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La persécution des chrétiens cause 100 000 morts par an

REFUGEE,JESUS,PERSECUTION

© Mohammed ABED / AFP

Alvaro Real - publié le 15/04/13

Fernando de Haro, dans son livre Cristianos y leones, parle de trois niveaux de persécution

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« Cristianos y leones » est le titre d’un livre sur la persécution des chrétiens dans le monde, sorti cette semaine en Europe, aux éditions espagnoles Planeta.

Il s’agit du récit poignant et passionnant de la persécution des chrétiens, qui cause 100.000 morts par an.

Son auteur, Fernando de Haro, explique à Aleteia les raisons de cette persécution et analyse la situation des chrétiens au Moyen-Orient, en Afrique, en Chine, en Inde ou en Corée du Nord, où aujourd’hui « 40.000 chrétiens sont incarcérés dans des camps de travaux forcés, les « kwanlisos ».

Q –  Chaque année meurent cent mille chrétiens. Pourquoi?

Fernando de Haro : Les causes de cette persécution à grande échelle sont très diverses. Il est difficile d’en préciser une seule. Pour pouvoir répondre, il nous faut considérer la complexité du moment que vit la planète. Prenons le cas de l’Irak où, jusqu’au début de la seconde guerre du Golfe, vivait une des minorités chrétiennes les plus importantes du Proche-Orient. Elles vivaient en paix. Maintenant l’exode est massif et la présence chrétienne dans ces régions pourrait disparaître.

Les chrétiens sont persécutés parce qu’ils sont dérangeants, pour les chiites comme pour les sunnites qui luttent pour implanter un projet hégémonique.

Les chrétiens sont victimes du conflit entre l’Iran et l’Arabie saoudite. C’est le cas de nombreux pays à majorité islamique. Mais la persécution en Irak n’aurait pas l’ampleur qu’elle connaît, si l’Occident n’avait pas déclenché la guerre en 2003. A la lutte de pouvoir entre les deux courants les plus populaires d’un certain islamisme politique, il faut ajouter la maladresse des Etats-Unis, et en partie de l’Europe qui, au nom de valeurs abstraites, ont sacrifié une minorité qui était essentielle pour la paix.

Si on parle de l’Inde, pays en ce moment décisif pour l’avenir du monde, on ne peut manquer de faire référence au nationalisme hindouiste et à sa lutte contre l’Islam. Si on s’arrête sur la Chine, la grande puissance asiatique qui dispute le leadership aux Etats-Unis, on doit examiner le capitalisme d’Etat du régime communiste, qui ne peut tolérer certaines libertés.

Les phénomènes sont très variés. Mais ils ont deux caractéristiques communes. La persécution la plus violente a lieu généralement là où un processus de changement important est en cours: là où il y a choc de pouvoirs, ou lorsqu’un pouvoir veut imposer son projet. Et dans cette situation, les chrétiens, comme ils l’ont été au 1er siècle, sont généralement gênants. Parce qu’ils ne suivent pas la logique que le pouvoir veut imposer.

Ce qui est surprenant, et que j’ai voulu montrer dans ce livre, c’est que, dans des circonstances aussi difficiles, émerge le magnifique témoignage de vies qui ne veulent pas renoncer à la joie d’être chrétiens. J’aimerais que ces histoires captivent le lecteur, comme elles m’ont captivé.

Q – En Occident, on a parfois l’impression que les médias ne sont pas intéressés par les persécutions de chrétiens. On parle de manque de libertés, mais pas de la liberté religieuse. La liberté religieuse existe-telle dans le monde?

Répondre à cette question est difficile, car les situations sont d’une extrême diversité. De toute façon, je n’ai pas traité dans le livre de la liberté religieuse en général, mais de la liberté des chrétiens, de la liberté de l’Eglise et des églises. Et ce sont deux choses différentes. Cependant, je tiens à répondre à la question. La négation de la liberté religieuse est devenue la norme dans le sud de l’Asie, au Proche-Orient et en Afrique du Nord. Dans le classement des pays où il y a le moins de liberté religieuse, la Chine vient en tête.


