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[CONTE DE NOËL] Le plus beau souvenir

CONTE-DE-NOEL

Bertrand Galimard Flavigny

Bertrand Galimard Flavigny - publié le 24/12/23

C’est l’histoire d’une veillée de Noël, après la messe de minuit, chacun y va de ses souvenirs des Noëls d’antan, avec leurs rituels et leurs traditions… Mais de tous les récits, de tous les souvenirs, il n’en est qu’un seul qui soit le plus beau.

Dans la semi-pénombre, les lumières du sapin de Noël clignotent en alternance avec les lueurs des flammes qui, dans la cheminée, enrobent les bûches. Des voix d’enfants chantent Once in royal David city. Un classique de la chorale du New College Oxford. La mélodie lente berce les uns et les autres réunis autour de l’âtre dans le canapé et les fauteuils. Sur les murs, les personnages en tableaux, sainte Irène et sainte Madeleine, les premières, semblent s’incliner comme pour participer à la conversation. Pascal a proposé un vieil Armagnac pour achever la soirée. Les enfants sont montés se coucher, jetant, même les plus grands, un regard d’envie vers le pied de l’arbre décoré. Ils ont déposé chacun une chaussure tout autour de sa base. Il y a belle lurette qu’ils n’ignorent plus que ce sont les parents qui disposent les paquets que tous ouvriront le lendemain matin, dans un joyeux brouhaha fait de cris de surprise, de papier froissé. 

Monseigneur savoure son plaisir

La messe de minuit, en fait à neuf heures, dans l’église du village attenante à la maison, a été célébrée par un évêque émérite invité par le maître des lieux. Monseigneur, désormais retiré en France, a exercé son ministère dans son pays d’origine, le Congo. C’est la première fois qu’il se trouve dans une famille française à l’occasion de la fête de la naissance du Christ. Il savoure à la fois son plaisir et son étonnement, peu habitué à l’ambiance d’une vieille maison provinciale. Il fait plaisir à voir calé dans un des fauteuils Régence, la main enfermant la rondeur d’un verre rempli d’un liquide ambré. « Quand j’étais enfant, chez nous, en Afrique, on ne parlait pas ou presque du père Noël, c’était l’Enfant Jésus qui déposait les cadeaux près de la crèche installée dans la pièce principale de notre maison. » 

Le vieux prélat pose la main sur sa croix pectorale qu’il caresse machinalement : “Je me souviens que nous préparions cette fête, longtemps à l’avance. J’étais évidemment enfant de chœur et je savais qu’il me faudrait tenir le coup jusqu’à minuit et au-delà, parce qu’en ce temps-là, on n’anticipait pas les horaires des messes.” L’homme ferme les yeux, ses interlocuteurs devinent qu’il est reparti là-bas. Curieusement les voix des petits chanteurs d’Oxford suivent un rythme plus rapide. Elles se transforment, deviennent plus aiguës, l’orgue a laissé la place au balafon et aux sons des grelots… “Nous étions vêtus d’une grande aube blanche pourvue d’un large col. Les poignets étaient brodés. Je trouvais cela superbe. Nous avancions en procession en dansant et chantant. La cadence des mélodies nous envoûtait. Elles étaient ponctuées de, comment dire, de cris ou de you-you. Nous ne tenions pas en place ondulant suivant le tempo de la musique et des prières.” Imperceptiblement, Mgr l’évêque se balance sur son siège. Dans le foyer une bûche rougeoyante se sépare en deux, provoquant un jaillissement d’étincelles, jetant une lueur fugitive sur la scène. Les visages des uns et des autres offrent une quiétude partagée. 

« On nous couchait tout habillés »

À son tour Jean prend la parole, la tête remplie de souvenirs. “On nous couchait tout habillés, puis Maman nous réveillait et nous emmenait, encore endormis, dans la chapelle du Cercle, rue de Limoges à Versailles. J’entends encore les chants accompagnés par l’harmonium tenu par un homme digne, un peu fort et d’un certain âge. Il avait entonné un Minuit chrétien sonore. C’était chaque année, l’heure de gloire du marquis de L. J’avais pensé que nous allions enfin rentrer à la maison et j’ai eu très peur lorsque j’ai vu le père Maxime remonter à l’autel pour célébrer la deuxième des trois messes de Noël. Heureusement pour nous, les parents nous ont ramenés, ma sœur et moi. Nous avions droit à l’époque, à un chocolat chaud et à une brioche, et hop au lit !

— Trois messes ! s’exclame faussement effrayé, Thierry qui n’a jamais été enfant de chœur. 

— Souviens-toi de celles de dom Balaguère, le héros du conte d’Alphonse Daudet, intervient Bernard, habituellement peu bavard. Ah ! il les a expédiées ses messes basses, cela lui a en coûté trois cents de plus. Vous vous êtes montré beaucoup plus sage Monseigneur”, poursuit-il en s’adressant au prélat qui sourit finement. 

