Quand l’auteur de Narnia plaide pour la morale universelle

– Cette morale ? Mais c’est dépassé !

– Il faut vivre avec son temps, soyez un peu moderne voyons !

– À chacun son système de valeurs !

Combien de fois n’entendons-nous pas autour de nous des phrases de ce type, empreinte du plus grand relativisme.

L’écrivain C. S.Lewis, auteur de la série Narnia, utilise utilise des mots très durs pour désigner ce qu’il constate être une perversion de notre époque. Sous couvert de progressisme, elle s’enfonce, selon lui,  dans une voie contraire au véritable progrès qui devrait mener vers plus de civilisation et plus d’humanité. Il faut citer ces mots qui résument, à eux-seuls, toute la pensée du professeur : “La Loi Naturelle n’est pas un système de valeurs possibles parmi beaucoup d’autres. C’est la seule source de toute valeur. Si on le rejette, on rejette toute valeur. Si on en conserve une seule valeur, on le conserve tout entier. Tout effort qui consisterait à le réfuter pour le remplacer par un nouveau système de valeurs se contredirait lui-même. Il n’y a jamais eu, et il n’y aura jamais, de jugement de valeur radicalement nouveau dans l’histoire de l’humanité. Ces choses qui prétendent être de nouveaux systèmes ou idéologies, ne sont rien d’autre que des fragments de la Loi elle-même, arbitrairement arrachés à leur contexte global et démesurément gonflés jusqu’à la folie dans leur isolement, cependant, c’est à la Loi, et à elle-seule, qu’ils doivent le peu de validité qu’ils possèdent. (…)

Partout où on exige d’un précepte de la morale traditionnelle de se justifier comme si c’était à lui de présenter des preuves de sa crédibilité, nous faisons fausse route. On ne peut pas mettre la Loi sous la menace de son pistolet et attaquer directement un précepte avec des « Pourquoi ? » « À quoi cela sert-il ? » « Qui a dit cela ? » car aucune valeur ne peut se justifier elle-même à ce niveau. On ne doit pas non plus retarder l’obéissance à un précepte jusqu’à ce qu’on ait examiné s’il est digne de confiance. Seuls ceux qui pratiquent la Loi comprennent cela et seul l’homme de cœur reconnaît la raison chaque fois qu’elle se manifeste.“

Et de conclure : “L’intelligence humaine n’a pas davantage le pouvoir d’inventer une nouvelle valeur qu’il n’en a d’imaginer une nouvelle couleur primaire ou de créer un nouveau soleil avec un nouveau firmament pour qu’il s’y déplace”.  [1]

La Loi Naturelle et Universelle serait-elle immuable dans sa formulation et son application ? Serait-elle un carcan pesant lourdement sur les Hommes ?

Non, dit Lewis. La Loi présente au cœur de la Création et de l’être humain, ne s’exprime pas toujours de la même manière au cours de l’Histoire. La lettre diverge et il appartient aux Hommes d’en saisir l’Esprit qui y souffle. Mais de la même manière qu’un poète de l’ampleur de Shakespeare peut et va faire évoluer la langue qu’il manie, seul celui qui vit dans et par la Loi Naturelle peut lui imprimer une nouvelle expression ou direction selon l’exigence de l’Esprit. Quelqu’un d’extérieur à la Loi ou qui la mépriserait ne pourrait aucunement en pénétrer l’esprit et en changer la lettre.

Les mots de Lewis sont particulièrement difficiles à entendre pour notre époque, peu encline à accepter une morale en bloc et où à tous les niveaux de la société, l’idée infuse selon laquelle c’est à chacun de se construire sa propre morale. Pourtant, les idées exprimées par Lewis peuvent déboucher sur de belles réflexions.

[1] C.S.Lewis, L’Abolition de l’Homme, Raphaël Edition, 2000, pp 60-65.