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Alexis Falconieri, le marchand qui se fit mendiant

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Alexis Falconieri devant la Vierge Marie.

Anne Bernet - publié le 16/02/24

Négociant florentin promis au plus bel avenir, le bienheureux Alexis Falconieri a tout lâché, famille et affaires, pour fonder avec ses sept amis, unis "comme un seul homme", l’ordre mendiant des servites de Marie. Il mourut le dernier d’entre eux, à l’âge de 110 ans. L’Église le fête le 17 février.

Il y a deux peuples à Florence au XIIIe siècle : le popolo grasso, le peuple gras qui porte bien son nom, celui des élites politiques, financières et commerçantes qui tendent à se confondre, et le minuto, le menu peuple, tous les autres. L’abîme qui les sépare est facteur de tensions car les artisans qui s’usent au travail et sans lesquels les riches n’auraient rien à vendre se soulèvent. Comme si ces divisions sociales ne suffisaient pas, les Florentins se divisent entre guelfes, soutiens du Pape, et gibelins, soutiens de l’empereur germanique. Ces factions ne cessent de se succéder à la tête de la ville, bannissent, à vie parfois, les partisans de l’autre camp, engendrant des haines tenaces. 

Les sept amis

Et puis, il y a les guerres avec les cités rivales… L’ambiance est souvent lourde et la vie dangereuse. C’est dans un palais aux murs aveugles pour se protéger d’une éventuelle attaque, barricadé sur ses richesses que naît en 1200 Alexis (Alessio) Falconieri, fils de Bernardo, un grand marchand qui a fait fortune dans la fabrication et l’exportation de draps de laine très haut de gamme, une spécialité locale. Quand Alessio vient au monde, les guelfes gouvernent Florence et cela vaut mieux puisque son père est de leur bord. Chez les Falconieri, on est riche mais bon chrétien ; l’argent sert à aider pauvres et œuvres caritatives ; on reste humble car tout vient de Dieu et tous sont égaux devant Lui. Piété et vie de prière ne sont pas feintes. 

Adolescent, Alessio rejoint l’une des confréries de la cité, la plus mariale, celle des laudesi qui se consacre à louer et honorer Notre-Dame. Il y rencontre des garçons de son âge qui partagent sa dévotion et ses engagements, se lient spécialement avec six d’entre eux, Bonfliglio Monaldo, Giovanni Manetti, Benito dell’Antella, Bartolomeo Amidei, Ricovero Ugocionni et Gerardino Sostegni. Leur piété commune ne les empêchent pas, à l’approche de la vie adulte, de se plier aux attentes familiales. Cinq, dont Alessio, se marient, ont des enfants ; tous sont guelfes et assument les charges civiques et professionnelles de leur milieu. Sans le dire, ils en souffrent. Cette existence n’est pas celle qu’ils voudraient, mais que veulent-ils ? Ils l’ignorent jusqu’à ce printemps 1233 au cours duquel les frères François et Dominique passent à Florence, prêchent avec des accents inspirés le dépouillement des biens inutiles, l’amour de Dame Pauvreté, la beauté de s’en aller, léger comme l’air, pleins seulement de Dieu, prêcher l’évangile. 

L’habit gris des frères pénitents

Pour les sept amis, leur prédication est une révélation. Voilà trop longtemps que, sans le dire, ils abhorrent leur négoce, beaux habits, mondanités et n’ont qu’une envie : les abandonner. Plus facile à dire qu’à faire ! Si deux d’entre eux sont célibataires, deux veufs, trois sont mariés et pères de famille. Il leur faut avant tout demander à leur épouse la permission de la quitter pour la vie religieuse, choix qui implique qu’elle en fasse autant… Pieuses, ces jeunes femmes acceptent ; quant aux enfants, avant de vendre ce qu’ils possèdent et le distribuer aux pauvres, les pères prennent la précaution de leur assurer un avenir décent. Leur commun directeur de conscience les engage à revêtir l’habit gris des frères pénitents, qui marque leur nouvel état de vie. 

