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Comment le père Hans, otage des djihadistes, a transformé sa captivité en retraite spirituelle

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AED/ACN

Père Hans-Joachim.

Camille Dalmas - publié le 21/01/24

Le père Hans Joachim Lohre, missionnaire d'Afrique, a été libéré en novembre 2023. Il avait été enlevé à Bamako par un groupe armé puis retenu en otage par le Jnim, le Groupe de soutien à l'Islam et aux musulmans, lié à al-Qaïda. Il revient pour Aleteia sur les conditions de sa libération.

Le 22 novembre 2022, le missionnaire allemand Hans-Joachim Lohre était enlevé par des djihadistes alors qu’il s’apprêtait à célébrer la messe à Bamako, au Mali. Sur le lieu du rapt, ses paroissiens ne trouveront que la croix du père blanc, qui restera prisonnier dans le Sahel pendant 370 jours, “accompagné par le Seigneur et votre prière”. À Rome, lors de la première conférence organisée depuis sa libération, le prêtre s’est confié sur ce qu’il affirme avoir vécu comme un “temps sabbatique” tourné vers l’oraison et la contemplation.

“Une voiture est arrivée ‘full speed‘. Je me suis dit que c’était un peu tôt pour la messe. Un homme est sorti et m’a dit : ‘mon père, vous êtes en état d’arrestation'”. Il est sept heures trente, jour de la fête du Christ-Roi, quand le père “Ha-Jo” – prononcer “Ayo” – se fait enlever. On le menotte, lui met une cagoule sur la tête, et le charge à l’arrière d’une voiture. Un ravisseur lui déclare : “N’ayez pas peur, nous on ne va rien vous faire, on est des bons, on vient d’Al Qaïda”.

Sa bible et son chapelet brûlés

Après des heures de route, on le débarrasse de toutes ses affaires – notamment des habits et du matériel liturgiques, de sa bible et de son chapelet. Tout lui est enlevé, sauf un T-shirt sur lequel était écrit “I love my king“, un signe pour lui, en cette solennité du Christ-Roi. “Ils ont tout brûlé, (…) mais ils ne peuvent pas prendre ma foi”, comprend-il alors.

Quand il était jeune, le père Ha-Jo se destinait à devenir agent pastoral et à fonder une famille, chez lui en Allemagne, mais s’est senti appelé irrésistiblement à rejoindre les pères blancs après une rencontre dans son diocèse. Envoyé au Mali pour la première fois il y a quarante ans, il y a passé vingt-huit ans, un travail de longue haleine, notamment dans le domaine du dialogue interreligieux, qui l’avait cependant fatigué, au point qu’il demande à ses supérieurs, quelque temps avant son enlèvement, une année sabbatique.

Remettre le jour de sa libération à Dieu.

“Quand j’ai été enlevé, je me suis dit que je commençais mon temps sabbatique : plus de rendez-vous, plus de travaux, plus de conférences à organiser, pas de stress… et beaucoup de temps pour prier”, déclare-t-il avec humour. Il sait que les prêtres otages sont généralement enlevés pendant quatre ans avant d’être libérés, et n’envisage alors pas sa libération au bout d’un an, un record et “un miracle” selon lui.

Il pense aussi à sa lecture des travaux du psychiatre autrichien Viktor Frankl sur les prisonniers du camp d’Auschwitz, dans lequel le professeur explique que les survivants “ont haï ou qui se sont résignés”, mais ceux “qui ont donné un sens à ce non-sens”. Il décide alors de “remettre le jour de sa libération à Dieu”, prenant comme horizon cette parole de la Genèse, prononcée par Joseph en secourant ses frères, eux qui l’avaient pourtant livré auparavant : “Vous aviez médité de me faire du mal : Dieu l’a changé en bien”. Le père Lohre n’a plus de bible, mais il a la chance d’en connaître de nombreux extraits par cœur pour l’accompagner dans son épreuve.

