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L’Eglise est-elle riche ?

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Jacques Perrier - publié le 10/12/12
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Comment l’Eglise peut-elle prêcher la pauvreté évangélique et vivre dans le faste. Pourquoi ne donne-t-elle pas tout aux pauvres ?

Incontestablement, à certaines époques, l’Eglise a été riche. Elle inspirait confiance et recevait beaucoup de dons. Par déficit du pouvoir civil, elle eut à assumer des responsabilités temporelles. Elle acquit ainsi du pouvoir et des domaines. Elle leva des taxes. Les papes et les conciles luttèrent constamment contre la vente des charges ecclésiastiques : avec un succès mitigé.

Quand le pouvoir politique se renforce, il est évidemment tenté de mettre la main sur le trésor de l’Eglise. Déjà l’empereur Valérien, au 3ème siècle, fit torturer le diacre Laurent, avant de le mettre à mort, espérant qu’il lui livrerait les trésors de l’Eglise. Laurent se présenta devant lui avec une bande de pauvres : les voici, les trésors de l’Eglise. En France, Philippe-le-Bel fit le procès des Templiers pour s’emparer de leurs biens (1307).

En France, à quelque cent ans d’intervalle, l’Eglise a été dépouillée, deux fois, de ses biens : lors de la Révolution française et au moment de la Séparation de l’Eglise et de l’Etat (1905). De même, le pape a perdu les Etats pontificaux au 19ème : c’est alors que s’est généralisé le « Denier de Saint Pierre » pour le fonctionnement du Saint-Siège. En dédommagement, quand furent signés les accords du Latran, l’Etat italien a accordé au Saint-Siège une certaine somme qui a permis de rénover certains bâtiments, d’en construire d’autres, d’acheter des immeubles et de placer certains capitaux dont les revenus contribuent au financement ordinaire. Les gestionnaires ne furent pas toujours à la hauteur : le Vatican y a plus perdu que gagné.

Quand on parle de la richesse de l’Eglise, on pense instinctivement au Vatican. Le coût de fonctionnement du Vatican est deux fois inférieur à celui du Parlement français.

Ceux qui travaillent au Vatican savent que la réputation de richesse, que ce soit en personnel ou en argent, ne reflète nullement la réalité. L’effectif du personnel, y compris les représentants du pape à l’étranger et même les Musées du Vatican, ne dépasse pas 3 000 personnes. Le Parlement européen emploie plus de 5 000 fonctionnaires.

Le budget global du Saint-Siège, en 2010, a été de 245 millions d’euros, deux fois inférieur à celui du Parlement français, plus de trois fois inférieur à celui du Parlement européen ou d’un département d’un million d’habitants.

Parmi les grosses dépenses, figurent les moyens de communication, tels que Radio Vatican qui donne, chaque jour, des bulletins d’informations internationales et qui est une forme de présence de l’Eglise partout dans le monde, quels que soient les régimes politiques. Un autre poste de dépense important est le budget des voyages puisque, depuis le concile Vatican II, beaucoup d’évêques viennent à Rome fréquemment pour que la « curie » romaine ne soit pas seule à conseiller le pape.

Faut-il vendre Saint Pierre de Rome et les Musées du Vatican à quelque entrepreneur de spectacle ? Pour aller où ? A quel prix ?

Déménager le Vatican ne paraît pas très réaliste. La tombe de saint Pierre est là et le pape est le successeur de Pierre. La basilique Saint Pierre a été construite de manière que l’autel principal soit à la verticale de la tombe de Pierre.

Quant aux Musées du Vatican, ils attestent que l’Eglise catholique s’est toujours intéressée aux arts, y compris aux arts plastiques. Peut-on et faut-il représenter le Christ, la Vierge et les saints ? La question s’est posée en Orient, et même dramatiquement, entre partisans et adversaires (crise iconoclaste des 8ème-9ème siècles). La Réforme protestante a remis cette question en lumière. Aux deux époques, Rome a toujours soutenu la légitimité des images, qu’elles soient peintes ou sculptées. La présence d’œuvres profanes dans les collections a aussi valeur de signe : toutes les réalités humaines ont leur place dans une vision catholique. Ne cachons pas, par ailleurs, que les Musées (qui comportent la Chapelle Sixtine) contribuent au financement global du Vatican.

