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« Union civile » : une alternative au « mariage homosexuel » ?

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Cédric Burgun - publié le 04/05/13
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Serait-ce préserver le mariage et la paix sociale que de proposer une union ou alliance civile en lieu et place du « mariage gay » ?L’union civile, ou alliance civile, est présentée par certains opposants au projet de loi Taubira ouvrant le mariage et l’adoption aux personnes de même sexe comme une alternative sérieuse et raisonnable. PaCS amélioré ou mariage édulcoré, la formule reviendrait à institutionnaliser une pratique privée, élevée ainsi au rang de norme sociale. Aux dépens du bien commun (Article publié en partenariat avec la Fondation de Service Politique,
et le blog « Petits billets d’humeur » du Père Cedric)
 
 
Beaucoup de questions restent ouvertes concernant le « mariage pour tous » et certains souhaitent trouver, légitimement, des solutions paisibles. Pourtant, il me semble que l’union civile ne peut en aucun cas être soutenue. Pourquoi ? Compréhension  individualiste de l’union ou du mariage d’un côté, et institutionnalisation de l’homosexualité de l’autre, sont, à mon sens, les deux erreurs de cette idée.

La question du droit naturel revient régulièrement comme opposition au projet de loi sur le « mariage pour tous ». Or il y a plusieurs manières de voir cette loi naturelle et de creuser les enjeux d’aujourd’hui. Si le droit naturel semble remis en cause, il nous semble opportun de considérer que c’est en sa vision moderne (celle de 1789) que les choses ont basculé ; ce n’est pourtant pas une raison pour proposer des choses invraisemblables. Et disons-le tout de go : l’union civile proposée par certains nous entraînera de la même manière que le mariage pour tous.

Droit naturel objectif et droit naturel individualiste

La Déclaration de 1789 entendait bien proclamer (était-ce du volontarisme ou de la prétention ?) des droits de tous les temps et de tous les pays qu’elle définissait elle-même comme « naturels ». Pourtant, nous nous apercevons aujourd’hui que derrière ce mot de « nature » se cachait en fait un autre sens : ce droit naturel appelé « moderne » (par opposition à la compréhension classique thomiste de l’Église) consacre en fait et uniquement le droit de l’individu. Contrairement au droit naturel classique compris comme un droit objectif et indépendamment de la volonté de l’homme et de sa culture (ce droit naturel s’origine dans le Créateur), ce droit naturel dans son acception révolutionnaire est subjectif : il réduit la loi naturelle à la loi positive où l’homme décide ce qui est bon pour lui.

Les thèses qui les sous-tendent sont que la raison et la culture, dans la pensée des « Lumières », sont autosuffisantes, en renvoyant la transcendance et la foi à la sphère du privé. Ce droit naturel perd alors sa dimension sociale objective pour ne trouver qu’une dimension individuelle subjective : la naturalité de la loi n’est qu’à rechercher dans son individualité et sa soi-disant
liberté : « Je dois pouvoir faire ce que je veux ; là est ma nature profonde. »

Hobbes se référait déjà à un état de nature qu’il définissait lui aussi comme le vouloir-vivre humain puisque selon lui, la véritable loi se trouvait uniquement dans l’existence, la volonté  et le pouvoir de l’homme ; où la volonté prend alors la place de la nature. Et Rousseau l’envisageait lui-même puisque, selon lui, il n’y a plus à proprement parler de « droits de l’homme » découlant d’une éventuelle loi naturelle, mais seulement des droits « du citoyen » : « Dans l’état civil, tous les droits sont fixés par la loi [1]. » 

C’est le passage d’un « droit naturel proprement dit » à un « droit naturel raisonné » [2]. Pour Rousseau, comme pour Hobbes, la nature n’est plus un ordre que la raison connaît, mais un instinct au cœur de la volonté. Ainsi, selon eux, la loi naturelle est la nature même comprise comme la liberté ; et même si le droit individuel doit rester soumis à l’ordre public, le volontarisme absolu du Contrat social engendre un volontarisme absolu dans la notion de loi : elle fait ce qu’elle veut.

