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Journée de la trisomie 21 : le défi de la vulnérabilité

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Eleonora_os | Shutterstock

Blanche Streb - publié le 20/03/22

Essayiste, mère de famille, docteur en pharmacie, Blanche Streb éclaire tous les lundis les grands enjeux de société qui touchent à la vie humaine. À l’occasion de la Journée mondiale de la trisomie 21, elle dit sa confiance dans un monde qui se construit avec des forts et des fragiles. Pour qu’une société progresse vers plus de justice, ne doit-elle pas commencer par recevoir chacun comme il naît ?

En ce 21 mars, nombreux sont ceux qui porteront des chaussettes dépareillées. Pour célébrer quoi ? La différence. Depuis de nombreuses années, en effet, le vingt et unième jour du troisième mois de l’année met à l’honneur ceux dont le caryotype s’est étoffé d’un troisième chromosome vingt et un… c’est même leur journée mondiale. En 2016, le Comité des droits de l’enfant de l’ONU se déclarait préoccupé par la persistance de la discrimination à l’égard des enfants handicapés, notamment en termes d’égalité avec les autres enfants. À ce titre, il recommandait à l’État français de mener des campagnes de sensibilisation pour lutter contre la stigmatisation et les préjugés dont ils sont victimes. En septembre 2021, le Comité pour les droits des personnes handicapées (CDPH) des Nations-unies insiste en condamnant nettement la politique française de dépistage prénatal systématique.Le cas de la trisomie 21 est emblématique. Le nombre important (95%) de recours à une interruption médicale de grossesse pourrait bien être le reflet de l’insuffisance des accompagnements et infrastructures proposées, et d’une insidieuse pression sociétale. 

Un tamis génétique

Je ne résiste pas à vous partager ce témoignage, parmi ceux reçus sur la plateforme présidentielle d’Alliance VITA, celle d’une famille qui a dû faire face au diagnostic de trisomie 21 à la naissance de leur troisième enfant. Quand ils ont annoncé cette nouvelle à leurs aînés, la plus grande s’est exclamée : « Oh ! on va avoir un joyeux, nous aussi ! » C’est au travers de la musique de Cilou que ces enfants avaient été intérieurement préparés. C’est dire à quel point le regard de la société compte. Notre humanité est confrontée à cet immense défi, celui d’accueillir sa propre vulnérabilité. Le dernier quinquennat et les débats lors la révision de la loi bioéthique l’ont prouvé. Ce nouvel eugénisme, déjà là, est prêt à s’étendre. Pourtant, la société n’est ni éveillée ni éduquée à penser ces enjeux de manière collective.

Vous êtes-vous déjà posé cette question : qui d’entre nous aurait été mis au tapis par ce tamis génétique, fable du progrès, qui ne cesse de resserrer les mailles de son filet ? De plus en plus, la vie est soumise aux biotechnologies. Du code génétique au code-barres ou au QR codes, il n’y a qu’un pas. Sans une immense prise de conscience pour freiner cela, technique et économie n’auront de cesse de nous pousser dans ce désespérant toboggan sur lequel notre folle quête de perfection génétique a posé son séant. 

L’illusoire perfection

Cette quête de perfection est une chimère. Elle est, et sera, source d’immenses désillusions. Au motif d’épargner quelques souffrances, elle pourrait bien, au contraire, en engendrer de nouvelles. Et si, à mesure que la technique court derrière l’illusion de perfectionner l’espèce humaine, dans cette tentation de vouloir rendre autrui « meilleur », ce serait nous-même, et notre société que nous rendions moins meilleurs… ? Benoit XVI dans Caritas in veritate pose cette très éclairante observation : « Si la sensibilité personnelle et sociale à l’accueil d’une nouvelle vie se perd, alors d’autres formes d’accueil utiles à la vie sociale se dessèchent. »  

Le défi est donc d’assumer cette vulnérabilité comme faisant partie de notre condition humaine.

Pour qu’une société progresse vers plus de justice, de solidarité, ne doit-elle pas commencer par recevoir, chacun, comme il est ? comme il naît ? Ne doit-elle pas se tenir prête et s’organiser pour accueillir et accompagner l’imprévisible et la fragilité qui ne manquent jamais d’arriver ? Car évidemment, cette course folle n’empêchera ni les accidents, ni les maladies, ni les petits malheurs, ni les grands bonheurs, ni les épreuves de la vie. Le défi est donc d’assumer cette vulnérabilité comme faisant partie de notre condition humaine. Se rappeler sans peur qu’elle fonde notre commune humanité, nous relie, crée ce point commun entre chacun qui nous donne un sort commun. Pourquoi, alors, ne pas la voir comme pierre d’angle des relations humaines ? C’est bien à travers elle que de tout temps s’affermit la fraternité, ciment si fragile dont nos sociétés individualistes et blessées ont tellement besoin.

Petits flocons de bonheur

Je crois profondément que le monde se construit avec des forts et des fragiles, l’un pouvant devenir l’autre à tout moment, l’un étant l’autre à tout moment. Combien de cabossés, tordus, pauvres, où ayant eu une vie fauchée bien trop tôt ont marqué durablement de leur empreinte l’histoire du monde ? Du plus grand génie, du plus grand artiste — dont la mémoire traverse toutes les époques — au plus petit, discret, anonyme, combien d’« imparfaits » ont fait progresser l’humanité, notre humanité ? Heureusement que personne n’est venu couper leur destin génétique…

La maman de la petite Clémence qui joue la fille du général de Gaulle au grand écran témoigne dans Le Bonheur dans tes yeux (Mame, 2021) que « même si la journée a mal commencé, des petits flocons de bonheur en tout genre flottent dans notre maison en partie grâce à Clémence, qui a cette extraordinaire qualité de savoir se réjouir, s’émerveiller et se contenter des petits plaisirs de la vie. Sa joie a une saveur extraordinaire de spontanéité qui n’est pas donnée à tout le monde ». En ce 21 mars, laissons la force des joyeux rejoindre tous les génétiquement imparfaits que nous sommes, riches d’être, avant tout, génétiquement uniques. 

Tags:
eugenismeTrisomie 21
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