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Comment les chrétiens se vengent-ils vraiment ?

Sad caucasian man sitting alone and thinling about problems

RealPeopleStudio | Shutterstock

Marc-Olivier de Vaugiraud - publié le 03/12/23

À la mécanique de la violence qui ne s’arrête plus, le Christ oppose la loi du pardon qui "domine jusqu’au cœur de l’ennemi". Quand l’amour manqué appelle une revanche, la vengeance des chrétiens répond par un amour vainqueur.

À première vue, il ne semble pas que les chrétiens puissent se venger… Et pourtant ! La loi du Christ est celle du pardon. Comme tous les commandements de Jésus, elle a été proclamée sur une montagne — les Béatitudes — et accomplie sur une autre, le Mont Golgotha… Parmi les Apôtres, Pierre était des plus bouillonnants, talonnant de peu les indomptables “fils du tonnerre”, Jacques et Jean. Il ne demande pourtant pas au Messie s’il peut, à l’occasion, se venger. Il a trop bien compris que le Christ veut nous faire vivre dans la miséricorde de Dieu, reçue et offerte. Il demande : “Combien de fois devrais-je pardonner les offenses que me fera mon frère ? Jusqu’à sept fois ?” Nous connaissons bien la réponse de Jésus :

“Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix fois sept fois” (Mt 18, 22).

Le pardon est une conquête

Cette réponse est en partie énigmatique. On ne connaît guère d’autres passages de l’évangile où le Seigneur répond par une multiplication un peu complexe. Bien sûr, les chiffres sont symboliques, le chiffre sept est biblique et désigne une totalité, un achèvement comme celui des sept jours de la Création du monde. Il suggère donc que le pardon est un acte créateur. Mais il faut aller plus loin, et chercher dans l’Ancien Testament si des précédents pourraient éclairer cette réponse. Il y a en effet deux passages où cette multiplication affleure.

Par le pardon, des murs s’effondrent et des cœurs peuvent être conquis, celui de l’offensé comme celui de l’offenseur.

Le premier, c’est celui de la prise de Jéricho par les armées d’Israël, à peine le Jourdain traversé, lors de leur conquête de la terre promise. Josué et ses « combattants, vaillants guerriers » sont au pied du mur devant une ville qui semble imprenable par des armées sans entraînement. Dieu leur donne alors une recette inattendue pour assurer la victoire : sept prêtres portant sept trompes en avant de l’Arche feront pendant six jours le tour de la ville. Et le septième jour, ils en feront sept fois le tour en sonnant de leurs trompes (Jo 3-5). Alors les murailles s’effondrent et l’armée fonce sur la ville pour la conquérir. La conquête n’a donc pas recouru à la force de l’épée, mais au son de trompes. 

Nos paroles de pardon retentissent du même son, qui brise les murailles. Il est donc probable que le Seigneur, par sa réponse arithmétique, fasse allusion d’abord à cette conquête. Le pardon n’est pas la démission des lâches qui ne savent pas combattre. À la lumière de ce passage de l’Ancien Testament, on comprend que le pardon est une vraie conquête, une manière puissante d’abattre les murailles les plus infranchissables. Le chrétien y fracasse les remparts de sa propre rancune, mais encore les murailles qui enferment le cœur de celui qui l’a offensé. Par le pardon, des murs s’effondrent et des cœurs peuvent être conquis, celui de l’offensé comme celui de l’offenseur. “Le Seigneur te donne le sceptre de sa force : domine jusqu’au cœur de l’ennemi”, dit ailleurs le psaume (Ps 109, 2).

La mesure de la miséricorde

L’autre passage de l’Écriture, moins connu sans doute, où il est plus précisément encore question de sept fois et de soixante-dix fois, c’est l’histoire de Lamek, le descendant de Caïn. Pour protéger Caïn de toute vengeance après le meurtre d’Abel, Dieu avait prescrit que quiconque tuerait Caïn serait vengé sept fois. Ce n’était pas évidemment pour promouvoir la vengeance, mais pour faire miséricorde au meurtrier, qui craignait que son crime ne lui revienne en boomerang… Et son descendant Lamek, ce fils de violence, détourne cette loi divine qui ne visait qu’à protéger Caïn de toute vengeance. Il déclare : “Caïn est vengé sept fois, mais Lamek soixante-dix-sept fois !” (Gn 4, 23-24).

C’est tout à fait remarquable : Jésus invoque une loi de vengeance, une loi mortifère où la violence s’ajoute à la violence et la multiplie sans cesse, pour en faire la mesure de la miséricorde. Ces passages nous disent donc la grande nouveauté de la loi du Christ : à la loi de croissance exponentielle de la violence où chaque offense appelle une revanche plus aiguë, il substitue celle du pardon où l’amour manqué est vengé par un amour vainqueur. Le pardon traverse l’offense pour rétablir l’ordre détruit par le péché. 

Le pardon fait office de vengeance

Il n’est pas interdit de penser aussi que le Seigneur suggère à ses disciples que le pardon leur fera office de vengeance. Par le pardon, soixante-dix-sept fois accordé, le chrétien obtient une riposte plus puissante que ne l’offrait la vengeance. Plutôt que de répéter le mal subi, il le vaincra jusque dans le cœur de son ennemi, pour faire triompher le vrai droit, celui de Dieu, restaurant l’ordre de la justice et de l’amour perdus.

Lorsque l’offense est trop grande et le pardon trop difficile à accorder, lorsque malgré soi, l’on rumine la petite phrase qui tue, l’offense que l’on pourrait commettre pour riposter à celle que l’on a subie, il n’est pas sûr qu’il faille pardonner tout d’un coup, avant d’avoir pris la mesure de la bataille à mener. Le chrétien peut très bien alors, dans ces cas douloureux, fomenter sa vengeance. Qu’il laisse alors monter en lui ses plans de riposte, qu’il se permettre d’élaborer ses petites stratégies. Qu’il voit comment il pourrait s’y prendre, pour bien réussir son coup, pour infliger à l’autre autant ou plus qu’il n’a lui-même subi. Et alors seulement, sa vengeance bien en main, il pourra le déposer, y renoncer, et s’assurer que son pardon est un acte positif, un acte de combat. Car le pardon ne doit jamais être la lâcheté de celui qui n’a pas de quoi se venger. Il doit être la vengeance disponible mais à laquelle on renonce pour mieux porter son coup. Entrer dans la miséricorde, ce n’est pas se dérober, mais c’est décider d’user d’une arme plus puissante pour vaincre la haine en soi et jusque dans le cœur de l’autre.

Les armes de l’amour

Appelé à pardonner soixante-dix-fois fois, le chrétien n’en est pas réduit au statut de victime passive, de mouton tondu à loisir : il est équipé d’une arme plus puissante pour se venger mieux, pour venger le droit de Dieu sur soi-même et sur le cœur de l’autre. La miséricorde rétablit la justice par les armes de l’amour.

Les conseils des grands saints pour apprendre à pardonner :

Tags:
ChrétiensJésusPardon
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