Or, comme le disait très justement le cardinal Ratzinger : « Sans capacité morale, la liberté devient une caricature d’elle-même [3]. »

On pense aujourd’hui que si une chose peut être faite, elle doit être faite. S’il en est ainsi, la liberté est absolue et elle n’a plus de critères moraux, et si le pouvoir-faire devient un devoir-faire, on perd alors la dignité humaine. D’un droit naturel, qui dépasse et transcende l’homme, nous en arrivons à un droit individuel où l’homme, seul, décide de ce qui est bon pour lui : glissement individualiste par excellence. Et c’est dans cette mentalité que nous évoluons aujourd’hui : le législateur n’est plus d’abord compris comme le garant d’une nation et d’un bien commun, mais comme le garant de ces droits et devoirs individuels ; le garant de ma liberté individuelle. Mais plus profondément encore, liberté totale du législateur qui décide par lui-même ce qui est bon et bien.

Le mariage, acte du bien commun 

Or, le mariage, dans sa conception traditionnelle, pour ne pas dire judéo-chrétienne, n’est pas seulement un acte individuel, mais un acte du bien commun ! Et c’est là tout le divorce d’avec les mentalités actuelles.
En s’émancipant de ces liens sacrés habituellement compris dans le mariage (comprenez « lien religieux », mais aussi lien étatique par symbolisme), l’individu laissé alors à son seul sentiment se retrouve face à une réalité qui ne contiendra plus aucune protection juridique. La loi devient totalement fictive en s’abandonnant à l’unique sentiment dont je dépends : le mien, bien évidemment, et celui de l’autre ! La triste découverte se fait ainsi : le mariage réduit à un sentiment amoureux entre deux personnes s’affranchit en fait de toutes protections sociales, laissant aux hommes la seule possibilité de « réglementer » le mariage.

C’est bel et bien ce même individualisme qui fonde cela : d’un acte du bien commun, nous avons réduit le mariage à un contrat privé, à cette individualité de la liberté : je dois pouvoir faire ce que je veux.
Alors que le mariage (civil) se concevait comme base de la société qui le protège et le garde, et comme (pour le religieux) le lieu d’une révélation de ce que Dieu dit à l’homme sur son être et son essence, il se conçoit aujourd’hui uniquement comme un acte individualiste et personnel s’enracinant dans la compréhension révolutionnaire des droits de l’homme.
Le « mariage pour tous » ne sera qu’un acte de plus dans cette « individualisation » de l’homme et du mariage, coupé de la société et de son histoire. Il ne sera en rien une évolution dans l’histoire matrimoniale, mais un repli de l’enjeu sociétal des époux.

Détruire les repères sociaux naturels

Mais ce n’est pas le mariage que veulent certains lobbies gay et autres associations libertaires. C’est la destruction de la famille et des repères naturels de la société. Des chrétiens, des catholiques, voire même certains membres de l’institution ecclésiale, peuvent être tentés, par « esprit d’ouverture », par peur, ou par inconscience tout simplement (c’est-à-dire par une conscience non suffisamment éclairée), de vouloir nuancer les enjeux et proposer une union civile, un contrat, ou encore un PaCS amélioré.

La question n’est pas la reconnaissance de droits individuels aux personnes homosexuelles ! S’il faut bel et bien combattre toute forme de discrimination (mais dans une compréhension juste et réelle de la différence) et de violence (l’homophobie doit être condamnée, tout comme les violences homophobes de certains pays ou mentalités extrémistes), il ne faut pas pour autant ouvrir la boîte de Pandore qui ne ferait que renforcer cette mentalité individualiste et orgueilleuse de la loi : 
« Je dois pouvoir faire ce que je veux ; là est ma nature profonde. »

Certains défendent « une union civile de droit privé, qu’on peut appeler “alliance pour le glamour”, avec des droits patrimoniaux, fiscaux et sociaux égaux, qui serait bien plus légitime que l’absurde “mariage pour tous”, [en trouvant] tout à fait normal que le conjoint homosexuel ait droit à un congé d’accueil après la naissance de l’enfant. Il suffit d’une loi pour instaurer ces mesures d’égalité qui ont trait à la vie privée [4] ». Nous avons là un très bel exemple. Sans véritable colonne vertébrale anthropologique, tout homme animé d’une sincère charité tombera dans le panneau !

