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Le cardinal Koch évoque « la position délicate des catholiques quant à l’évangélisation des juifs »

Dialogue judéo-chrétien avec le Cardinal Koch

William ALIX/CIRIC

Dialogue judéo-chrétien avec le Cardinal Koch, résident du Conseil pontifical pour la promotion de l'unité des chrétiens.

Joël Sprung - publié le 14/05/13

La question théologique de l’attitude des chrétiens face à « l’élection des juifs » se pose à l’Eglise de façon nouvelle depuis le concile Vatican II

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Une récente dépêche, du 10 mai 2013, informe qu’à l’occasion d’un entretien pour l’Eglise en Détresse, le cardinal Koch, président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, a évoqué « la légitimité théologique du peuple d’Israël à vivre sur sa terre et la position délicate des catholiques quant à l’évangélisation des juifs» Cette question théologique est en effet des plus délicates, et en pleine évolution dans l’Eglise depuis le concile Vatican II.

Pour ce qui concerne les relations de l’Eglise Catholique avec le judaïsme, Vatican II, avec la déclaration Nostra Aetate, a été le départ d’une réforme de fond : « L’Église croit, en effet, que le Christ, notre paix, a réconcilié les Juifs et les Gentils par sa croix et en lui-même, des deux, a fait un seul. […] Selon le témoignage de l’Écriture Sainte, Jérusalem n’a pas reconnu le temps où elle fut visitée ; les Juifs, en grande partie, n’acceptèrent pas l’Évangile, et même nombreux furent ceux qui s’opposèrent à sa diffusion. Néanmoins, selon l’Apôtre, les Juifs restent encore, à cause de leurs pères, très chers à Dieu, dont les dons et l’appel sont sans repentance ».

C’est cette formule qu’appuya encore plus franchement le bienheureux Jean-Paul II en 1980, dans une allocution aux représentants des communautés juives d’Allemagne à Mayence, quand il évoqua « le peuple de Dieu de l’Ancienne Alliance, qui n’a jamais été révoquée » (voir aussi C.E.C. §121). Cette déclaration avait alors provoqué quelques remous parmi les théologiens chrétiens.

L’évolution des relations de l’Eglise Catholique avec le judaïsme comporte en effet de forts enjeux théologiques, en particulier pour sortir de plusieurs siècles de ce qui a été délicatement appelé antijudaïsme théologique, et qui s’exprime encore assez largement sous la notion de « théologie de la substitution ». Il s’agit de l’idée, née d’une interprétation des écrits de saint Paul, selon laquelle la nouvelle alliance se substitue à l’ancienne. D’ailleurs, les concepts même d’ancien et de nouveau testaments seraient enracinés dans cette théologie de la substitution.

Benoit XVI, dans la suite de son prédécesseur, n’a eu de cesses de souligner l’importance de l’amitié judéo-chrétienne et la nécessité d’une collaboration, d’un témoignage de fraternité, pour le bien de l’humanité. Comme lors de son discours du 17 janvier 2010 à la synagogue de Rome.

Mais concernant la question théologique, c’est dans son tome II sur Jésus, « Jésus de Nazareth – De l’entrée à Jérusalem à la Résurrection » (2011), qu’il aborde la délicate approche théologique. Dans un chapitre consacré au discours eschatologique de Jésus, il analyse la question de la destruction historique du Temple de Jérusalem, en 70 de notre ère, qui est justement au cœur de l’argumentation en faveur d’une théologie de la substitution. Comprise comme un événement historico-salvifique, comme l’accomplissement de la prophétie eschatologique de Jésus, la destruction du Temple peut être trop rapidement interprétée comme l’événement historique qui viendrait confirmer la caducité de l’élection d’Israël.

Or il n’en est rien : si déjà avant la destruction historique du Temple les premiers chrétiens semblent s’être détachés du culte du Temple, ils restent malgré tout attachés au symbole qu’il représente, et à sa réalité. On le voit, par exemple, dans la finale de saint Luc que nous avons pu lire pour la fête de l’Ascension, après la dernière apparition de Jésus aux apôtres : « Et ils étaient sans cesse dans le Temple à bénir Dieu » (Lc 24, 53).

Un peu plus loin, dans son ouvrage, Benoit XVI
évoque justement la question de l’évangélisation du peuple juif, à propos de ce que l’on appelle « le temps des païens ». De même que dans son entretien, le cardinal Koch rappelle que l’Eglise, en matière d’évangélisation, ne se donne pas de « mission à l’intention des juifs, à l’inverse de certains groupes évangéliques », Benoit XVI citant saint Bernard de Clairvaux, rappelle que concernant les juifs, « un temps précis a été déterminé pour eux, que l’on ne peut pas anticiper. Les païens doivent les précéder dans leur totalité ». Il fait alors sienne l’idée d’Hildegarde Brem, selon laquelle « dans la ligne de Romains 11, 25, l’Eglise ne doit pas se préoccuper de la conversion des juifs, parce qu’il faut attendre le moment préétabli par Dieu ».

