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Syrie: bombarder, mais pour la liberté de qui ? Les mystères de la guerre

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Tony Assaf - publié le 31/08/13

Le Recteur du Collège pontifical arménien évoque la situation actuelle, les prêtres et évêques enlevés en Syrie. Il lance un appel à l’Occident

Où en est la situation en Syrie?

Mons. Georges Noradounguian : Cela fait plus de deux ans que les manifestations pour la liberté ont commencé. Le gouvernement soutenait qu’il s’agissait d’un complot. On est alors passé à une autre phase, celle des réformes. Le gouvernement a répondu aux réformes positivement. Aujourd’hui on ne parle plus des réformes, et on ne trouve rien à redire non plus aux réformes qui ont été faites. On a parlé du régime qui doit tomber pour céder la place à un régime démocratique. Sur le terrain on voit les « démocrates » qui s’amusent à couper les têtes des opposants, à manger le cœur des soldats fidèles, à tirer sur les chauffeurs de camion qui ne connaissent pas les prières du matin et du soir. Ensuite on a dit que le président doit partir tandis que le régime peut rester.
Aujourd’hui on ne parle plus ni de liberté ni de démocratie ni de réformes ni du Régime ni du Président. On parle d’un coup visant les centres du pouvoir politique et militaire de la Syrie. Le président peut rester, le régime peut rester mais pas avec cette force. Il faut l’affaiblir.
Dans la foi chrétienne nous parlons des mystères de la foi. Ici nous pouvons parler des mystères de la guerre : on ne comprend jamais les ‘pourquoi’ ni les ‘comment’ de cette évolution de la guerre enSyrie. Une seule chose est sûre, c’est qu’on parle et qu’on propage beaucoup le concept de la liberté sans jamais dire pour la liberté de qui on combat et on bombarde et on massacre les innocents. Pour la liberté des morts ou pour la liberté des criminels? Mystères de la guerre.
A coup sûr on combat pour de multiples intérêts et les vies humaines ne font pas partie de ces intérêts. Les vies humaines sont un prétexte pour de si nombreux intérêts et sont la première chose à sacrifier pour ces intérêts. Je me risque à poser une question provocatrice: si les forces syriennes avaient attaqué l’Iran avec les armes chimiques, la réaction de la communauté internationale aurait-elle été la même qu’aujourd’hui?
A-t-on des nouvelles du père Kayyal et des évêques qui ont été enlevés ?

Sur le père  Kayyal et les évêques enlevés, moi aussi j’attends d’avoir du nouveau. Tant d’autres instances doivent nous informer, et nous rassurer, que cette guerre est pour la liberté et la démocratie. Mais bien qu’ayant tous les moyens et tous les contacts avec tous les combattants sur le terrain et tout l’intérêt qu’ils ont de nous dire quelque chose, ils n’ont trouvé aucune piste.

L'unique chose qu’ils réussissent à faire est de s’armer toujours plus. Le père Dall'Oglio également a disparu dans la zone contrôlée par ceux qui ont été acceptés et qui ont défendu devant toutes les instances démocratiques. Un autre mystère de la politique: les « démocrates »  ne réussissent même pas à défendre leurs héros.
L’Occident s’apprête, semble-t-il, à attaquer la Syrie,  comment se fait-il que l’Occident n’arrive pas à voir la réalité?

L'Occident comprend parfaitement. Il est sensible à des concepts comme la liberté, la démocratie, le  terrorisme, les dictateurs. Tout est louable. Mais le problème n’est pas toujours clair pour tous, il est qu’on abuse beaucoup politiquement de ces concepts sacrés, pour s’apercevoir beaucoup plus tard que le soutien apporté aux guerres pour la liberté et la démocratie était hors de propos et a atteint des objectifs opposés.

Du jour où la guerre a été déclarée contre le terrorisme, celui-ci s’est diffusé encore plus. Du jour où on a parlé du danger des extrémistes, ceux-ci se sont multipliés et répandus partout. Du jour où on a parlé des régimes dictatoriaux, totalitaires, on est passé des petits dictateurs à petite échelle avec des conséquences négatives limitées dans le temps et dans l’espace  à des dictateurs à grande échelle avec des conséquences catastrophiques.

Il y a un totalitarisme qui s’impose par la force sur ses propres citoyens et il y a des totalitarismes qui s’imposent par la force économique et militaire sur des pays et des populations entières en fomentant et finançant des guerres à l’infini, en délimitant des lignes rouges: l'utilisation d’armes chimiques ou de destruction massive. Ainsi une guerre qui dure depuis plus de deux ans et qui a fait 100.000 victimes ne créée de problèmes à personne et est licite.

Quel message à l’Occident sur la façon dont il devrait agir ?

Une parole à l'Occident: faire un sérieux examen de conscience; relire les guerres des 20 dernières années et en tirer la leçon. Les guerres ont-elles été cohérentes dans leurs objectifs et leurs résultats? L'Irak est-il libre et démocratique ? N’y a-t-il pas eu davantage de victimes? La guerre d’Irak n’est pas la seule à examiner. Je l’ai citée à titre d’exemple. Les victimes de la guerre en Irak après la chute du Régime sont-elles moins nombreuses qu’au temps du dictateur?

Je ne suis certes pas pro-dictateurs. Mais ma question est celle-ci: un million de victimes et la déstabilisation d’un pays sont-ils vraiment l’unique moyen et l’unique prix à payer pour se libérer d’un dictateur ? Une autre question à se poser pendant l’examen de conscience: y a-t-il d’abord le droit à la vie ou le droit à la liberté? Tant de guerres ont été perdues, avec tant de vies humaines au nom de la liberté…

Le monde occidental ne comprend pas parce que les chrétiens sont du côté du Régime, et donc ils voient les chrétiens sous un autre angle. Je ne sais pas ce que sera la situation des chrétiens une fois l’Opposition au pouvoir. Pourriez-vous nous donner une explication de la situation des chrétiens et pourquoi ils sont favorables au Régime?

Tout d’abord je tiens à préciser qu’il n’y a pas de vies qui ont plus de prix que d’autres. La vie de tous est chère au Créateur. Les chrétiens n’ont pas été confrontés à des choix meilleurs à faire mais sont confrontés à de dures réalités. Où ont fini les chrétiens de Turquie ? Les chrétiens d’Irak où sont-ils ? Les chrétiens d’Egypte où sont-ils ? Que vivent-ils? Les chrétiens de Syrie voient des guerres absurdes, mensongères, qui conduisent à la déstabilisation et à la destruction de leurs pays et les oblige à émigrer vers des destinations inconnues pour recommencer leur vie à zéro et quitter les Pays de toute leur histoire et leur culture et leur identité chrétienne et leur travail.

Tags:
Chrétiens en Syrie
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