Nos pas crissant dans la neige

Dehors, dans la cour on entend la pluie frapper le pavage ; de l’autre côté de l’étang, les peupliers frémissent sous le vent. Le temps est bien doux pour une soirée de Noël. Quel que soit notre âge, nous rêvons toujours d’un Noël blanc. Les uns et les autres n’ont guère besoin de fouiller dans leur mémoire pour retrouver ces jours magiques. Les regards complices invitent ces frères et sœurs, cousins et amis, réunis autour de la vaste cheminée, à les raconter. « Il neige rarement dans l’Aude, rappelle Anne. Sauf cette année-là. Le nez collé à la fenêtre, j’avais regardé, toute l’après-midi, les flocons s’accumuler et couvrir de blanc, la campagne. Avant de nous rendre à l’église, ma mère m’avait enveloppée dans une cape rouge. Celle de mon frère était bleue. Nous avions traversé le village désert ; il n’y avait pas un bruit, sinon celui de nos pas crissant dans la neige. Le ciel était couvert d’étoiles. Nous ressemblions à des petits lutins égarés. C’était formidable ! »

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Jean, préposé aux bûches, charge à nouveau l’âtre. “Nous n’avons pas respecté la coutume, dit-il en déposant un gros morceau de bois en évitant la formation d’étincelles. Nous aurions dû couper dans la forêt voisine une très grosse bûche que Monseigneur aurait bénie. Une bûche si grosse qu’elle se serait consumée durant trois jours et mieux si possible, douze jours jusqu’à l’Épiphanie. Tout ceci pour en partager les bienfaits.

— Ne l’aurions-nous pas remplacée par la bûche de Noël, si lourde à digérer ?”, rétorque Thierry qui, tout à l’heure, a apprécié le Christmas pudding rapporté comme chaque année de Londres par Jean et que Pauline, la maîtresse de maison, attend toujours avec impatience. 

— Pour moi, pas de bûche, pas de neige, mais un merveilleux moment, se lance à son tour Florence. À Valle de Bravo, avec une bande d’amis du quartier, nous avions déambulé dans notre rue et visité presque toutes les maisons afin d’admirer leur crèche. Cette ville mexicaine est curieuse, car elle est plongée dans un lac bordé par des bois de sapins. Nous courions dans les jardins, bondissions dans les villas puis repartions vers la suivante. Nous nous attendions à voir un feu d’artifice, mais nous vîmes s’élever, des montgolfières. Ces coupoles multicolores flottaient dans l’air comme de grandes lucioles. » 

La tiédeur du petit salon

Chacun imaginait le merveilleux, car c’est bien cela que l’on attend au cours de la nuit sainte. Nous sommes prêts à irradier une douceur puisée au plus profond de notre enfance. La porte du fond s’ouvre et apparaît une petite silhouette à la tête blonde. “Je ne peux pas dormir, le père Noël est-il passé ?” demande l’enfant tout de même un peu endormie. — Marie, tu vas prendre froid, remonte”, lui dit sa mère.  

Diane qui s’était aperçue que la petite avait quitté son lit est descendue la chercher. Elle prend sa cousine dans les bras, fait un signe aux adultes et referme la porte, les laissant à leurs histoires. “Nous allions toujours chez mes grands-parents, en Anjou, se souvient Romuald. Je sens encore la tiédeur du petit salon et aussi le parfum de tabac des cigarettes que Mamouchka, ma grand-mère, fichait dans un embout en ambre et ivoire. Il faisait presque chaud dans cette pièce au contraire du grand salon où on gelait. Moi, je fouinais partout et en jouant,  j’avais découvert la petite remise, sous l’escalier, dans laquelle tous les cadeaux avaient été dissimulés. J’avais alors compris que le père Noël était une fable d’adulte.” Les propos de Romuald lui ressemblent, on ne la lui fait pas à celui-là. 

« Où est mon bateau, mon beau bateau, et puis la gare que Grand-Papa m’avait fabriquée ? se met à geindre Jean. La comédie ne trompe personne. — Qui pourrait me dire ce qu’est devenu mon train ? C’était celui de Papa. » Il éclate de rire voyant la mine étonnée de sa sœur. “Ne t’inquiète pas lui dit-il, c’est trop loin. Je regrette tout de même mon bateau. Je l’avais essayé l’après-midi même sur le Grand Canal…”

Le plus beau récit de Noël

Pascal qui n’avait rien dit jusque-là et avait observé ses amis et cousins, se lève et saisit un volume sur la commode derrière lui. “Moi aussi, j’ai une belle histoire de Noël. Elle est dans ce livre. 

— Ah, non tu ne vas la lire, nous ne racontons que ce nous avons vécu, proteste Pauline.

 — Détrompez-vous, nous l’avons tous vécu et la vivons encore : “Elle mit au monde son fils premier-né ; elle l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire d’animaux, car il n’y avait pas de place pour eux dans l’hôtellerie…”” Un léger sourire se dessine sur les lèvres du maître de maison. “Oui, il s’agit sans doute du plus beau récit de Noël”, celui de saint Luc.

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