Il y a un premier niveau de persécution: le niveau de ceux qui risquent leur vie. Qui ont à choisir entre rester fidèles à leur baptême, ou se voir privés de leurs droits civils fondamentaux, et même de la vie. Dans cette situation se trouvent d’importantes zones de la planète. C’est le cas de la Chine, de la Corée du Nord, de certaines parties de la péninsule  arabique, de plusieurs régions d’Afrique (Sahel, Niger, etc.) et de quelques pays du Proche-Orient.

Il y a un second niveau de restriction de la liberté de l’Eglise. Dans ce cas, la liberté s’entend comme un droit au respect de la vie privée ou intime. Et les dimensions sociale et publique que  comporte le fait d’être chrétien ne sont pas protégées. C’est le cas dans beaucoup de pays à majorité islamique, dans quelques régimes communistes qui perdurent encore et dans certaines régions d’Amérique latine. Le problème est que ce phénomène se répand en Europe avec, par exemple, l’interdiction d’exhiber des signes chrétiens. Et rappelons à ce propos le récent arrêt de la Cour européenne de Strasbourg qui interdit à une infirmière de porter une croix.

Enfin il y a un troisième niveau, qui est une restriction culturelle. Ce pouvoir dont parlait Pasolini: un pouvoir sur les consciences, qui prétend réduire le christianisme à des valeurs, à une éthique, à l’instar de ce qui prévaut en Occident.  L’Occident ne s’intéresse généralement pas  à la persécution des chrétiens parce que la question ne rentre pas dans les schémas idéologiques habituels: ce n’est pas un thème de droite ni de gauche. Il n’apporte pas de voix, ne procure pas de l’argent. Rien à voir avec le changement climatique ou avec le « genre », et il n’est pas non plus classable comme un produit du « choc de civilisations »  qui plaît ou plaisait tant à certains orateurs.

Q-  Vous montrez que dans de nombreux pays « les chrétiens sont au centre de l’Histoire ». Au Proche-Orient, par exemple, les chrétiens sont de moins en moins nombreux …

Le cas du Proche-Orient est terrible. Dans un article intitulé « Comment sauver les chrétiens d’Orient » paru dans Le Point, Bernard Henri-Levy, qui est agnostique, écrit à ce propos « Un crime irréparable a été commis lorsque le monde arabe s’est vidé de ses juifs et de leur mémoire. Qu’il se prive de ses chrétiens, qu’il fasse subir aux dernières communautés catholiques capables de prier dans la langue même du Christ ce qu’il a fait subir aux descendants des tribus d’Israël et ce sera, non seulement pour lui mais pour le monde, une nouvelle perte sèche, un nouvel effondrement spirituel et moral, un nouveau désastre de civilisation et de culture.»

 Quel est le désastre moral? Il y en a plusieurs. Tout d’abord, la disparition des chrétiens au Proche-Orient est une atteinte à la foi. Parce que le christianisme, comme nous l’ont indiqué les trois derniers papes, n’est ni une doctrine ni une morale, mais un évènement, qui a commencé à un moment donné de l’histoire et s’est perpétué jusqu’à aujourd’hui. Sans continuité  dans les lieux où la foi est apparue, celle-ci devait tout naturellement déboucher sur un système d’idées ou un système éthique. Ensuite il y a un désastre pour la coexistence: les minorités chrétiennes égyptiennes ou chaldéennes, sans parler de la libanaise, ont été déterminantes pour freiner la restriction des libertés.

En Europe, nous avons un problème pour comprendre ce phénomène. Parce que nous adoptons souvent un schéma néo-conservateur qui diabolise l’Islam. L’islam n’est pas le problème, le problème est  l’islamisme. Il y a un islam du peuple qui est réellement religieux. Il faut écouter davantage les églises orientales, et moins les prédicateurs du choc de civilisation. « 
Il y a une double erreur –expliquait René Guitton-. Etant donné qu’en Occident, le christianisme est majoritaire, il ne peut prétendre au statut de minorité en Orient… faire des chrétiens d’Orient des «protégés» de l’Occident pourrait les exposer à un risque encore plus grave. »

Q-  En Afrique, les persécutions sont le fait de  l’Islam radical. Nous le voyons, par exemple, avec l’évêque de Bangassou en République Centre-africaine, Mgr Juan José Aguirre. Savez-vous qu’il peut mourir à tout moment? Votre cœur n’est-il pas transpercé en enquêtant et en racontant ces histoires?