Il était temps car une guerre se prépare et aucun d’entre eux ne voulait y participer. De là à prétendre qu’ils se dérobent par lâcheté à leur devoir, il n’y a qu’un pas, d’autant plus vite franchi que les gibelins ont repris le pouvoir et tiennent les guelfes à l’œil. Est-ce cela qui peine Notre-Dame ? Le 15 août 1233, tandis qu’ils prient ensemble à l’église, Elle leur apparaît habillée de deuil, l’air affligé. Ils comprennent qu’ils ont fait le bon choix en se libérant “des servitudes de leur négoce pour vivre au service de l’Église, comme Marie, dans la prière et l’apostolat”. Ils savent désormais quel nom ils doivent prendre : Servites (serviteurs) de Marie.

La règle de saint Augustin

Au vrai, ils ne songent nullement à fonder un nouvel ordre religieux lorsqu’ils prononcent leurs vœux le 8 septembre suivant, persuadés que leur expérience de vie commune fraternelle n’est pas destinée à leur survivre. Ils comprendront peu à peu l’impossibilité de ce choix. En attendant, ils prient, soignent les malades, mendient, comme François et Dominique, insouciants des insultes et ricanements de ceux qui les ont connus riches et puissants, heureux des humiliations reçues.

L’évêque de Florence leur cède un terrain, à 18 kilomètres de la cité, au Monte Senarco. Là, ils bâtissent des ermitages où ils s’adonnent à des travaux artisanaux pour vivre et faire l’aumône. À Florence, la guerre entre partisans de l’empereur et du pape se déchaîne, beaucoup de Florentins, écœurés, fuient la ville et, pour certains, vont rejoindre les Servites dans leur solitude, bientôt si nombreux que Rome leur impose de se donner des constitutions conformes au droit canon et se transformer en congrégation. Le 13 avril 1240, Vendredi saint, Marie leur apparaît sous les traits de Notre-Dame des Douleurs, entourée d’anges, et les invite à adopter la règle de saint Augustin. Il leur faut se donner un prieur. Ce sera Bonfiglio, devenu prêtre, alors qu’Alessio, persuadé de son indignité, n’a jamais voulu recevoir le sacerdoce préférant demeurer frère lai, religieux laïc au services de la communauté et continuant à mendier selon leur charisme. 

Canonisés “comme un seul homme”

Mais les temps changent… En raison de dérives, de déchirements chez les Franciscains, parce que la pauvreté absolue devient difficile à tenir, Rome commence à regarder avec méfiance ces ordres mendiants trop détachés des biens de ce monde. En 1274, au concile de Lyon, elle les interdira purement et simplement, obligeant franciscains et dominicains à accepter de posséder des maisons et gagner de quoi vivre. Par chance pour les servites, ils se sont dotés d’un supérieur, Philippe Beniti, dont la sainteté est si éclatante, les dons de thaumaturge aussi, qu’il a dû se cacher pour ne pas être élu pape, et qui a senti le vent tourner. À cette date, il a déjà convaincu ses frères de ne plus mendier et de devenir propriétaires, ce qui les sauve des sanctions ecclésiales. L’Ordre possède alors dix-sept couvents en Italie, France et Allemagne. Beniti a aussi cherché l’appui du grand inquisiteur Pierre de Vérone qui n’a rien trouvé de répréhensible, au contraire, chez les servites.

Est-ce ce tournant, même s’il en comprend la nécessité, qui incite Alessio, très âgé, à se retirer dans un monastère, puis, en ses dernières années, en son ancien ermitage devenu couvent ? C’est probable. Il y meurt, dernier survivant des sept fondateurs, le 17 février 1310, au très grand âge de 110 ans. Ses dernières préoccupations auront été la direction spirituelle de sa nièce, Julienne Falconieri, qu’il avait élevée à la mort de ses parents, fondatrice des Mantellate, branche féminine de l’Ordre. Julienne sera portée sur les autels en 1797 ; son oncle attendra 1888 pour l’y rejoindre, en même temps que ses six compagnons, canonisés “comme un seul homme” selon le mot de Léon XIII. 

Tags:
bienheureuxHistoire
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