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Thérèse Hargot : “la sainteté, ce n’est pas autre chose qu’un cœur ouvert à l’amour”

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Emma Rodrigues

Morgane Afif - publié le 26/04/24

Aleteia a rencontré Thérèse Hargot, sexologue et thérapeute de couple, pour brosser le portrait intime de la mère et de la femme qu'elle est devenue. Elle se livre dans un entretien touchant et authentique.

Du haut du 16e étage de son immeuble parisien, Thérèse Hargot contemple l’horizon. Au loin, on aperçoit le Sacré-Cœur qui surplombe Paris, sa ville d’adoption. Thérèse est une “déracinée”. Cette belle femme de 39 ans a ouvert à Aleteia les portes de son appartement, au cœur du frémissant 14e arrondissement. Thérèse a la voix haute, assurée et le regard droit mais la question la déstabilise : “Qui est Thérèse Hargot ?”. Elle hésite, se reprend et lance finalement : “une femme en quête de liberté… Quelque chose comme ça”. 

Aleteia : Racontez-nous votre enfance, dans quelle famille avez-vous grandi ?
Thérèse Hargot : Je suis née de parents belges catholiques, très pratiquants. Je suis la quatrième d’une famille de huit enfants, quatre filles et quatre garçons, qui compte aujourd’hui une vingtaine de neveux et nièces. Mes parents venaient d’un milieu très bourgeois qu’ils ont quitté pour aller s’installer volontairement dans une cité HLM, dans un quartier défavorisé de Bruxelles. Là, ils ont accueilli, dès avant la naissance de mon frère aîné et tout au long de mon enfance, des femmes enceintes en situation de détresse, des sans-abris, des hommes et des femmes en situation de dépression ou encore des enfants placés. Vu de l’extérieur, c’est très beau et charitable, mais je l’ai mal vécu. J’avais l’impression que mes parents étaient donnés à tous… sauf à nous.

Vous venez donc d’une famille catholique et pratiquante ?
Oui, et j’ai été marquée par le choix de vie radical de mes parents, en bien, comme en mal. Si j’en parle, c’est qu’on ne peut comprendre mon engagement aujourd’hui que si l’on peut comprendre mon enfance. Dans ma famille, la religion a toujours occupé une place centrale : nous vivions comme dans un petit monastère, avec la prière des laudes le matin et des complies le soir. Je portais une croix en bois au-dessus de mon pull. On n’écoutait pas la musique des jeunes de notre époque, ni les séries télé ou les films de notre génération. J’avais l’impression d’être coupée du monde. À 17 ans, j’ai quitté ma famille et je ne suis plus revenue.

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Vous êtes belge et vous vivez en France, de Bruxelles à Paris, comment vous sentez-vous ici ?
Je suis complètement belge ! C’est d’ailleurs pour ça que les Français ont du mal à me cerner, précisément parce que je ne suis pas française. Ca peut paraître bête mais par exemple, je ne vote pas en France et je ne sais même pas pour qui je voterais. Je n’ai pas les mêmes références culturelles et je me sens souvent dans un profond décalage. Je suis une étrangère ici et, si j’ai pris votre accent parce que j’en avais marre des petites réflexions, ma nationalité est indissociable de mon identité. Ce déracinement donne lieu à une grande liberté, déjà, mais aussi à une forme de douleur : il y a eu beaucoup de ruptures dans ma vie, de lieux et de relations et c’est vrai que j’ai du mal à me sentir ancrée quelque part. C’est un peu la même chose avec la foi : si je viens de la communauté catholique, puisque j’ai perdu la foi, je n’en fait plus tout à fait partie. J’ai l’impression d’être dans l’entre-deux et, à la fois, de n’être de nulle part.

Vous dites avoir perdu la foi, mais on voit dans votre salon une petite Vierge à l’Enfant. Quelle est la place de la religion dans votre vie aujourd’hui ?
J’ai perdu la foi à 15 ans en un coup et ce fut d’une grande violence. J’en ai 39 aujourd’hui et, depuis, elle n’est jamais revenue. Je me souviens très bien de ce jour-là : j’ai perdu les lunettes de la foi qui permettent de voir et de comprendre le monde à la lumière de Dieu. Je l’ai vécu comme une véritable crise existentielle immensément angoissante. Pendant longtemps, j’ai prié espéré tout en continuant de pratiquer la religion reçue de mes parents. Quand je me suis mariée, à 19 ans, j’étais persuadée que ma foi allait revenir. Ce ne fut pas le cas et la déception a été immense.

