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Notre vrai visage ? Celui du Ressuscité !

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Josse / Leemage via AFP

"La Madeleine a la veilleuse", par Georges de La Tour (1593-1652), Paris, Musée du Louvre

Jean-François Thomas, sj - publié le 03/03/23

Le Carême est une longue marche de guérison où le visage des hommes, aveuglés par la poussière du péché, est purifié par les sacrements et la parole de Dieu.

Cette saison de pénitence nous remet une fois de plus devant notre péché et notre tendance, difficile à éradiquer, de retomber sans cesse dans les mêmes ornières. Occasion pour le moins de remettre les pendules à l’heure, chacun pour soi, et non point en louchant vers les défauts du voisin. Le péché est le “bien commun” de l’humanité puisqu’il taraude chacun. Nous nous en passerions aisément, mais son attraction est souvent plus forte que notre volonté. Nous pouvons sourire, afin de respirer un peu, à cette histoire de l’enfant qui, en d’autres temps, revient de la messe et est interrogé par son père sur le contenu du sermon : “As-tu aimé le sermon de Monsieur le curé ? — Oui. — De quoi a-t-il parlé ? — Il a prêché sur le péché. — Ah bon ? Et qu’a-t-il dit ? — Il est contre.”

Le Carême, une marche vers la guérison

En effet, s’il suffisait d’être contre pour y échapper, la tâche serait aisée et nous n’aurions pas besoin du Carême pour réfléchir aux moyens à mettre en œuvre afin de boiter un peu moins en nous avançant vers Dieu. Lors de l’imposition des cendres, l’antique liturgie reprend les paroles de Dieu lors du péché d’Adam : Memento, homo, quia pulvis es et in pulverem reverteris (“Souviens-toi, homme, que tu es poussière et que tu redeviendras poussière”). Personne n’échappe à cette loi, mais Notre Seigneur a retourné la malédiction si nous choisissons le chemin de la conversion. Dans sa vie publique, ce n’est pas par hasard s’Il utilisa la poussière pour rendre la vue à l’aveugle-né : “Il cracha à terre, fit de la boue avec sa salive, et frotta de cette boue les yeux de l’aveugle” (Jn9, 6). Saint Jean-Baptiste avait prophétisé que, grâce au Messie, les aveugles verraient. À cette poussière que nous sommes, et qui est aussi la cause de notre cécité, le Christ mêle sa salive et c’est elle qui purifie cette poussière puisqu’elle est le signe de la parole divine. 

La poussière est tout ce qui nous appesantit, nous collant à ce sol qui nous aimante, à cette terre qui agite devant nos yeux les honneurs, les richesses, les plaisirs. Nous peinons à ne pas nous enliser, nous embourber car nous nous satisfaisons aisément de mordre la poussière, de nous en nourrir. Notre Seigneur ne se contente pas de mettre sur notre front des cendres pour nous rappeler notre destinée. Il ne nous maintient pas dans la tristesse. Tout le Carême est une longue marche vers la guérison en recevant la divine salive : les sacrements, la Parole de Dieu. La poussière reçue irrite mais sauve grâce à ce mélange. Elle nous extirpe de notre condition strictement humaine et nous restaure. Nous en sortirons avec des yeux neufs et avec un visage transfiguré.

Contre la promesse du néant

Cette épreuve pourrait conduire à la tristesse, mais il n’en est rien car, selon le commandement du Christ, le sacrifice, le jeûne, les privations ne doivent pas conduire à une attitude hypocrite et renfrognée. Les trésors de ce monde sont la proie de la vermine et des charançons : “Ne vous amassez point de trésors sur la terre, où la rouille et les vers rongent, et où les voleurs fouillent et dérobent. Mais amassez-vous des trésors dans le ciel, où ni la rouille ni les vers ne rongent, et où les voleurs ne fouillent ni ne dérobent. Où en effet est ton trésor, là est aussi ton cœur” (Mt 6, 19-21). Si nous regardons la poussière comme notre trésor, nous ne pourrons pas recouvrer la vue. En revanche, si nous cherchons le trésor au-delà et au-dessus de ces cendres, alors nous serons comblés car nous aurons trouvé notre fin ultime qui transcende la poussière grâce à la Parole de vie de Notre Seigneur. 

