos: « Il ne suffit pas qu'un membre du gouvernement du pays qui désire attaquer dise qu'il en a la conviction. Il faut démontrer au monde qu'il en est ainsi, sans laisser quelque doute que ce soit, afin que le monde puisse faire confiance à ce pays. ».
  3. Parce que l’expérience du passé montre qu’il est impossible de savoir si « les moyens considérés comme appropriés pour punir l'abus commis à l'origine (une fois que l'on a montré que tel est bien ce qui s'est passé) ne blessent pas à nouveau les mêmes personnes, déjà victimes. », conclut-il.

 
Au final, c’est la souffrance des citoyens ordinaires innocents et étrangers au conflit qui augmente : « Nous savons tous que le grand souci des sages et des fondateurs religieux de toutes les traditions et cultures est : ‘comment alléger la souffrance humaine ?’ Il est très préoccupant que, au nom de la justice, nous planifiions une attaque qui va augmenter la souffrance des victimes. (…) », souligne le père Nicolas.
 
Mais si les critiques du supérieur général des jésuites à l’encontre des Etats-Unis, pays pour lequel il dit  nourrir « admiration et estime » et « aucun préjugé », sont fortes , elles le sont aussi pour la France, « un pays qui a été un véritable guide pour l'esprit et l'intelligence, qui a contribué de grande manière à la civilisation et la culture, et qui est maintenant tenté de conduire l'humanité à faire marche arrière vers la barbarie, et cela en contradiction ouverte avec tout ce qu'il a représenté durant bien des générations », a-t-il commenté.
 
« Ce n'est pas le fait d'attaquer que nous craignons ; ce qui nous atterre, c'est la barbarie vers laquelle nous sommes conduits », poursuit le Père Nicolas.
 
Si le supérieur général des jésuites est sorti de sa réserve habituelle – il le redit à la fin de cette interview – c’est parce qu’il lui est très difficile « d'accepter qu'un pays qui se considère chrétien – ou en tout cas qui fait référence à ce nom – ne puisse envisager que l'action militaire lorsqu'il se trouve face à une situation de conflit, au risque de conduire le monde, à nouveau, vers la loi de la jungle. »

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