La situation de l’Eglise catholique est semblable à celle d’une famille qui hérite d’une maison ancienne de plusieurs siècles. Ce n’est peut-être pas celle qu’elle construirait aujourd’hui. Mais elle serait ingrate et inconsciente en bradant un patrimoine dont la valeur est inappréciable. Mieux vaut le Vatican, complètement anachronique pour le gouvernement d’une institution mondiale, qu’une tour de cent étages qui, dans cinquante ans, paraîtrait archaïque.

En France, les diocèses ont de la peine à boucler leur budget. Ils ne vivent que de la générosité des fidèles.

En France, l’accusation de richesse concerne rarement les paroisses et les diocèses. La condition de vie d’un prêtre est un peu meilleure – mais pas tellement – que celle d’un travailleur payé au Smig, alors que tous sont à un niveau d’études de Bac+6, et parfois bien plus. Concrètement, un prêtre aurait de la peine à entretenir une voiture s’il ne l’utilisait qu’à titre personnel.

Le financement des diocèses est plus difficile que celui des paroisses, car les diocèses n’ont pas de ressources propres. Pour financer les traitements et les charges sociales des prêtres et des laïcs, ainsi que les services diocésains (comme la communication), il faut recourir à l’impôt volontaire : c’est le « Denier de l’Eglise », autrefois « Denier du Culte ».  La plupart des diocèses ne bouclent leur budget qu’à l’aide des legs qui leur sont faits. Une campagne nationale été lancée pour encourager les personnes sans héritier direct à léguer tout ou partie de leurs avoirs aux associations diocésaines.

Le budget moyen d’un diocèse s’établit autour de 7 millions d’euros, y compris le traitement des prêtres et des salariés.

Pour la liturgie, il y a toujours eu débat entre les partisans de la sobriété (« Bienheureux les pauvres ») et les partisans de la splendeur (« Rien n’est trop beau pour Dieu »).

Dans l’accusation de faste, la critique s’appuie souvent sur les images de célébrations liturgiques. Le caractère précieux des ornements ou des objets apparaît d’autant plus qu’ils datent d’un autre temps. Les gens ne savent pas que s’il fallait les renouveler aujourd’hui dans un style moderne, ils coûteraient fort cher pour un résultat toujours discutable.

Sur ce sujet, une tension existe à l’intérieur de l’Eglise. Les uns s’appuient sur le comportement de Jésus qui a approuvé le geste de la femme qui répandit sur son corps un parfum de grand prix ; les mages lui ont offert, non seulement de l’encens et de la myrrhe, mais aussi de l’or ; son tombeau est celui d’un riche pharisien et les « saintes femmes » n’ont pas lésiné dans l’achat des aromates.

Les partisans de la pauvreté, quant à eux, citent la phrase de Jésus : « J’ai eu faim et vous m’avez donné à manger ; j’étais nu et vous m’avez vêtu. » « Pour vous, Notre Seigneur Jésus Christ s’est fait pauvre, de riche qu’il était, afin de vous enrichir par sa pauvreté. »

A Constantinople, au 5ème siècle, le patriarche Jean Chrysostome reprochait déjà aux riches leurs dons ostentatoires : « Quel avantage y a-t-il à ce que la table du Christ soit chargée de vases d’or, tandis que lui-même meurt de faim ? A quoi bon revêtir la table du Christ de voiles d’or si tu ne lui donnes pas la couverture qui lui est nécessaire ? »

Saint Bernard reprochera aux Bénédictins, devenus très puissants et donc très riches, la somptuosité de leurs églises. « O vanité des vanités, mais plus insensée encore que vaine : l’église resplendit sur ses murailles et elle manque de tout dans ses pauvres. » Il eut la chance, pour ses églises abbatiales,  de trouver un style architectural, sobre, mais lui-même très beau.

Après le concile Vatican II, l’Eglise a fait une cure de dépouillement. Elle est volontiers accusée aujourd’hui d’avoir péché par misérabilisme dans son architecture, son mobilier liturgique, ses objets et ses ornements.

Peut-être faut-il invoquer les constructeurs de Notre-Dame de Paris qui répartissaient les dons, à parité, entre la construction de la cathédrale et celle de l’Hôtel-Dieu. Ou encore le saint curé d’Ars, pauvre pour lui-même, généreux pour les autres et presque prodigue pour orner son église.

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