Le ver et la mite rongent toutes ces prétentions à être l’égal de Dieu, à ne pas accepter sa condition, à rassembler un trésor de paille.

L’Église ne dit pas que nous sommes pourriture, mais que nous sommes poussière. C’est le monde qui, dans un jeu pervers et manipulateur, nous exalte dans un premier temps, nous divinise et, aussi soudainement, nous rabaisse et nous fait croire que la vie n’a aucun prix, aucun sens et que nous sommes promis au néant. Alors, en attendant d’être rongé à jamais par les vers, l’homme essaie de rejeter son angoisse dans le plaisir et le divertissement. Lorsque le monde a commencé à remplacer Dieu par le surhomme, il a distillé dans les cœurs le pessimisme le plus noir. Le père Leonardo Castellani notait que “le siècle du confort et des plaisirs est le siècle du bolchevisme et de la pauvreté industrielle. Le siècle des grandes découvertes scientifiques est le siècle des grandes misères morales. Le siècle pacifiste est le siècle de la Grande Guerre. Le siècle des Lumières est le siècle de l’ignorance religieuse” (La Vérité ou le Néant. Sermon de la poussière). En fait, le ver et la mite rongent toutes ces prétentions à être l’égal de Dieu, à ne pas accepter sa condition, à rassembler un trésor de paille.

Le visage du Ressuscité

Quelles que soient les contorsions du monde qui veut faire briller un trésor de pacotille, le mélange de poussière et de salive de Notre Seigneur révèle au grand jour la vérité : notre âme est misérable à cause du péché originel et Il lui rend sa grandeur ; notre corps est faible et corrompu et Il lui redonne son lustre par la résurrection. Durant ce Carême, nous tous comme le futur saint François Borgia, alors vice-roi de Catalogne, devant le cadavre putréfié de l’impératrice Isabelle de Portugal, saisi par la réalité de la mort et décidant que plus jamais il ne servirait désormais de seigneur mortel. Notre corps, que nous chérissons, connaîtra une décomposition semblable. Pourtant, le visage qui s’efface ne révèle pas d’abord le crâne, la tête de mort, mais au contraire le visage glorieux du ressuscité qui nous est promis. Celui qui se nourrit de poussière demeurera squelette, puisque tel est son choix. Celui qui accepte la salive qui sauve, sur ses yeux aveugles, se dressera dans la Lumière. Le tas de poussière de notre corps, nourri par toute une vie sacramentelle, priante, vertueuse — par de multiples combats — est vraiment fertile, semence de vie éternelle grâce à la salive du Sauveur. Encore faut-il accepter d’être ainsi touché par le Maître.

Ravaler la façade

Il est temps de déposer tous nos ornements, tous nos oripeaux, tout ce qui trompe sur notre état véritable. Rien n’est plus beau qu’un visage sans fard, marqué par les ans et les soucis, creusé, ridé, buriné, abîmé mais prêt à accueillir le geste du Seigneur qui transforme la poussière en chair sans tache. N’ayons pas peur de livrer notre vrai visage à la curiosité du monde qui sera surpris de tant de simplicité et d’abandon, lui qui est habitué à préparer des enduits pour faire croire que la réalité est autre. Ces quelques semaines sont bien courtes pour ravaler totalement la façade, mais elles sont une occasion unique d’initier ce qui nous revêtira d’une jeunesse éternelle. Cela prend du temps et les échecs sont nombreux. Il faut reprendre la tâche sans se lasser. Voilà qui efface toute tristesse de notre cœur et nous aide à embrasser les épreuves sans qu’elles nous écrasent. La poussière que nous sommes est un trésor précieux aux yeux de Dieu.

Tags:
CarêmeJésus
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