Alors qu’on l’emmène dans un camp de brousse du Sahel, le missionnaire apprend qu’il a été enlevé en raison de la présence de militaires allemands qui aident l’armée malienne à Garo. Quelques jours plus tard, on l’emmène dans un autre camp, où vivent d’autres djihadistes “très religieux”, qui tentent de le convertir en lui expliquant vouloir construire une société respectant la Charia, “sans débauche et sans alcool”. “Je ne leur donne pas raison, mais j’ai admiré leur sincérité”, reconnaît le prêtre, qui leur répond et défend sa foi, sans jamais être inquiété ni brutalisé.

Ecouter la messe de Noël et suivre les JMJ malgré sa captivité

On lui donne à manger suffisamment, notamment du pain dont il prend soin de conserver un morceau pour la messe, et une radio avec laquelle il peut écouter les stations locales, mais aussi souvent les émissions anglophones et francophones de Radio Vatican. Il raconte avoir pu ainsi entendre la messe du pape François au Vatican le jour de Noël : “J’étais aux anges”. Il pourra aussi suivre tous les grands événements catholiques de l’année : les JMJ à Lisbonne, le Synode… Mais son plus grand bonheur viendra quand il capte sur les ondes une radio malienne qui affirme que des musulmans et des chrétiens prient ensemble pour sa libération. “Je ne me suis jamais senti plus missionnaire qu’à ce moment-là”, confie-t-il avec émotion.

À la fin du mois de décembre, on l’emmène dans le désert où il est confié à des Touaregs. Il souffre un peu du froid la nuit, malgré le don d’un manteau de cachemire par un de ses geôliers, mais commence alors pour lui une “vraie retraite de prière”. Il passe “vingt deux heures sur vingt quatre” allongé sous une bâche, et ne peut se dégourdir les jambes sur un parcours délimité par ses gardes. Plus tard, on l’emmène dans une région montagneuse. Il y retrouve d’autres otages. Pendant toute cette période, il est nourri, soigné… et peut se consacrer à prier entièrement.

Il célèbre une messe de 2h chaque jour

Sa journée type : tout d’abord une messe de plus de deux heures. Cette célébration, il la commençait par l’invocation des saints du jour, ainsi que de trois saints qui l’accompagnent pendant toute sa captivité : sainte Bakhita, qui connut le rapt comme lui et parvint à accorder son pardon à ses ravisseurs, saint Charles de Foucauld, apôtre des Touaregs, et son saint patron Jean-Baptiste. Puis il continuait avec l’ordinaire, avant de réciter de tête les évangiles, puis de prêcher. “Je m’imaginais dans une des communautés de Bamako”. Ensuite, il consacrait un temps d’intentions de prière d’une demi-heure, confiant tout ce qu’il entendait à la radio, ainsi que pour ses “frères Maliens”. De tête, il récitait ensuite l’offrande, et la prière eucharistique. Il peut consacrer le pain qu’il garde pour cette occasion, et un “vin imaginaire”, ses geôliers lui refusant de lui en donner. “Ce n’est peut-être pas valide, mais pour moi, c’était la vraie messe”, affirme-t-il.

À midi, le père Ha-Jo récitait le chapelet, puis, dans l’après-midi, consacrait deux heures à la méditation contemplative. Il a confié avoir prié en particulier pour que “ceux qui sont dans l’angoisse” à cause de son enlèvement reçoivent un peu de la sérénité qu’il avait trouvé dans sa captivité.

Finalement, on lui annonce qu’il va être libéré, ce qui arrive le 26 novembre 2023. Aujourd’hui au repos en attente d’une nouvelle mission – qui ne sera pas au Mali, ce qui le désole – le père Lohre se dit heureux d’avoir pu revoir sa mère de 92 ans, qui était hospitalisée au moment de son rapt. Et remercie tous ceux qui l’ont soutenu : “Ce que je suis maintenant, je le suis grâce à vos prières”.

Enlevés, portés disparus… on est sans nouvelle de ces missionnaires :

Tags:
djihadismeIslamretraite
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