L’exemple récent de l’Autriche condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme en est flagrant. Cet arrêt a établi le principe suivant lequel l’adoption des enfants du partenaire de même sexe doit être possible lorsqu’elle l’est au sein des couples de sexe différents. Si nous en venons à prôner une union civile, même sans la terminologie de mariage, comment tiendra-t-on devant la Cour européenne qu’il n’y a pas discrimination ? Alors que l’absence de loi et de statut est légitime (le législateur a le droit, reconnu par la CEDH de ne pas vouloir statuer sur la question et ce n’est pas discriminant !), le moindre arsenal juridique posant une différence de traitement dans la loi sera vu comme discriminant et impliquera l’évolution de la loi même !

Tous les soutiens à cette fausse bonne idée de l’union civile (comme certains députés), sous couvert d’ouverture, ont simplement oublié une chose essentielle : le bien commun. Il ne s’agit nullement de répondre à des demandes individualistes : la question est savoir si nous voulons donner un statut à l’homosexualité. Et répondre par ces artifices sera de toute manière ouvrir une porte que l’on ne refermera plus.

Dans l’histoire, « l’homosexualité » n’existait pas en tant que telle, mais des personnes avaient des pratiques homosexuelles. Là est toute la différence. Aucune société ne l’a institutionnalisé en lui donnant un « statut » de culture, de mentalité, ou de lobbying. Qu’il y ait des comportements personnels, c’est une chose (et du reste, beaucoup de personnes homosexuelles ne demandent rien si ce n’est à avoir la paix !) ; mais voulons-nous institutionnaliser l’homosexualité comme norme pour une société, c’est-à-dire une norme considérée comme possible, proposée et encouragée socialement (toute norme répondant au bien commun répond à ces critères) ? Là est le véritable enjeu.

Or que ce soit le mariage, un PaCS amélioré, une union civile, ou je ne sais quoi d’autre encore, tout ceci participera d’une manière ou d’une autre à cette institutionnalisation. Oui, cette question est politiquement incorrecte, mais doit être posée !
À vouloir une société qui se sape elle-même en ne se réduisant qu’à la somme des intérêts privés, alors le mariage disparaîtra, tout simplement parce que le « mariage pour tous » ne sera qu’un pas de plus dans cette mentalité individualiste.

À partir du moment où la loi n’est plus là pour sauvegarder le fondement d’une institution sociale, mais uniquement garantir des droits individuels, le mariage – ou l’union civile – se réduira immanquablement à un contrat privé où je devrai pouvoir mettre ce que je veux. Cette union civile, et ses arguments trompeurs, n’en sont que le reflet le plus immédiat, croyons-le.

Or le nivellement se fait toujours par le bas : sur le chemin de la destruction du mariage, l’union civile ne sera qu’une étape. Mais, pour les chrétiens, le choix doit être clair : cela ne passera pas par nous.

*Le Père Cédric Burgun est prêtre du diocèse de Metz, membre de la Communauté de l’Emmanuel, enseignant-chercheur à la Faculté de Droit Canonique de l’Institut Catholique de Paris (ICP).
 
« Ils interdiront le mariage »
Saint Paul l’avait dit à Timothée :
« Dans les derniers temps, certains renieront la foi, s’attacheront à des esprits séducteurs et à des doctrines inspirées par les démons, égarés qu’ils seront par l’hypocrisie des menteurs marqués au fer rouge dans leur conscience : ils interdiront le mariage » (1 Tm 4, 1-3).
Il paraît peut-être imprudent de discerner les temps dans lesquels nous sommes entrés. Il paraît peut-être encore plus imprudent de proclamer cette parole de Paul : « Ces gens-là interdiront le mariage. » Et en même temps, n’est-ce pas réellement en ce temps que nous sommes plongés ?
* * *
[1] Rousseau, Contrat Social, II, 6.
[2] Cf. Rousseau, Manuscrit de Genève, II, 4.
[3] Joseph Ratzinger, L’Europe, ses fondements, aujourd’hui et demain, éd. Saint-Augustin, 2005, p. 92.
[4] Voir par exemple le site d’information « Causeur »

 

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