Il ajoute enfin cette idée cruciale : « Bien plus, les juifs sont une prédication vivante à laquelle l’Eglise doit renvoyer, parce qu’ils réalisent la passion du Christ ». C’est de cette seule conception de la réalisation par l’actuelle Israël de la passion du Christ que la théologie catholique peut enfin sortir d’une théologie de la substitution.

Si en 2004, Mgr Francis Deniau, évêque de Nevers, disait que « Aujourd’hui, l’Église a répudié toute « théologie de la substitution » et reconnaît l’élection actuelle du peuple juif », cette audacieuse et salvifique entreprise spirituelle reste difficile et lente à faire connaitre. Toutefois, certains théologiens s’y consacrent désormais avec ardeur, comme c’est le cas par exemple du Père Pierre Lenhardt, qui publie en 2006 son ouvrage : « A l’écoute d’Israël, en église : Car de Sion sort la Torah et de Jérusalem la Parole de Dieu » (éd. Parole et Silence, 2006).

Les conséquences de cette nouvelle théologie qui nous conduit à considérer le peuple juif comme un témoin toujours vivant de la première alliance, à l’instar des chrétiens qui sont témoins vivants de la nouvelle (et qui reste malgré tout l’unique voie ultime de salut), a des répercutions pastorales qui ne sont pas évidentes à gérer. Comme l’indique le cardinal Koch dans son entretien pour l’AED, la légitimité de l’état d’Israël comme terre promise au peuple juif est plutôt difficile à accueillir pour les chrétiens de terre sainte, qui l’ont vécu comme une injustice, et plus particulièrement pour les palestiniens, comme une catastrophe.

La question est d’autant plus délicate qu’elle oblige à distinguer l’idée théologique de sa réalisation politique, et ne pas nécessairement acquiescer à la forme actuelle de l’état d’Israël et à sa politique, comme s’il s’agissait là de l’accomplissement idéal de la promesse biblique. C’est particulièrement vrai, souligne le cardinal Koch, pour ce qui concerne le respect des palestiniens, et le droit qu’on doit leur reconnaitre à avoir leur propre état.

Mais au-delà de ces difficultés pastorales et politiques, il y a un autre enjeu capital pour les chrétiens dans cette réforme théologique, qui est celle de l’annonce, et avant cela, de la réception de la Parole de Dieu. Longtemps les chrétiens se sont éloignés de la culture qui leur permet de comprendre la Torah et les Prophètes qui font pourtant partie de leur canon des Ecritures, et par là, se sont coupés de précieuses clefs de compréhension du message évangélique.

D’aucuns, parmi les quelques spécialistes des sources juives du christianisme, n’hésitent pas à parler alors de néomarcionisme, pour qualifier le rapport commun de la Bible, en référence à l’un des premiers grands hérésiarques, Marcion, qui avait fondé sa doctrine sur un corpus biblique duquel il avait évacué tout l’ancien testament, et toutes les références que pouvaient y faire les évangiles.

C’est pourquoi, afin de sortir de cette situation, la commission pour les relations religieuses avec le judaïsme, dans sa note pour une correcte présentation des juifs et du judaïsme dans la prédication et la catéchèse catholique, en 1985, évoquait la nécessité d’intégrer les juifs et le judaïsme de façon organique dans la catéchèse et la prédication catholique. De même la commission biblique pontificale dans sa note sur l’interprétation de la Bible dans l’Eglise en 1993, à propos du recours aux traditions juives d’interprétation des Ecritures, rappelle leur précieuse richesse, et l’importance du recours croissant aux targumim (1) et midrashim (2) des premiers siècles pour une meilleure compréhension de la Parole de Dieu.

  1. Targum, -im : traduction araméenne des Ecritures en usage à la synagogue depuis le retour de l’exil à Babylone – car l’hébreu n’est plus la langue courante et n’est plus connu de beaucoup de juifs. Ces traductions sont en fait des paraphrases des Ecritures, enrichie de nombreuses précisions ou ajouts, tels qu’ils étaient transmis oralement au sein du peuple juif depuis les temps anciens.
  2. Midrash, -im : commentaire rabbinique des Ecritures, le plus souvent sous la forme de paraboles ou de récit, resituant l’Ecriture en l’incarnant dans la vie d’un ou de plusieurs personnages, parfois des personnages des Ecritures (Abraham, Isaac, Jacob-Israël, Moïse, …), parfois des contemporains de la composition (des sages, par exemple, Rabbi Gamaliel, …). D’une certaine manière, les évangiles sont des exemples typiques de midrashim, mais appliqués à la vie de Jésus.
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