Oui. Ces pages sont remplies de noms d’hommes et de femmes qui sont victimes d’attentats, qui sont contraints de quitter leurs maisons, savent qu’ils vont mourir. Ils sont fidèles, pacifiques. Ils sont souvent pauvres, mais sont grands et vous font vous sentir grand, vous aussi. On peut s’étonner que, très rarement, ils aient répondu par la violence.

Que de fois, je l’avoue, le fait de me mêler à leur vie,  la recréer, m’a profondément bouleversé. Quand on écrit, on doit se recueillir, essayer de deviner ou d’imaginer ce qui se passe dans la tête de quelqu’un qui se trouve dans un camp de concentration, ou qui va mourir. Je n’ai pas honte de l’avouer, le raconter m’a arraché des larmes. Mais le pape François n’a-t-il pas dit que « les larmes sont une grâce » ?

Q-  En Amérique latine sévissent les sectes, les gangs, la guérilla ou les contrebandiers. Pourquoi donc un chrétien est-il aussi dérangeant ?

Le cas de l’Amérique latine est passionnant et très douloureux. Lors du tournage d’un documentaire sur Caracas, j’ai pu voir de première main ce qu’est la pression du chavisme. Je l’ai vécu de près aussi en Bolivie, où l’indigénisme exerce une pression intolérable.

L’Amérique latine est fille du catholicisme et d’autres traditions comme la tradition libérale. Ce qui n’empêche que le catholicisme, vigoureux comme en peu d’endroits de la planète, soit menacé. Il est menacé par un laïcisme propre au XIXe siècle, toujours très vivant, mais aussi par de nouveaux populismes. L’indigénisme idéologique, celui de salon, pas celui des indiens dans les jungles  du Pérou, veut réduire le christianisme, parce que le christianisme affirme que toutes les religions ne se valent pas. Le catholicisme, qui est toujours l’allié de la raison, affirme qu’une culture doit toujours être  soumise à des critères de jugement universels et que sa vocation est de s’ouvrir, du particulier au monde. Et ça, l’indigénisme ne le tolère pas, car il se situe avant les Lumières.

Les sectes sont un autre problème. Les sectes posent un défi intéressant au catholicisme. Le christianisme pour être authentique doit faire ses preuves, démontrer qu’il est utile pour vivre le présent. Si les gens ne voient pas une utilité existentielle dans le catholicisme, ils l’abandonnent. C’est logique. Il ne faut pas avoir peur de la liberté.

Q –  Quant à la Corée du Nord dont, hélas, on parle tant en ce moment, y a-t-il là des chrétiens? Comment vivent-ils?

La Corée du Nord est l’un des pays du monde où la persécution est la plus cruelle. L’information est incertaine. On estime à 40.000 le nombre de chrétiens qui sont incarcérés dans les camps de travaux forcés  (kwanlisos),  où meurt un prisonnier sur quatre ». Des maladies comme la pneumonie et la tuberculose sont très répandues, mais il n’y a pas de traitement médical pour les prisonniers. On les oblige à travailler même étant malades et, s’ils n’en sont pas capables, ils sont envoyés dans les sanatoriums pour attendre la mort. Tortures, viols et exécutions extra-judiciaires sont fréquents.

Les célébrations de messe ont lieu des dans des « lieux de culte familiaux ». La Corée du Nord n’est pas une plaisanterie, c’est une terre de terreur, où on a même détecté de nombreux cas de cannibalisme. Comme en Ukraine à l’époque stalinienne. 

Q – Une dernière question. Serez-vous persécuté pour avoir écrit ce livre ?

Je ne pense pas. Nous devons utiliser le mot « persécution » avec beaucoup de gravité.  Parfois on l’emploie un peu en l’air, pour masquer la difficulté que rencontre un certain christianisme à paraître au grand jour, dans une société plurielle,  en exprimant de façon compréhensible et amicale l’expérience d’où il est né.

Parfois en Espagne, nous utilisons le mot persécution de façon superficielle : pour ne pas admettre que nous n’avons pas su lutter pour la liberté des autres, que ce que nous disons est peut-être incompréhensible pour qui ne connaît rien de la foi. Ou, pire encore, parce que, au fond, nous rêvons d’un christianisme hégémonique et que nous voyons nos utopies et nos rêves frustrés. Nous avons beaucoup à apprendre de ceux qui sont réellement persécutés.

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