Vous dites que perdre la foi a été une source d’angoisses. Pendant longtemps, vous avez voulu la retrouver, sans la rejeter ?
J’ai cherché et attendu pendant de longues années, mais rien n’est venu et j’ai fini par lâcher. C’était très douloureux. Je suis en revanche restée proche des Écritures qui sont une véritable nourriture pour l’humanité, croyants ou non. Aujourd’hui, je peux dire que je suis athée, même si je considère que c’est très dur de ne pas croire. Je suis restée pendant longtemps, en revanche, très attachée à l’Église et à la communauté catholique. Je leur suis restée loyale, mais j’ai été immensément blessée par les catholiques qui ont été très durs avec moi au moment de mon divorce. C’est aussi la cruauté de certains, qui ont colporté des médisances et des rumeurs à mon sujet qui m’a éloignée de Dieu et de l’Église. Je me suis sentie jugée alors que personne ne savait rien de ma vie.

Justement, vous êtes thérapeute de couple, sexologue et si votre métier est d’aider les couples, vous avez vous-même vécu une séparation et un divorce.
Mon mariage a été le fruit d’un mauvais discernement. J’ai reconnu cette erreur sans remettre en cause le mariage en tant que tel et ma démarche était une démarche de vérité. Au moment de mon divorce, des médias chrétiens ont reçu des lettres de délation pour ne plus m’inviter, des prêtres imposaient de ne plus m’inviter à parler dans les écoles ou dans les associations chrétiennes, j’ai été rejeté par des membres de ma famille et des amis qui se disaient catholiques… comme si j’étais le diable ! Pourtant, la nullité de mon mariage a été reconnue par l’Église sur la base de faits objectifs et à la suite d’une enquête sérieuse. La réaction des catholique a été très douloureuse et mes trois enfants en ont aussi beaucoup souffert. Les mots font du mal et laissent des traces alors même que cette attitude va précisément à l’encontre de l’Évangile. 

C’est donc votre métier de thérapeute qui a donné lieu à tous ces ragots et à ces médisances ?
Je fais souvent ce parallèle : on peut être le meilleur oncologue de France et se découvrir un jour une tumeur. Si le médecin connaît le protocole pour se soigner, il ne peut pas être son propre médecin. C’est la même chose pour un thérapeute de couple. Après mon divorce, je me suis mariée avec un autre homme mais à nouveau, j’ai fait face à la séparation. Thérapeute ou non, un couple se sauve à deux. Encore une fois, les commérages et les spéculations qui ont suivi n’ont fait qu’ajouter de la souffrance à la souffrance. Tout le paradoxe de ma vie, c’est que j’ai fait des choix en amour, par deux fois, qui ont été mal discernés à cause de blessures venues de mon enfance qu’aujourd’hui je pense avoir enfin guéries. J’aimerais cependant dire à tous ceux qui ont été ébranlés par ces événements douloureux que je fais la part des choses entre mes épreuves personnelles, mon histoire, mes blessures et les idées que je partage publiquement et auxquelles je crois profondément.

Et aujourd’hui, croyez-vous encore en l’amour ?
Si la maternité m’a rendue très puissante, mes mariages m’ont rendue très fragile, c’est vrai. Aujourd’hui, je me considère en convalescence pour guérir de ces relations qui m’ont abîmée. Je continue de croire à l’amour pour les autres : je vois tous les jours que les gens peuvent s’aimer. Au contraire, ces épreuves m’ont appris l’humilité et la compassion, car j’ai souffert comme et avec ceux qui souffrent. Je crois, en revanche, que le mariage n’est pas un objectif en soi, mais un chemin parmi d’autres vers un seul but, celui d’aimer et de se laisser aimer, et que vous nommez sainteté. Ce qui compte, c’est le but, quel que soit le chemin. La sainteté, d’ailleurs, ce n’est pas autre chose selon moi qu’un cœur ouvert à l’amour.

Tags:
CoupleFamilleMaternitéSexualité
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